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NO TAV/ZAD Entretien n°3 Emilio le poissonnier

mis en ligne le 29 septembre 2016 - Mauvaise Troupe

Le DIGOS [1] m’a dit : « Mais qu’est-ce que tu fais avec les No TAV ? Toi tu as une belle voiture ». Ça signifie bien qu’ils sont là pour défendre les riches. Et la preuve, c’est que le chantier est militarisé, il coûte 100.000 euros par jour, et c’est la collectivité qui paie. Ils en ont fait un « site stratégique d’intérêt national ». À l’intérieur du chantier, il y a le corps des chasseurs de Sardaigne, et ceux de Calabre – c’est un corps spécial qui s’occupe de lutter contre les preneurs d’otages en Calabre, parce qu’une des stratégies de la ’Ndrangheta [2] c’est d’enlever des gens – il y a les celerini [3], les carabiniers, la police et la guardia di finanza [4]. Il manque seulement la Marine, parce que la vallée n’est pas navigable ! C’est leur zone rouge, avec son portail, ses checkpoints où ils contrôlent tout ce qui entre et sort, les plaques minéralogiques...

Moi, en décembre j’ai acheté cette voiture, une belle voiture qui représente la bourgeoisie, et avec mes moyens, je me suis bien habillé – parce que d’habitude, mon look c’est celui des jeunes, je leur ai déjà demandé pardon, aux jeunes des centres sociaux, c’est important ça, parce que moi, il y a quelques années, j’étais comme le veut le système, je faisais mon travail, je croyais faire le bien parce que je ne faisais de mal à personne, je lisais le journal et je croyais que c’était la vérité parce que c’était écrit par les journalistes et que les journalistes disent la vérité, j’écoutais parler les politiciens et je me disais : « Madone, ce sont les gens les plus éthiques que nous avons, si eux ils le disent, c’est parfait. » Je savais tout du football, des championnats, pas seulement les buts, aussi le nom des présentateurs de la télévision, alors moi j’étais comme ça. Et ils m’avaient fait croire que les jeunes des centres sociaux étaient affreux, sales et méchants. Heureusement, je suis descendu dans la rue, je suis entré en contact avec ces jeunes, et j’ai compris, je me suis ouvert, j’ai dû abandonner les lieux communs selon lesquels la politique était éthique, les journalistes écrivaient la vérité, et je suis devenu Dame-jeanne molotov. Parce que mon idée c’est celle-là : combattre. Je suis devenu No TAV parce que j’ai vécu sur le terrain les émotions de la situation, et là tu te rends compte que nous sommes dans le vrai, c’est pour ça que je te racontais ce truc-là, parce que moi dans le chantier j’y suis entré de nuit et j’ai coupé les grilles, j’ai fait les marches de 80.000 personnes, j’ai fait de l’information dans toute l’Italie, j’ai fait des heures de prière main dans la main avec les catholiques, tout, tu comprends, j’ai pris les inculpations, les coups de matraque.

Mais cette histoire de la voiture est très grave, parce que pour eux je suis Dame-jeanne molotov, celui qui représente les aguerris. Le mouvement est impossible à battre parce qu’il y a de tout, il y a le pacifique, le catholique, l’aguerri, l’intellectuel, tu comprends ? Il y a le peuple. Et il y a aussi ce mouvement plus dur à l’intérieur, ils savent que moi je représente ce... disons groupe, alors il a suffi que moi je prenne ma nouvelle voiture, qu’ils ne connaissaient pas, je me suis bien habillé, j’ai mis les lunettes de repos – je ne le dis pas mais j’ai besoin de lunettes pour regarder la télévision – je suis allé au chantier, leur zone infranchissable, checkpoint, zone rouge, chef de poste, sous-chef de poste, responsable de la sécurité, parce que ces 100.000 euros, ils doivent les justifier en disant que nous sommes des terroristes et qu’eux ils sont là pour défendre le chantier. Moi je suis arrivé, il y avait déjà les jeunes qui portaient la table pour l’apéritif du vendredi soir, ils ne m’ont pas reconnu parce qu’ils ne connaissaient pas ma voiture, que j’avais la chemise, etc. Quand je suis arrivé au portail, les jeunes m’ont insulté, pour dire la vérité, j’ai entendu : « Connard, t’en fais pas, c’est nous qui la payons ta grosse bagnole. » Moi je rigolais, parce que j’avais vu qui était là, et je me disais que quand je sortirais, si je sortais, je crierai un peu sur ceux qui m’avaient insulté ! J’ai fait un appel de phares, les policiers m’ont ouvert, ils se sont poussés, et je suis entré dans le chantier. J’ai fait deux kilomètres à l’intérieur ! Quand je suis arrivé là-haut, ils m’ont arrêté, les blindés sont arrivés, parce qu’évidemment de là-haut ils ont vu cette voiture, et ils se sont dit : « Mais qui c’est, nous n’attendons personne », et ils ont demandé aux autres qui c’était et ils leur ont répondu : « Nous n’avons pas contrôlé, c’est un 4X4, on croyait que c’était l’ingénieur. » Quand après ils ont découvert que c’était moi, celui qui faisait le contrôle a dit : « Mais quelle galère, putain, comment on va faire maintenant pour justifier d’avoir Dame-jeanne là-dedans, et que c’est nous qui l’ayons fait rentrer ? » Ils ont essayé de camoufler la chose. Mais entre eux, ça a été la pagaille. Alors pour étouffer l’affaire, ils se sont dit : « Si on le faisait sortir sans faire trop de bruit, ça nous arrangerait... » Si cette chose-là se sait dans leur milieu... C’est sorti dans deux journaux : « Un activiste No TAV est entré dans le chantier », comme si c’était une chose naturelle. Alors le sénateur 5 étoiles [5] de la vallée, quand il a lu ça, il a posé à l’assemblée cette question, en disant que ces militaires-là ne servent à rien. C’est aussi la preuve qu’un activiste, s’il s’habille bien, peut violer la zone rouge et entrer dans le chantier, ça aurait pu être un terroriste avec une bombe pour miner leur tunnel !

