E


En lutte contre les CRA ! [volume 1] Voix et combats de l’intérieur, solidarités à l’extérieur pour entraver la machine à expulser (décembre 2018 - février 2019)

mis en ligne le 14 mai 2019 - anticra

LES CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE SONT DES PRISONS

Lorsqu’on parle des CRA [1], il est important
de commencer par cela : même si les textes
juridiques ne les désignent pas comme tels, ce
sont des lieux d’enfermement et de privation de
liberté, où les violences policières, les menaces
et les humiliations sont à l’ordre du jour. Les
prisonniers et les prisonnières reclu.e.s derrière
les murs des CRA ont été jugé.e.s coupables d’un
crime particulier : celui de ne pas avoir les “bons
papiers”. Pour l’Etat, seul le bout de papier
compte, et son absence suffit pour enfermer et
expulser.

C’est la raison d’être des CRA.
Enfermer et expulser, toujours loin des
regards.
C’est pour cela que les CRA sont
situés dans des coins paumés, éloignés de tout
sauf des casernes ou des écoles de police, pour
que les flics puissent intervenir rapidement
en cas de révoltes. Il suffit de faire une visite à
un.e copain.e détenu.e pour se rendre compte
que l’isolement de ces lieux ne sert qu’à
rendre davantage invisibles celleux qui y sont
et dissuader la solidarité depuis l’extérieur.
La solitude et l’absence des liens avec leurs
proches sont calculées pour briser le moral des
retenu.e.s afin de mieux les maîtriser. Dans
cette brochure, nous montrerons que ce projet
ne fonctionne pas toujours : les rébellions et
les luttes à l’intérieur n’ont jamais cessé. A
l’extérieur, des groupes s’organisent pour les
soutenir, mais il reste beaucoup à faire pour que
ces prisons disparaissent.

Les CRA sont des lieux d’isolement et d’abus. Mais il ne faut pas se tromper : ils
ne sont pas quelque chose de complètement indépendant, d’exceptionnel par rapport au
reste. Ils sont un maillon d’une chaîne bien
plus large. Cette chaîne va des relations néo-coloniales qui règlent les visas et les accords
bilatéraux, jusqu’aux frontières militarisées, des
centres d’hébergement et d’accueil aux prisons,
des préfectures à la commission d’asile, des
tribunaux aux rafles et aux contrôles au faciès
dans les rues et dans les gares.Une pluralité
d’acteurs font partie de ce système. Certains se
disent humanitaires, d’autres sont explicitement
répressifs, mais que ce soit pour trier, expulser,
ou “éduquer et intégrer”, ils participent tous
au grand jeu de fichage et de contrôle des
migrant.e.s, de leurs mouvements, de leur
comportements, de leurs vies.

Les CRA sont le visage le plus
explicite et brutal de la mise à l’écart des
migrant.e.s “sans les bons papiers”.
Mais
ils ne produisent pas que de l’exclusion. Ils
ont pour objectif de fabriquer des travailleurs
et des travailleuses toujours plus exploité.e.s,
soumis au chantage continu de la réclusion et
de l’expulsion. Ils sont l’outil de l’État et des
patrons pour discipliner et faire baisser la tête
aux prisonniers-ères, certes, mais aussi à tou.
te.s celleux qui, un jour ou l’autre, pourraient
se faire contrôler par des flics dans une station
de métro et être renfermé.e.s. Les CRA, comme
toutes les prisons, sont une menace toujours
présente.

Les CRA sont aussi une source
de profit pour les grosses entreprises.

L’enfermement paie, comme le savent bien les
différentes boîtes qui collaborent avec les forces de répression dans les centres de rétention tout
comme lors des expulsions. Les entreprises qui
assurent la bouffe, la surveillance, le transport,
mais aussi les guichets qui balancent les sans-papiers sont toutes des rouages de la machine à expulser. En permettant concrètement
l’existence et le fonctionnement de ces lieux,
elles en sont coresponsables. Pour lutter contre
les CRA, on peut donc aussi s’attaquer à ces collabos.

Si on replace les centres de rétention au
sein d’un système plus vaste, basé sur le profit,
l’exploitation et le contrôle des migrant.e.s, les
actions concrètes en soutien aux luttes en cours
dans les CRA doivent être pensées en continuité
avec d’autres solidarités dans les combats
des migrant.e.s : pour le logement, contre
les frontières, contre les violences policières.
Soutenir les résistances qui existent dans les
CRA n’est que l’un des points d’entrée dans
le combat contre les mécanismes du racisme
d’État et de la guerre contre les pauvres.