Mais moi je savais déjà qu’ils étaient décérébrés, parce que cet été, et aussi l’été d’avant, je suis allé au chantier avec mon fourgon, celui que j’utilise pour le travail, avec ma femme. Je lui ai dit : « Marinella, maintenant je vais te montrer une chose que tu ne croiras jamais. » J’arrive devant le chantier et je demande une information à la police, comme si j’étais perdu : « Excusez-moi, j’ai besoin d’une information, pourriez-vous me dire, on m’a dit qu’il y avait un raccourci, un tunnel pour aller en France, vous sauriez me dire où il est ? » Et vous savez ce que m’ont dit ces militaires ? « Moi, pour dire vrai je ne sais rien sur cette route, ce tunnel, ce raccourci pour la France. » Je me suis tourné vers ma femme et je lui ai dit : « Tu as vu ce dialogue. » Alors ces jeunes militaires m’ont dit : « Attendez un instant, on va demander à nos collègues, parce qu’on est là depuis peu mais eux ils doivent savoir », ils demandent aux autres militaires, ils étaient dix ou quinze : « Toi tu sais, le monsieur dit qu’il y a une route pour aller en France, un raccourci, un tunnel », et tous ces militaires disaient : « Moi je ne sais pas, je ne sais pas du tout, toi tu sais ? » Je regarde ma femme : « Tu as vu le niveau, ils ne comprennent même pas que je me fous de leur gueule. » Alors je leur ai dit : « Vous ne servez même pas de bureau d’information, vous ne valez vraiment rien ! » Après ils ont compris que je me moquais d’eux, parce que j’ai fait marche arrière et je suis entré dans le camping No TAV juste devant la centrale. Ils étaient ridiculisés.

Un jour, après cette histoire, une journaliste est venue et elle a fait une interview, dans les bois, de nuit. Elle m’a posé une question très intéressante : « Mais comment es-tu devenu un No TAV, on ne naît pas No TAV ? » Et ma réponse a été : c’est parce que je participais à une manifestation organisée, autorisée, c’est un droit constitutionnel de rejoindre une manifestation, et je n’y aurais jamais cru si je ne l’avais pas vu de mes yeux. J’étais à côté de ma femme, on avait les mains en l’air comme ça, tous les policiers étaient alignés devant leurs jeeps. Moi j’y étais juste allé pour voir cette militarisation. Ma femme, mon neveu et moi on était dans les premiers rangs à regarder ça, et je me disais : « Mais bordel c’est quoi ce chantier avec tous ces policiers ! » Quatre jeunes se sont approchés des grilles en criant des slogans : « Bas les pattes de la vallée », « Rentrez chez vous », « Esclaves de l’État ». Ça ne mettait pas la police en danger physiquement, c’était des slogans, mais ils ont attaqué avec le canon à eau pour éloigner les jeunes de la grille. Ma femme, qui est toute ma vie, c’est une femme très forte, mais elle a un problème, elle est asthmatique, elle doit prendre de la ventoline et moi qui me sens si fort, j’ai cru mourir, parce que quand ils ont lancé l’eau sur les jeunes, ma femme a fait : « Éloignons-nous, ils nous arrosent », et ils nous ont tiré dessus, à hauteur d’homme, à tir tendu. Il y a eu ce boum, ils nous touchaient. Je n’avais jamais vu le CS, le gaz, c’était la première fois, il y a trois ans, le 3 juillet 2011. Je me suis retrouvé dans ce nuage de gaz, je l’ai respiré, j’ai pris une inspiration, et j’ai vraiment pensé : je n’espère même pas me sauver mais plutôt mourir tout de suite. Alors je me suis enfui pour trouver de l’air, j’ai fait quelques pas et j’ai eu honte d’exister, parce que j’ai pensé : « Merde, mais où je suis en train d’aller, il y a ma femme là et je ne la vois plus. » Alors j’ai pensé : « Si moi qui me sens fort, je me sens si mal, comment doit se sentir ma femme ? » Alors je ne me suis plus enfui, je l’ai cherchée dans ce nuage blanc, et je l’ai trouvée par terre qui vomissait, ça m’a mis dans une rage telle que si j’avais eu une bombe grande comme ça je l’aurais lancée sur eux et moi avec. Alors après j’ai jeté toutes les pierres qu’il y avait en Clarea [6], jusqu’à ce j’aie trop mal à l’épaule. La rage, tu comprends. Après j’ai compris à quoi servaient les pierres, elles leur servent à eux, pour justifier leur militarisation, et nous on est les terroristes. Quand je suis arrivé à la maison le soir, ma belle-mère nous a dit qu’on était des petits voyous parce qu’on avait jeté des pierres à la police. Ma femme lui a dit : « Maman, j’ai risqué de mourir, nous n’avions rien fait, la police nous a tiré dessus. » Dans ma vie, je pensais que si quelqu’un me tirerait un jour dessus ce serait la mafia, un criminel. Mais la police... Moi je croyais que la police nous défendait de la criminalité, ils sont payés pour ça. Et non, maintenant la police m’a tiré dessus, une certitude s’est envolée et depuis ce jour j’ai compris qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans ce système. J’ai ouvert les yeux, et je suis sorti de ce grand théâtre que le système fabrique. J’ai pu le faire parce que je suis descendu dans la rue. Les No TAV sont la partie la plus propre de l’Italie, pas parce qu’on est No TAV, mais parce qu’on est contre le système marchand qui organise tout ça. Et on donnera notre soutien à tous ceux qui se mettront en lutte.