Ces mécanismes ne sont pas figés : l’ennemi
est capable de les affiner et de les adapter aux
formes de rébellion qu’ils produisent, pour qu’il
puisse y répondre de manière toujours plus
efficace. Un exemple en est la nouvelle loi “pour
une immigration maîtrisée, un droit d’asile
effectif et une intégration réussie” (le titre en
dit long). Parmi les mesures de confinement, tri
et illégalisation des migrant.e.s : les demandes
d’asile ne sont plus suspensives des procédures
d’expulsion (ce qui arrivait déjà dans les
faits), l’enfermement “hors les murs” - c’est à
dire l’assignation à résidence - se durcit, les
interdictions de territoire français sont facilitées
pour toutes les personnes qui ont eu un refus de
titre de séjour, la double peine est applicable à
encore plus de situations...Par rapport aux CRA,
la rétention administrative est allongée jusqu’à
90 jours. Trois mois derrière les barreaux, voire
plus si le prisonnier ou la prisonnière passent
directement du CRA à la prison, et de la prison
au CRA, comme c’est de plus en plus souvent le
cas, sous différents prétextes. Dans la logique de
ces mesures, Macron annonce que plus de 400 nouvelles places seront créées pour enfermer les étranger.e.s - et donc pour engraisser aussi les
entreprises qui en profitent.

En fait si la loi se transforme, les pratiques
policières et celles des tribunaux évoluent aussi. Les actes de résistance des prisonnier.e.s sont réprimés avec une violence toujours
grandissante, et la créativité de l’administration
n’a pas de limites quand il s’agit de classifier
toute tentative de se défendre en chef
d’accusation. Ainsi, la décision de ne pas
collaborer activement à sa propre expulsion,
que ça soit par le refus de la prise d’empreintes,
le refus de signer des déclarations qu’on ne
comprend pas ou qui déforment la vérité, le
refus de voir son consul, ou même le simple
fait de dire “non” quand on se voit proposer un
vol de retour vers son pays, sont des raisons
suffisantes pour que l’État colle une garde à vue
à la fin de rétention, et qu’elle s’ensuive d’un
nouvel enfermement, en CRA ou en prison.
Parler aux passager.e.s sur un vol où l’on est
expulsé.e de force devient une “entrave à une
mesure d’éloignement”, dénoncer les violences
policières est de la “rébellion”, et juste rester
ensemble et s’organiser un peu trop avec
d’autres retenu.e.s suffit parfois pour être
transféré.e ou déporté.e d’urgence sans être prévenu.e.

Malgré tout ça, malgré les humiliations
et les violences quotidiennes des matons,
malgré le risque constant d’être déporté.e, la
bouffe pourrie et l’isolement, malgré tous les
efforts déployés pour “pacifier” les CRA, les
personnes enfermées se révoltent. A partir de
décembre 2018 les résistances individuelles, qui
n’ont jamais cessé, deviennent de plus en plus
collectives, les grèves de la faim se multiplient,
se développent la solidarité entre prisonniers-ères, l’organisation entre différents CRA et les liens avec l’extérieur.

Cette brochure raconte, de manière très
partielle et non-exhaustive, des moments
conflictuels des deux derniers mois. Non pas
pour faire le récit d’une histoire qui n’est pas
encore terminée, mais pour faire circuler la
parole de celleux qui luttent à l’intérieur et
relayer leurs revendications, pour renforcer la
solidarité à l’extérieur, pour inventer d’autres moyens qui puissent entraver la machine à expulser.

POUR EN FINIR AVEC CES PRISONS
ET TOUTES LES AUTRES.


TÉMOIGNAGES

Nous avons décidé d’introduire les luttes en cours par quelques
témoignages récents des personnes enfermées, afin de donner un
aperçu des expériences qu’elles ont vécu et qui leur exigent, et nous
exigent, de se révolter. Le choix de ces récits n’est pas basé sur un
quelconque caractère exceptionnel de leur contenu, mais simplement
sur les liens qui ont permis que ces histoires sortent de l’isolement
carcéral et circulent aussi à l’extérieur.

« D’abord je voudrais parler d’un gars qui est devant moi.

Mon pote il est malade, il est cardiaque. Toute sa famille est en France, son seul problème c’est celui des papiers. Et ça c’est la préfecture qui
lui refuse année après année.Aujourd’hui il a
demandé à aller à l’hôpital, ils l’ont emmené,
escorté et menotté. Ils se sont mis devant la
porte de l’hôpital George Pompidou (Meaux).
Comme un vrai terroriste. Même le médecin
de l’hôpital, D., s’est plaint du traitement des
policiers.

Ici, l’infirmerie elle donne juste des dolipranes,
ou des trucs psy. Si il rate le rdv de 14h avec
son fils, le gars en face de moi il a pas son
traitement.En plus le gars vient de me dire
qu’on lui donne pas ses médocs, on lui donne
pas les médocs prescrits par le docteur. [...] A
cause des médicaments qu’ils lui ont donnés il
a eu des problèmes. Mais du coup tous les jours
son fils lui fait la visite et lui ramène des médocs
mais l’infirmière lui donne pas...

Puis pour parler de l’intérieur : ça fait deux
jours que les toilettes sont bouchées. Quand je
me suis plaint à la Police, on m’a dit ‘demande
à tes amis d’arrêter de boucher les toilettes’. Les
cellules sont crades, le ménage est pas fait tous
les jours. [...] La douche c’est dégueulasse.

Même la bouffe pour chien est meilleure que
nous ce qu’on bouffe. Au centre de rétention,
même on a pas le droit de ramener de la bouffe
dans les visites, on peut pas cantiner a l’offi, on
peut pas acheter du shampoing. Si tu t’es pas
fait arrêter avec du shampoing bah t’es dans la
merde. Ici le shampoing du CRA il sert à rien.
Même mon chien je le lave pas avec.

Nos vêtements ils les lavent avec de l’eau. On
les met à la laverie tous ensemble. Donc si un de
nous a la gale... on l’aura tous. Parce que quand
nos vêtements ils nous les rendent ils sentent
toujours mauvais.

L’offi ils sont toujours en retard et ça finit
toujours plus tôt que c’est annoncé - 16h au
lieu de 18h30. Pour la cantine : normalement
c’est à 7h, mais ça à jamais commencé a 7h
pile y a toujours 10 ou 20m de retard. Mais
7h30 ensuite si t’as 5m de retard, on te dit ‘là
c’est chaud ça va fermer, aller presse-toi et la
prochaine fois tu viens à l’heure !’

Une fois le gars en face de moi il a demandé un
verre d’eau pour prendre ses médocs, on lui a
refusé. Une fois, mon co il a commencé a pleurer
tellement il a mal (crise de foie). Ils voulaient
pas l’emmener à l’hôpital. Après le départ des
infirmiers, on a dû appeler les pompiers. Les
pompiers au début voulaient pas trop venir ils
ont proposé aux keufs de l’amener à l’hôpital.
Avant de pouvoir partir il a dû gueuler, taper
au mur etc.... faire tout un film pour qu’il parte.
Et en plus, si on avait pas appelé les pompiers
il serait jamais parti. Après, ils ont cherché à
savoir qui avait appelé les pompiers. ‘Qui a
appelé ? Qui a appelé ?’ On leur a dit personne,
juste y a un malade, faut l’amener.

Moi j’avais une tubeuse, je l’ai ramenée
avec moi dès mon arrestation. Après la fouille,
on m’a autorisé à la prendre avec moi. Après
y a eu une fouille y a une semaine où ils ont
tout retourné, tout démonté. Et là on me dit c’est
interdit la tubeuse. D’où tu changes la loi en 3 semaines ?

Les policiers ils disent ‘ouai ça pue ça pue’. Ils lavent pas nos vêtements, leur savon sert à rien et après ils disent on pue ?

Avant la grève de la faim ils fermaient la porte
à 20h. Maintenant ils re-respectent la règle.
Mardi soir on a manifesté et depuis c’est à
nouveau 22h comme quand je suis arrivé.

Aujourd’hui ils ont ramené une meuf avec son
fils de 3 mois... et son fils est malade.. ils l’ont
mis en centre de rétention. Aujourd’hui je l’ai
vu dans le couloir j’ai eu le cœur brisé. Je l’ai vu
dans le couloir j’ai joué avec le petit... Qu’est ce
qu’elle a fait ? Elle est pas humaine ? Elle est pas
née en France c’est tout. Ils mettent un petit de
trois mois en prison. Il va devenir quoi ? C’est sûr pas président...

Y a des choses qui font mal...