C’est pas trop difficile de conjuguer la lutte No TAV et ton travail sur les marchés ?

Je t’explique. C’est clair qu’on a une vie personnelle, mais toutes mes ressources physiques, mentales, je les reverse à part égale pour nourrir ma famille, et pour aider des gens, et mon engagement c’est de me battre contre ce truc-là, pour une raison très simple : parce que je suis en train de me soigner d’un cancer. J’ai été opéré en 2014 et ils ont découvert un cancer, mais je suis un vrai sanglier, je suis increvable, pour me tuer ils devront me tirer dessus à la chevrotine. Ma femme, en 2013, a eu elle aussi une tumeur. Mais on est trois dans la famille : moi, ma femme et notre fille de 28 ans. S’ils veulent qu’elle aussi tombe malade pour faire le compte, qu’ils me le disent. Ils déplacent des millions de mètres cubes de remblai qui contient des matériaux que nous appelons problématiques (dedans il y a de l’amiante, de tout) et juste pour un petit tunnel exploratoire. Ils disent qu’ils n’ont rien trouvé de dangereux, mais je n’ai plus confiance dans les données du gouvernement, parce qu’ils mentent sur les paramètres, sur tout, ils n’ont plus honte de rien. Alors moi je suis un père qui est en train de défendre la santé de sa fille, et je ne me rendrai jamais, parce que toutes mes ressources de temps, de persévérance, je les dédie à ça, je ne regarde plus la télévision, je ne m’intéresse plus au football, je n’ai plus Sky [7], parce que maintenant je fais partie du mouvement, je ne suis plus seulement un No TAV, je suis plus que ça, et c’est une victoire si aujourd’hui je convaincs une personne et que je réussis à lui ouvrir les yeux en faisant du catéchisme, parce qu’on réussira à réveiller les endormis, mais nous n’avons pas les médias, la télé, les journaux, donc je dédie toutes mes ressources au mouvement. Mais ce n’est pas pour arrêter la Lyon-Turin, parce que ça tout le monde a déjà compris que c’était une arnaque.

Imagine-toi un chantier de millions de mètres cubes qui dure vingt ans avec les camions qui font des va-et-vient en déplaçant ce remblai dans une vallée qui a déjà des problèmes de tumeurs. On a un pourcentage de cancers important, parce que cette montagne contient de l’amiante, ce sont des montagnes amiantifères. Dans les années 50, on est devenus exportateurs d’amiante, aujourd’hui on sait que c’est dangereux, alors avec l’action du vent, ce n’est plus cette zone saine que l’on imaginait avant, mais on y vit, alors on dit : « Ne percez pas sinon ce sera pire ! » Ils s’en foutent, c’est pour le business, le business de la ’Ndrangheta. C’est elle qui est spécialisée dans les déplacements de terre, et là il faut déplacer 3 millions de mètres cubes de terre...

« Presidio » n’a pas de traduction en français, tu peux nous expliquer ce que c’est ?