Ici, ils font des vols cachés... ils attachent
comme des chiens... ils scotchent... j’ai vu des
trucs ça choque. Je connais un gars, le 45e jour ils l’ont amené de force... cagoulé, casqué, scotché de la tête aux pieds...

Le copain il est grave malade... il peut pas
prendre ses médocs au bled. En plus ils l’ont
amené de manière illégale. Normalement il a
fait sa demande d’asile pour annuler le dernier
vol, normalement ils doivent attendre... là ils
ont pas attendu la réponse ils l’ont emmené
quand même.

Sans parler bien sûr des flics, c’est pas tous, qui
essayent de nous provoquer. Toujours. Tous les jours. Y en a des sympa mais y a des groupes. Ils te mettent une étoile sur ton nom. Genre
dangereux à surveiller, genre comme si t’as une
fiche S. Et ça ils les emmènent de force.

Le gars en face de moi, ils l’ont amené au juge
menotté... il a parlé au juge menotté. C’est un
père de famille... sa fille est comptable mais
ici ils s’en foutent, genre il est extrêmement
dangereux.

Y a aucune activité, t’as le droit à rien. Il te
donnent une nourriture, elle est pourrie. Et t’as
pas le droit de faire sortir la nourriture. Tout
reste à la cantine. Si t’as besoin de quelques
chose va l’acheter mais ici tu peux rien faire
rentrer.

Les infirmières là je leur ai dit j’ai plus de
lunettes, elle me dit ‘tu peux prendre un RDV
d’ici un mois, un mois et demi’. Je portais
mes lentilles quand je me suis fait arrêter...
forcément je les ai pas récupérées elles sont à l’hôtel...

Aujourd’hui ils nous ont ramené de la purée
sèche... on l’a jetée. Tu sais qu’y a plein de
religions... Nous on jette on mange rien
on mange que des salades. Un plateau par
personne, t’as pas le droit d’ajouter quoi que ce
soit. 2 petits pains... Juste on te garde vivant...

Normalement ça continue... »

Mesnil-Amelot, 11 janvier 2019.

« Hier soir, j’ai eu un caillou au rein et je suis allé à l’hôpital. Direct après au
retour c’est au mitard en bas. Direct alors que j’ai rien fait. De 2h du matin à 14h
aujourd’hui ils m’ont mis au mitard. Ici c’est de l’esclavage... c’est même pire.
Depuis la prison on m’a amené ici... On est 20 au plus, c’est un p’tit centre. J’ai fait
2 ans de prison... Ils auraient du m’expulser direct mais ils ont rien sur moi. Ni
passeport et tout. J’ai dit au juge que même le consulat avait rien dit. Du coup si je
suis pas reconnu il s’passe quoi ? »

Plaisir, 25 janvier 2019.

« J’espère que vous avez remarqué que même pendant qu’on était là en train de vous parler [au téléphone] la police est rentrée juste pour voir ‘si on est là’. Est-ce que dans un milieu comme ça quelqu’un peut venir tomber ici par sa propre volonté si on l’avait pas attrapé emmené ?

Donc on n’a même pas une liberté de parler, on a peur, même là les numéros sont enregistrés, on
risque, on ne sait pas si nous sommes écoutées ou pas.

Et puis ce sont des chambres de filles, on peut pas d’abord frapper avant, pour savoir, si on était
en train de se changer ? Donc ils peuvent nous voir même dans des conditions où l’homme ne peut
pas regarder la femme si c’est pas sa femme, donc il y a pas d’intimité, il y a pas le respect [...] C’est
traumatisant en fait. Tu viens de quelque part, on te dit que ‘centre de rétention’, on a pas dit ‘la
prison’. Mais tu est traumatisée, au milieu de la nuit on rentre dans la chambre ! Et puis on voit les
gens qu’on escorte ici, pendant que tu vois le cas de l’autre tu te dis que peut-être moi ça sera pire !

On défend les téléphones avec caméra pour peut-être ne pas filmer ce qui se passe ici. Mais on
nous dit qu’ici on ne tape pas, on ne frappe, mais moi depuis que je suis arrivée ici à mon deuxième
jour j’ai vu comment on était en train de bastonner quelqu’un ! Pour une femme, on vient appeler
une femme, les policiers peuvent venir quatre. Juste pour t’accompagner même devant le juge ou
bien... Ça t’effraie. Avant de passer devant le juge on t’enferme dans une prison où parce que tu
es là, tu n’aies plus le courage, que tu sois désespérée, peut-être que tu avais des idées pour aller
argumenter, du coup avant que tu passes devant le juge si tu es enfermée quelque part et tu sais
pas c’est où, dans une maison où il y a pas de lumière, devant la porte c’est clos, mais il y a quatre
policiers en attente, pour une seule fille ! [...]

Centre de rétention ça veut dire qu’il y a eu un couac par rapport à nos documents de voyage. Mais
pourquoi, pour une personne qui peut se justifier peut-être, vous le traumatisez comme ça ? Et
puis, au milieu où nous sommes, il y a pas de téléphone compatible à l’internet pour faire peut-être
recours pour le document qui te manque ! Il y a que deux bureaux ici qui s’en occupent, et pour
combien de personnes en attente ? Le bureau ouvre à 10 heures et ferme à 12 heures, puis à 14
heures pour fermer à 17 heures. Donc parfois tu es déjà là dans la queue et on te reçoit pas. Tu ne
peux pas faire recours, tu es là le téléphone n’est pas compatible, vous savez maintenant les choses
se passent à l’internet ! Mais maintenant que tu te retrouves dans un pays lointain, tu as un papier
que tu veux demander pour venir compléter, pour justifier, tu ne peux pas, à qui tu vas t’adresser ?
Tu ne peux pas ! On a bloqué tous les moyens là, donc on sait pas comment on va évoluer. On fait
qu’ajouter les 28 jours, et 28 jours c’est comme si c’était le lendemain, dans les 28 jours on bloque
pas le jour où il y aura le vol pour ton pays. Donc en fait t’es en cours de procédure pour chercher ce
que tu veux pour que tu t’en sortes, on programme un vol, même si demain tu vas aller rencontrer
le juge. Aujourd’hui s’ils sont venus t’appeler ils t’attachent, donc il y a pas de communication... et
de toute façon, on doit prévenir d’abord !

S’il y a possibilité de soulèvement ou bien de venir nous écouter un par un sans qu’il y a tout le
temps quelqu’un qui va venir nous effrayer pour nous empêcher de dire toute la véritable vérité,
nous on est prêtes ! [...] On est traumatisées, vous savez parfois on saigne comme ça, parce que tu vois quelque chose qui te plaît pas, tu coules les règles qui n’étaient pas programmées ! »

Mesnil-Amelot, bloc des femmes, 23 janvier 2019.

« C’était cool que ce soir y ait eu des gens de CRA à la radio. J’ai écouté. Partout c’est
la merde. Mais ici aussi il s’est passé des trucs de fou. Faut le dire. C’est important.

Hier les flics ont ramené un gars sur son lit inconscient. On a crié pour qu’il soit amené a
l’hôpital. Ils nous ont dit ‘tranquille, il va aller mieux c’est rien’. Le gars il a même pas vu
un médecin mais une infirmière ! D’où elle sait ? La police elle m’a dit : ‘T’es médecin ? Non
alors pourquoi tu parles ?’.

J’crois y a pas besoin d’être médecin pour voir quand quelqu’un va mal.

Ici c’est ouf ce qu’il se passe.

Y a un gars ils l’ont renvoyé chez lui avec un faux laisser passer ! Comment on fait s’ils font
ça ? J’ai eu mon premier vol l’autre jour. J’arrive a l’aéroport et là on me renvoie direct au
CRA. Parce qu’y avait pas de laissez-passer... Ça se voyait les keufs de la PAF ils avaient la
rage... Ils m’ont ramené au CRA. Mais pourquoi ils font ça ? Ils savent très bien quand ils
m’envoient là-bas ce qui se passe. C’est pour te torturer l’esprit. Je leur ai dit que ça devait
pas être considéré comme un refus de vol, parce que c’est leur faute.
Mais ici c’est un truc de ouf. Tous les jours il se passe des trucs... »

Vincennes, 25 janvier 2019.

« En fait c’est la merde ici là. Y a rien.
On peut rentrer rien du tout. Des vêtements. Du manger. Rien du tout. Tu peux faire rien du tout.

Même une promenade. Tu peux pas sortir pour
une promenade, t’es enfermé 24 sur 24. On
te fait sortir juste pour le ménage. Sitôt après
nous faire rentrer. C’est banal ici. Franchement
c’est quelque chose pour nous. On est dans la
merde. Y a pas de promenade y a rien. Pas dans
la chambre. Dans la cour. Y a un couloir t as vu,
on reste dans le couloir. Même ma famille veut
rentrer des trucs pour manger et elle peut rien rentrer.