Le presidio est important, parce que c’est une adresse pour se retrouver. Quand ils nous ont brûlé le troisième presidio, on était tous malheureux, et moi j’ai dit : « Les presidi c’est pour avoir un toit, mais les vrais presidi sont dans notre cœur, partout où on est c’est un presidio. Un presidio c’est un bois, un châtaignier, parce que le presidio c’est nous. » Et s’ils pensaient nous éliminer en brûlant les presidi, ils se sont vraiment trompés de stratégie. S’ils veulent éliminer le mouvement, ils devront nous brûler avec du napalm, nous, les gens, pas les presidi. Un presidio c’est bien si tu veux faire la fête, pour manger, mais le vrai presidio ne doit pas avoir de toit, ne doit pas avoir d’adresse, le presidio c’est nous quatre, là, où que nous soyons, si on a un cœur qui bat et qu’on est contre le système. Le presidio c’est le ciel, c’est nous, et les presidi disparaîtront si notre envie de continuer à nous battre disparaît. Parce qu’à quoi ils servent les presidi, si tu n’as pas un cœur véritable qui a la volonté de continuer à battre ?
On ne peut pas prétendre être tous des courageux, les meilleurs d’entre nous sont peut-être les pacifistes, je les apprécie tous comme ils sont, pourtant ils ne m’ont pas convaincu. Mais je ne juge pas, comme personne ne devrait juger, je dis : « Je ne m’énerve pas contre vous, il y a des situations où on a besoin de gens, mais vous non plus ne vous énervez pas contre nous si on fait des choses plus dures. » Si nous on décide de faire une vraie pression, clairement on ne verra pas les pacifistes, donc je ne vous juge pas, ne nous jugez pas.

Les dynamiques humaines sont très compliquées, mais l’unique problème qu’on a eu dans le mouvement, c’est une dispute entre deux groupes. Je suis très énervé par cette situation-là, parce que le mouvement cherche à démolir le système qui, avec toutes ses forces, n’a pas réussi à nous vaincre. Mais nous pouvons nous détruire de l’intérieur. Il y a eu des disputes entre les autonomes et les anarchistes, et moi je suis au milieu, parce qu’il y a quelques années je n’étais rien, j’étais un ectoplasme, un fantôme. Alors aujourd’hui, qu’est-ce que je suis ? Un activiste No TAV, mais pas seulement No TAV, contre le système, toujours. Mais quand je fais les choses, comme une marche pacifique ou un assaut au chantier, on fait un appel, si vous trois vous arrivez, je ne veux pas savoir si vous êtes anarchistes ou autonomes – bon, ça ne me plairait pas d’être à côté d’un fasciste – pour moi que tu sois l’un ou l’autre, je m’en fiche, on est en train de faire quelque chose ensemble. Au contraire, eux, pour une hostilité d’appartenance, pour faire groupe... C’est une erreur parce que justement le système a besoin de cette division. Et une dispute que tu pourrais régler dans une assemblée, face à face, avec internet ça provoque un cataclysme. C’est parti d’une action : il y a un groupe à Bologne qui a incendié des câbles, des fibres optiques, et ça a créé un peu d’agitation. Après, un autre groupe qui ne revendiquait pas ce truc-là a dit : « Vous avez fait du mal parce que c’est la période de Noël, la ligne du pendulaire a été bloquée et beaucoup de gens ont eu du mal à se déplacer. » Les anarchistes, eux, ils soutiennent toujours le sabotage. Et ces deux groupes se sont épinglés à propos de cette action, « Il fallait la faire, il ne fallait pas la faire, etc. ». Mais si nous avons dit que le sabotage est une forme civile de contestation – et ça a mis deux ans pour dire ça – sans faire de mal aux êtres vivants, et un être vivant, ça veut dire aussi une petite souris, on est écologistes, on est des défenseurs des animaux, mais un camion on peut le brûler, frapper la grande vitesse, on peut le faire, si quelqu’un l’a fait et s’est trompé dans le timing, c’est pardonnable.

Quand j’ai fait une intervention dans l’assemblée, j’ai dit : « Je suis énervé à mort contre ceux qui ont fait ce sabotage à Bologne, parce qu’ils ne m’ont pas appelé, ils ont fait une belle chose, et ils ne m’ont pas dit de venir la faire avec eux ! » C’était une manière de dire : « Oh, mais qu’est-ce que j’en ai à foutre qui l’a fait, ce qui m’embête c’est que pour une chose aussi belle ils ne m’aient pas invité ! » J’ai dû parler avec ceux d’Aska [8] : « Mais arrêtez de critiquer cette action ! » Seulement tout ça s’est retrouvé sur internet, ces disputes entre les autonomes et les anarchistes, et ils ont apporté dans le mouvement No TAV leurs embrouilles qui existent depuis toujours. On ne doit pas se battre à l’intérieur du mouvement, le mouvement est tellement plus grand que les misères humaines, c’est une erreur très grave. Mais s’ils ne comprennent pas ça, parce qu’ils se sentent plus beaux en appartenant à ce groupe, non ! Pour moi les gens s’ils sont beaux, ça se juge à leur comportement, pas à leur appartenance à un groupe. Il faut se dépouiller de ces dynamiques d’appartenance à des groupes qui s’affrontent. Parce que tu devras démontrer, toi personne physique et unique, si tu es une belle personne, par ta générosité, etc. pas parce que tu fais partie d’un groupe. Que tu fasses partie d’un groupe, je m’en fiche ! Parce que devant les policiers il y aura des belles personnes et aussi des merdes. Ça a été un peu embêtant tout ça, ça a été ennuyeux. Maintenant moi, je ne cherche pas à savoir qui a raison et qui a tort, ça n’a aucune importance. Bon, parce qu’on est deux vieux boucs, on se tape la tête, et pour une petite connerie de rien on pourrait finir notre vie chacun de notre côté, parce que je ne fais pas un pas en avant, et que tu ne fais pas un pas en avant, et pour une connerie on arrête d’être solidaires et d’être une force. Chacun chez soi. Ça ne va pas, ça. Alors si je sais que j’ai raison, c’est à moi de faire un pas en avant, de dire : « Pardonne-moi, on ne s’est pas compris », c’est ce que devraient faire les gens qui ont un peu de bon sens. Parce que si c’est « ça ou rien », c’est comme ça que sont les fascistes, CasaPound [9]. Mais ce sont des dynamiques de merde qui font partie des gens. Une chose est sûre, si on veut porter atteinte à un système marchand, on doit combattre, et on doit créer un ciment qui est l’affection, quand j’interagis avec les gens, je dois apprendre à leur vouloir du bien.