Même le réseau y a pas t’as vu.
C’est la merde ici. On est 6 dans la chambre ou
7. On est 7 dans la chambre. En plus y a rien
à manger. Ils mettent des trucs. Des fois on
peut même pas manger. Des fois on meurt de
faim. En fait pour acheter à manger, y a que des
biscuits, des trucs bidons, pas des trucs bien.
Y a rien. Rien. »

Oissel, 18 février 2019.

« Les policiers qui m’ont interpellé m’ont
dit qu’y avait eu rébellion. Le flic il était en
civil, et au début du contrôle il m’a étranglé.
Normal je me défends, non ? En plus on
voyait pas son brassard au début.

J’suis mineur et on me considère comme majeur et ça c’est un problème.

Les avocats ils nous parlent 10 minutes
avant l’audience et après c’est limite ils
parlent pas à l’audience. Genre le mien a dit
deux phrases à la barre, et après il a rigolé
avec la préfecture et le juge...

Le vrai problème ici c’est les vols cachés.
Comment tu peux te préparer sinon ? On
fait comment ? On rentre au pays avec des
affaires sales. C’est normal ça ? »

Mesnil-Amelot, 20 janvier 2019.

« Je suis mère de deux enfants, j’ai été condamnée à 4 ans de prison depuis 2014. J’ai
été condamné à 6 ans de prison, mais j’ai fait 4 ans, avec la réduction de peine moi j’ai
fait 4 ans et 2 mois. Et j’ai accouché ma fille en prison. Maintenant mon fils est resté
en Allemagne [...]

Et quand j’ai accouché ma fille, à 18 mois ils l’ont fait sortir de la prison. Et j’ai pas vu mon fils
jusqu’à maintenant, et ma fille, quand ils l’ont fait sortir, on a signé un contrat avec une assistante
sociale, quand j’allais finir mes peines, à la sortie de la prison, ils allaient me remettre mon enfant.
Et à la sortie de la prison, quand j’ai fini ma peine, à la sortie de la prison, à ma grande surprise, je
vois la police qui me prend et qui m’envoie dans un centre de rétention administrative, sans mon
fils, et sans ma fille ! Et je suis arrivée, tout de suite j’ai demandé : ‘Mais pourquoi on m’amène ici,
j’ai déjà fini mes peines, et on m’amène encore dans un centre de rétention !’. Et on me fait savoir
qu’on va me renvoyer dans mon pays d’origine, sans mes enfants...

Et la préfecture aussi, la préfecture a voulu m’éloigner de ma fille et de mon fils. Mais pourtant,
quand j’ai accouché en prison j’ai fait trois jours de coma, et je me sentais pas bien, je suivais des
soins là-bas. Encore au centre de rétention, je me sens pas bien. Parce que... avec la nourriture, la
manière qu’on nous traite...[...]

Quand le juge m’a libérée, j’ai décidé d’acheter les cadeaux pour mon enfant j’étais tellement
contente. Parce que le 13 ma fille va faire 4 ans, moi j’étais contente, j’ai dit ‘ma fille, t’inquiète pas,
maman va sortir demain’. Quand je sors, j’ai vu les policiers, ils ont décidé d’appeler les policiers
pour moi. [...] J’ai souffert, j’ai fait tous les quatre ans pour mon enfant, j’ai pas fait ça pour rien,
j’ai décidé que dès que ça s’est fini je vais passer ma vie avec mes enfants. [...] Mais ils ont décidé
de tout faire pour m’envoyer moi dans mon pays sans mon fils et sans ma fille. »

Mesnil-Amelot, bloc des femmes, 23 janvier 2019.

« Y a une des nôtres là. Elle a fait 45 jours. On s’attendait à sa
libération. Vu qu’ils ont pas affiché son vol. On a pensé qu’elle
allait être libérée.

Sauf que ce matin tôt les policiers sont venus dans les
chambres. Ils criaient : ‘C’est elle ? C’est elle ?’ Ils ont
commencé à regarder les cartes. ‘C’est elle ? C’est elle ?’

Quand ils l’ont trouvée, ils l’ont prise : ‘Prépare tes affaires !’
Elle a demandé à aller aux toilettes. On lui a dit non. Elle a
demandé à aller se brosser les dents, on lui a dit non.