Si tu arrives à créer ça... Comme moi dans mon groupe, je me sens une puissance militaire, même si nous n’avons pas d’armes, nos armes c’est nous, notre conviction. Mes camarades, je sais que si j’avais besoin, ils arriveraient là tout de suite comme je le ferais pour eux. Mon groupe c’est ça. Ce n’est pas un groupe, c’est pour s’organiser facilement. Par exemple, la semaine prochaine, il y a un appel pour aller à notre presidio qui n’en est pas vraiment un, c’est un grand châtaignier centenaire, nos chaises ce sont des troncs qu’on a trouvés et mis là tout autour, au centre il y a une grande pierre où on peut faire du feu, et on peut rester deux ou trois jours, avec un sac de couchage, au-dessus du chantier. Il s’appelle « L’inhospitalier ». C’est mon presidio, celui qui me plaît, parce qu’on est proches du chantier, et c’est la démonstration qu’on fera toujours pression sur le chantier. Parce que notre force n’est pas militaire, on ne veut pas jouer à celui qui a la plus grosse ou la plus longue avec l’armée. Notre force, c’est la persévérance, la continuité, le fait de ne pas faire un pas en arrière. Eux ils se disent qu’on va rentrer chez nous à cause des militaires, vous savez, la « pacification », et ils n’ont rien compris. Comme si nous, ces années de lutte, on pouvait les vendre pour 120.000 euros ! Et eux ils disent : « Payez cette somme pour le procès des 53, nous on se retire en tant que partie civile, mais vous vous rentrez à la maison, fini le mouvement ». Une réponse immédiate c’est de dire : « Rentrez-vous dans le crâne que vous devrez nous supporter toute la vie, parce que nous on est en train d’apprendre à nos enfants à lutter. » C’est une réponse.

Comment tu fais avec ta fille, tu lui as donné une éducation No TAV ?

Ma fille c’est ma vie, mais elle est un produit de la société moderne, parce que j’ai eu cette prise de conscience il n’y a pas longtemps, je ne suis pas un activiste depuis vingt ans... Donc elle est encore le produit de celui que j’étais avant, elle a déjà commencé à comprendre, mais c’est difficile d’extirper 25 ans de vie. Elle a fait miss Italie parce que c’est une belle fille, elle travaille pour la Juventus, au stade, elle est hôtesse. C’est un travail propre, éthique, mais sur le mode du paraître. Les celerini viennent au stade pour faire le service d’ordre, et ils savent que c’est ma fille, la fille de Dame-jeanne molotov, et la semaine dernière, quand ils l’ont vue avec son tailleur gris de la Juventus, en train de placer les gens, l’un d’entre eux lui a dit : « Avane, ton père nous a fait passer pour des cons à Chiomonte ! » C’était un de ceux qui étaient là-bas quand je suis rentré dans le chantier avec ma voiture. Mais ma fille n’était pas au courant, alors quand elle est arrivée à la maison, elle m’a dit : « Papa, qu’est-ce qui s’est passé ? Ils m’ont dit que mon père les avait fait passer pour des cons. »

Hier soir à l’apéritif, il y avait le chef de la DIGOS, celui qui m’a donné des coups de pied un jour, alors que j’étais par terre en train de faire de la résistance passive. Normalement ils doivent te porter plus loin, pas te taper. Alors hier je lui ai dit : « Tu n’es pas un homme, parce que si tu étais un homme, tu te rendrais compte de tes responsabilités, parce que même à un chien on ne donne pas de coups de pied. » Lui il m’a dit : « C’est pas vrai que je t’ai donné des coups de pied. » Alors je lui ai dit : « Tu es aussi un menteur, alors. » Et là il m’a dit : « Je porte plainte pour diffamation. » Je lui ai répondu : « Que tu portes plainte contre moi c’est un honneur. » Il la fera sa plainte, mais moi j’en ai déjà sept, alors ça fera un chiffre pair.

Pour quelles raisons tu as ces inculpations ?

La raison, c’est que je ne suis plus un jeune homme, je n’arrive pas à m’enfuir rapidement, et ils m’ont attrapé. Les jeunes étaient allés sur l’autoroute à Chianocco, c’était pas coordonné, c’était après la condamnation des 53. Mais ce soir-là, on ne devait pas bloquer, parce que c’était aussi le moment du procès des quatre jeunes, et les avocats avaient dit : « Ne foutez pas le bordel parce qu’on va demander l’assignation à domicile. » C’était l’idée, mais tu sais comment c’est, dans les luttes populaires, nous n’avons pas de général qui nous dit : « On ne fait pas ça », on est tous généraux et tous soldats. Donc une action spontanée, ça peut arriver, quelques jeunes, un peu plus entreprenants, s’éclipsent et vont faire un truc. Je me suis donc retrouvé avec les jeunes qui s’enfuyaient, mais deux groupes de policiers sont arrivés en tapant sur leurs boucliers, les autres s’en allaient rapidement, ce sont des jeunes de vingt ans, ils courent comme des lièvres ! Moi j’étais sur la bretelle d’accès au-dessus, et j’entends « On y va, on y va ! » Devant moi j’avais sept ou huit mètres de vide, et derrière la police. Il y avait une grille avec un pré derrière, elle était haute et elle n’était pas vraiment attachée en haut, quand tu l’attrapais, elle se penchait et tu ne pouvais pas grimper. Alors j’ai essayé de tirer en dessous mais la grille est faite de manière à empêcher le passage des sangliers, avec du ciment. Heureusement, j’avais une veste épaisse, je me suis couvert le visage et quand ils m’ont donné des coups de matraque, ça a un peu amorti. Mais qu’est-ce que j’avais fait, moi ? Rien, j’avais regardé les jeunes pour voir ce qui se passait. Ce jour-là je suis rentré à la maison avec « résistance aggravée à un officier de la force publique ». Où elle est la résistance ? J’ai juste protégé mon visage, c’est de la résistance, ça ? Puis « explosion et incendie », parce que les jeunes avaient quelques pétards, puis trois autres motifs encore. C’est un théâtre de répression. Le jour où j’irai devant le juge, mon discours sera celui-ci : « Je ne demande pas la clémence, je demande seulement la justice, donc tu te dépêches de faire ce théâtre de la Madone parce que je voudrais m’en aller le plus vite possible car j’ai un autre blocage de route à faire. »

Ce jour-là, ils m’ont attrapé parce que je ne suis pas arrivé à courir assez vite. Mais patience, c’est une limite, la limite des jambes, mais l’important c’est qu’on ne perde pas la volonté de continuer à faire des choses. Parce que c’est sûr que si on prend peur et qu’on ne fait plus de résistance active, seulement de la résistance passive, le mouvement perd de la force. Alors malheureusement des plaintes on en prendra encore, c’est sûr, et moi par mon caractère, je ne veux pas déléguer les actions aux autres, je veux y être, et tout le monde devrait être comme ça, car si on n’a pas peur de l’inculpation, ils ne peuvent pas nous inculper, si on est nombreux face à leur système de répression, comment ils peuvent faire pour arrêter mille personnes en un soir ? Où ils les mettent ? Avec quels chefs d’inculpation ? Eux ils en veulent dix, vingt, mais si il y en a mille... La force des mouvementistes c’est de ne pas avoir peur d’aller au violon, parce que plus on est, plus on est une force, et plus ils ont des difficultés à justifier cette répression de masse devant l’opinion publique.

Mais tu n’as pas peur pour ta maison ou pour ta belle voiture ?

Je te dis une chose : si un jour ils essayent de me prendre la maison, je l’ai déjà dit en assemblée où je sais que la préfecture nous écoute, je m’appelle Emilio, je suis inscrit aux impôts, je ne suis pas incognito, ce que j’ai dit dans ma vie je le maintiens, toujours, en bien et en mal, s’ils pensent venir me prendre la maison, je le déclare à la presse, s’ils viennent dans la cour pour prendre la propriété, je tire, mais pas caché dans l’obscurité. Puis j’irai en prison la tête haute, parce que je mourrais de honte si j’allais en prison pour avoir volé de l’argent à une vieille dame, mais pour défendre tes idéaux, tu dois te battre à l’extrême. Donc j’estime que le logement est un droit constitutionnel, ma maison, je l’ai construite avec le fruit de mon travail, c’est le toit de ma fille, s’ils pensent qu’ils peuvent me faire cette oppression, ils se trompent. Parce que oui, la maison ils la prendront, mais je me procurerai une arme, et celui qui entre dans la cour est prévenu, il paiera pour tout le monde. Sinon on est dans les mains de ce système marchand. Je ne peux pas le permettre.