On lui a dit ‘Non, tu pars maintenant !’ Elle a pleuré. Ils l’ont attrapée.
Ça nous a fait mal. »

Mesnil-Amelot, bloc des femmes, 6 février 2019.


COMMUNIQUÉS, GRÈVES DE LA FAIM. ACTIONS COLLECTIVES À L’INTÉRIEUR ET À L’EXTÉRIEUR

Depuis quelques mois, les mouvements de résistance et de révolte dans les
CRA se multiplient. Les récits qui suivront concerneront surtout certains
CRA d’Ile de France et de Normandie, que les auteurs-trices de cette brochure
ont pu suivre de plus près. Néanmoins, des développements similaires ont
eu lieu dans d’autres lieux d’enfermement des étrangers en France, car la
situation des prisonnier.e.s est partout invivable, les injustices et les violences
intolérables, et ce n’est jamais le désir de se rebeller qui manque, seulement
les conditions de possibilité de l’organisation. L’assemblage présenté ici
réunit plusieurs modalités de discours : les quelques témoignages individuels
précédents, pour montrer brièvement à quel point l’enfermement dans un
CRA est brutal et humiliant ; suivent ci-dessous la plupart des communiqués
que les personnes enfermées ont pu diffuser à l’extérieur, car une lutte
collective a surgi des souffrances individuelles, et cette lutte se poursuit ; et
des courts comptes rendus des moments forts de mobilisation comme les
parloirs sauvages, tels qu’il ont été vécus à l’extérieur et à l’intérieur.

Le but de ces textes est d’abord de montrer
comment la résistance en CRA s’organise et
s’intensifie depuis décembre 2018, d’autant plus
qu’en 2019 la nouvelle loi asile et immigration
a doublé la durée d’enfermement et accru
toutes les formes de répression. Mais ce qu’ils
illustrent aussi c’est que différentes formes
de soutien à l’extérieur aident les copain.e.s
enfermé.e.s à pouvoir mieux se coordonner, à
garder une continuité dans leurs luttes - alors
que les liens en CRA sont souvent de courte
durée, vu le broyage continu de la machine à
expulser -, et à rendre visible leur combat quand
tout est fait pour qu’il reste loin des regards.
L’action à l’extérieur montre aussi à l’Etat
répressif qu’on n’est pas indifférent.e.s, que nos
copain.e.s ne sont pas seul.e.s, et que celleux
qui se battent des deux côtés des murs de ces
prisons luttent ensemble, et partagent un même
élan et désir de liberté.

Les formes de résistance des prisonnier.e.s
sont multiples. Individuelles, elles se
manifestent tous les jours - des petites
entourloupes qui trompent la vigilance des
flics, aux actes héroïques, en passant par des
actions désespérées comme l’automutilation,
elles sont toutes légitimes face à la violence de
l’enfermement et de la déportation. Collectives,
elles se multiplient en ce moment : partage
des stratégies entre personnes enfermées,
communiqués transmis à l’extérieur, grèves de
la faim, tentatives de résistance collective aux
expulsions, actions coordonnées entre différents
bâtiments et différents CRA, manifestations
simultanées entre l’extérieur et l’intérieur,
émeutes, tentatives d’incendie et autres.
Pour les retenu.e.s, ce n’est pas les idées ni la
détermination qui manquent, par contre là où
le soutien de l’extérieur est essentiel c’est dans
la diffusion de leurs revendications, l’appui
coordonné avec leurs actions, les renforts
parfois très concrets qui leur permettent de
résister aussi matériellement...

Un blog a été mis en ligne pour relayer les témoignages
et les communiqués de l’intérieur, ainsi que
d’autres nouvelles des luttes en CRA. Il est
actualisé régulièrement. La plupart des textes
choisis pour cette brochure sont accessibles à
cette adresse, ainsi que d’autres.

Des réunions régulières rassemblent
maintenant en région parisienne des
personnes qui veulent soutenir activement
ces mouvements de révolte. Dans Paris et
sa banlieue, on peut lire sur les murs les
communiqués des retenu.e.s qui ont été collés
un peu partout, et qu’il faudra diffuser toujours plus.

Plusieurs parloirs sauvages ont eu lieu en
janvier et février aux CRA de Vincennes et de
Mesnil Amelot, et ça va pas s’arrêter tant que
des copain.e.s seront toujours enfermé.e.s !