Dans une lutte dure, sans peur, tu dois te battre aussi pour ces principes. Alors eux ils ont les armes de l’oppression, et s’ils veulent me prendre la maison, je ne demanderai pas que le mouvement me paie les frais, je l’ai déjà dit, je suis contre la récolte de fonds pour payer l’État qui se déclare partie civile, mais je donne mon soutien à celui qui pense autrement. Je ne suis pas d’accord, mais ça me va bien cette récolte de fonds, cependant j’ai dit mon idée, si nos Résistants savaient que nous faisions une récolte de fonds pour payer l’État, ils se retourneraient dans leur tombe. Mais si l’idée c’est qu’on doit suivre la voie bureaucratique, légale, alors on fait la récolte de fonds, j’aiderai. Par contre si moi je devais en avoir besoin, je ne prendrais pas un euro dans cette caisse commune, parce que mes responsabilités sont les miennes, en tant que personne physique. La solidarité est déjà très importante dans le simple fait de ne pas se sentir seul, il y a une communauté très agrégée qui vaut déjà un patrimoine, nous sommes le futur. Comme communauté, j’estime que c’est le futur, parce que si ce pays fait défaut comme la Grèce, nous on est déjà en avance sur le désastre économique, parce qu’on est une communauté, on se soutient, on ne laisse personne derrière. Nos presidi, les campings... il y a déjà cette forme d’agrégation, de soutien. Ça vaut un patrimoine, parce que je pense à tous ces gens avec leurs petits salaires, leurs petites retraites, et qui ne soutiennent pas la lutte, si le système s’effondre, ils se retrouveront désespérés sans aucun soutien, parce que s’ils ne parlaient pas avec leur voisin, le jour où ils seront dans le besoin et qu’ils iront sonner chez lui pour demander de l’aide, ils se retrouveront devant une porte fermée. Nous on essaie déjà, parce que nos petites ressources on sait les partager, on sait coexister.

Il y a eu des discussions dans le mouvement autour du paiement des amendes ?

Oui, différentes idées, certains demandaient si on pourrait ne pas payer mais faire à la place des travaux d’intérêt général, mais ce n’est pas possible. Puis les anarchistes ne veulent pas payer parce que c’est de l’argent qui va aux policiers. Eux dès qu’ils tombent, dès qu’il se font mal quelque part, ils disent que c’est nous qui les avons blessés, c’est pour se faire de l’argent, et les manifestants arrêtés doivent payer ces policiers « blessés », donc les anarchistes sont contre. Mais les autonomes disent qu’on ne peut pas laisser des gens derrière, parce que les amendes sont à payer solidairement dans les groupes. Si tu ne paies pas, tu mets les autres dans l’embarras. On a trouvé juste d’aider les gens qui ont quelque chose à perdre et qui doivent payer ou perdre leur maison, mais comment les aider si ce n’est en payant l’amende ? Alors le mouvement est en train de s’interroger, on a déjà fait quatre ou cinq assemblées, mais on n’a pas tranché.

Pour l’instant, on dit qu’on va payer et on a le temps, mais s’ils devaient vraiment prendre les maisons des gens, on chercherait l’argent, on l’a déjà fait. Il y a déjà eu une récolte de fonds, de peut-être 300.000 euros, pour Alberto, une mairesse et un troisième, c’était beau de voir cette solidarité, non pas nationale mais internationale. Il y a des gens qui ont envoyé dix euros de l’autre côté de l’océan. Ce soir je ne vais pas manger la pizza, je donne ces sous, ça veut dire que ce sont dix euros qui viennent de quelqu’un qui a des problèmes, ce ne sont pas mille euros de celui qui a les moyens, c’est le geste qui est beau. Ça montre que le mouvement a du soutien, et beaucoup de luttes se réfèrent à notre mouvement, donc nous ne devons pas briser cet espoir, même si on ne peut pas prévoir tout ce qui advient dans un mouvement, parce qu’il y a aussi les dynamiques de misère humaine. Le mouvement a une raison d’exister, il est déjà presque un drapeau qui s’agite, un espoir pour ce pays, s’il ne flotte plus, ça veut dire qu’on s’est rendus, que le système a gagné, qu’il a fait de nous ce qu’il voulait, comme des moutons. Un des devoirs du mouvement c’est de ne pas se disloquer, c’est pour ça que j’y crois, et je suis sûr que je serai le dernier, je ne me rendrai jamais, je ferai comme le Japonais sur son rocher qui ne savait pas que la guerre était finie depuis vingt ans, car personne ne l’avait averti.

Il t’arrive de voyager pour aller parler de la lutte, pour démontrer la solidarité du No TAV à d’autres mouvements ?

La semaine dernière, je suis allé en Sicile pour une lutte importante qui s’appelle No M.U.O.S [10]. et je leur ai exposé nos idées. Il y avait les femmes No M.U.O.S. – il y a un comité de 700 mères qui se battent pour la santé de leurs enfants, parce que ces implantations sont dangereuses – puis il y avait les maires qui s’étaient attribués cette victoire, alors que le mouvement No M.U.O.S. n’est pas fait par les maires, c’est un mouvement de la base, des gens, mais comme il y a une victoire, les politiques se l’attribuent, pour leur visibilité. Moi j’ai dit aux maires : « Souvenez-vous que c’est de ces gens que vous devez prendre soin, parce que ce sont les meilleures personnes que vous avez, ce sont des gens qui se battent pour des principes, ça ce sont les gens que vous devez aider. Ils demandent des centres de soin, et le premier mandat que vous avez, c’est de défendre la santé publique, donc si quelqu’un veut polluer les personnes de vos communes, vous ne devez pas vous préoccuper des ordres des partis, tu es maire d’un village, tu n’as rien à voir avec la grande politique, tu dois défendre celui qui subit les problèmes. » Donc le dogme du nombre doit finir, ils sont minoritaires, mais un seul de ceux qui sont là vaut mille de ces endormis qui restent à la maison. Parce que ceux-là croîtront en nombre. Eux ils vont réveiller les endormis, alors qu’un endormi ne réussira jamais à changer quelqu’un en activiste.

Pourquoi on te surnomme « Dame-jeanne molotov » ?

On m’appelle Dame-jeanne molotov, mais je n’ai jamais pensé faire de mal à des êtres vivants, je ne fume pas et je n’ai jamais eu de briquet, on ne m’appelle pas comme ça parce que je voudrais brûler le monde, mais parce que, en assemblée, quand on parlait de la Moretti – tu sais, la bière, c’est comme ça qu’on appelle ici le petit cocktail molotov – j’ai dit : « Pour le mal qu’ils sont en train de nous faire, c’est pas des Moretti mais des dames-jeannes molotov qu’on devrait leur jeter ! » Vu qu’on est la terre des dames-jeannes. Puis il a suffi qu’une camarade méritante dise quand elle m’a revu : « Salut Dame-jeanne molotov ! » Et c’est devenu mon surnom. Moi j’ai décidé quoi faire de ma vie : lutter, pour ce mouvement qui est aussi le futur. Donc je suis fier de m’appeler Dame-jeanne molotov, même si je ne veux pas faire la guerre aux bellicistes, nous ne sommes pas l’armée, nous sommes le peuple qui a ouvert les yeux et veut se rebeller, en en payant les conséquences, parce que nous savons que l’ennemi est très fort, qu’il a des armes, qu’il s’est construit les fortins, la magistrature, les médias, les fausses lois, mais nous on met notre barricade de bois, de paperasses – parce qu’on a aussi des gens qui font ça. C’est humain de se coucher par terre devant eux, tu prendras quelques coups de pied de ces merdes de DIGOS qui font un travail infâme, qui défendent les trente deniers de Judas, ils pourraient déserter, mais ils défendent ces trente deniers, leur paie, ils matraquent le peuple pour défendre un chantier qui est un vol à la collectivité. Moi je pensais que la justice avait un sens, alors qu’en fait ils font le guet. Mon père m’a appris que là où il y a un vol, il y a aussi celui qui fait le guet. Et la police est en train de faire le guet. Toi, le policier, tu suis des ordres, et tu crois que je suis à ta merci. Moi, la seule à qui j’ai donné des ordres, c’est à ma mule, mais je ne l’ai jamais entendue s’en vanter ! Tu trouves ça normal de m’arrêter quatorze fois par semaine ? Tu trouves ça normal de faire des contrôles d’identité dans un bois ? Un bois c’est à la collectivité, c’est là où les gens sont le plus libres.

Un jour je m’étais coupé le doigt, le majeur, j’avais une grosse poupée avec une attelle, et j’avais écrit dessus « No TAV ». Alors ils m’arrêtent : « papiers », on était quatre dans la voiture, il y avait quatre ou cinq blindés avec les gyrophares qui tournaient. « Pourquoi vous nous arrêtez ? » « Vous allez à la manifestation, etc. ». Moi je lui parlais avec mon doigt levé, No TAV, et ce commandant me dit : « Vous pouvez baisser votre doigt s’il vous plaît », moi je l’ai regardé et je lui ai dit : « Je présume que parmi vos multiples diplômes, il n’y a pas celui de médecine, je ne vous considère pas non plus comme mon médecin, donc faites comme moi, supportez-le. Parce que si je baisse le doigt, ça me fait mal, donc je le lève, et vous supportez. » Il faut les mettre dans une situation de malaise, plutôt que d’être apeuré. « Rendez-leur les papiers ! » Et on est partis. Ils me considèrent comme un casse-couille, parce que quand je suis entre leurs mains, je parle, je parle, je parle...

[1Acronyme de Division Investigations Générales et Opérations Spéciales, police politique italienne.

[2Mafia calabraise.

[3Policiers anti-émeute.

[4La guardia di finanza est la police douanière et financière italienne. Elle possède de nombreuses compétences de police judiciaire et de police militaire.

[5Mouvement politique populiste italien se qualifiant d’« association libre de citoyens » fondé par Beppe Grillo en 2009. Il a recueilli 21 % des voix aux dernières élections.

[6Le val Clarea se trouve à proximité immédiate de l’enceinte du chantier.

[7Bouquet de chaînes de télévision payantes.

[8Askatasuna, centre social turinois et groupe politique issu de l’autonomie ouvrière.

[9Groupe néofasciste et centre social de Rome.

[10Le M.U.O.S. (Mobile User Objective System) est un système de télécommunication satellitaire de la marine américaine. Une lutte est née autour de Niscemi, en Sicile, contre l’implantation de paraboles et d’antennes servant au M.U.O.S. sur une base militaire américaine.


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