Au moment où on imprime cette brochure,
une manifestation vient d’avoir lieu dans Paris
le 3 mars à Gare du Nord, lieu où s’exprime
quotidiennement la violence de la machine à
expulser. On était là pour montrer en grand
nombre notre soutien à celleux qui combattent
contre les papiers, les prisons et les frontières
à l’intérieur des centres de rétention, et pour
marquer ensemble notre détermination à
poursuivre cette lutte à l’extérieur aussi.

Ensuite, le combat doit continuer, en
prenant en compte tous les maillons de la
chaîne : la justice et la police qui main dans la
main enferment et expulsent, les structures
pseudo-humanitaires qui participent au
tri et à l’exclusion des migrant.e.s, les
entreprises qui en profitent pour faire du fric
sur la souffrance des retenu.e.s et celles qui
préparent l’amplification de la répression par la
construction de nouveaux CRA.

Tout cela en cultivant la force des liens
entre l’extérieur et l’intérieur, et en prenant
comme exemple la détermination et la rage de
nos copain.e.s qui sont encore entre les murs
des centres de rétention.

Le 14 décembre 2018, une grève de la faim collective est décidée par certains retenus du
CRA2 de Vincennes, et ce même groupe de prisonniers en révolte transmet un communiqué, afin
que leurs revendications soient connues à l’extérieur.

Malgré sa courte durée, cette première action de lutte soutenue à trouver un écho à
l’extérieur donne le ton pour les deux mois qui suivent, où plein d’autres communiqués vont
sortir des différents CRA, toujours de pair avec d’autres stratégies de résistance à l’intérieur.
D’une part, il est très probable qu’il y ait eu des mouvements de révolte en CRA qui sont passés
inaperçus auparavant par manque de contact avec l’extérieur – d’où tout l’intérêt de renforcer
les liens avec nos copain.e.s enfermées. De l’autre, le fait d’aider les personnes retenues à prendre
contact entre différents centres, et de leur transmettre les revendications d’autres prisonnier.e.s
dans la même situation, les encourage à communiquer plus et à s’organiser pour faire sortir leur
parole. Chaque nouveau communiqué et chaque action collective ont eu un effet catalyseur pour
ceux qui ont suivi, et maintenant une transmission des luttes commence à se mettre en place dans
les CRA de Mesnil et Vincennes, pour pouvoir mieux résister à l’appareil répressif.

COMMUNIQUÉ DE VINCENNES, LE 14 DÉCEMBRE 2018

Nous sommes des prisonniers en centre de rétention administrative de
Vincennes, en banlieue parisienne.

Nous demandons l’application du droit pour ceux et celles qui veulent
partir au pays, un vrai accès au soin quand c’est nécessaire et la poursuite des
traitements pour celles et ceux qui en ont besoin.

Nous demandons surtout la libération de tous les enfermés.

Nous ne sommes pas enfermés pour ce que nous avons fait mais pour ce
que l’Etat a décidé que nous serons : des sans papiers.

À la prison de Vincennes, et même avant pendant les arrestations ou au
commissariat, la violence qu’elle soit physique ou morale est quotidienne.
Nous refusons la manière dont les gens sont déportés de force, souvent
très violemment.

Récemment encore un prisonnier a été tabassé avant que la police tente
de le déporter.

Quand quelqu’un n’a plus aucune solution sauf celle de se faire du mal
pour être libéré, il n’a accès a aucun soin, n’est pas emmené a l’hôpital.

Ici tous les jours, on nous rappelle qu’on est rien pour l’Etat français.

Contre l’enfermement parce qu’on est sans papiers, un enfermement qui
détruit nos vies et enferme aussi nos familles et nos proches avec nous.

Le 3 janvier 2019, juste après le passage de la nouvelle loi asile et immigration qui double
la durée d’enfermement en CRA, et suite à une série de déportations violentes, les prisonniers du
même bâtiment de Vincennes recommencent une grève de la faim, plus suivie. En même temps ils
sortent un communiqué plus long avec des revendications plus précises, le fruit des discussions
dont le cercle s’élargit au fur à mesure que la solidarité grandit au sein du CRA. On le reproduit ici :

COMMUNIQUÉ DE VINCENNES, LE 3 JANVIER 2019

Nous sommes des retenus du centre de rétention administrative de Vincennes en banlieue parisienne.

Nous demandons la libération de tous les prisonniers, l’application de l’égalité entre tout le monde : On est comme tous le monde.

Aujourd’hui 3 janvier 2019, nous, 27 retenus du centre de rétention (du bâtiment 2A), nous sommes mis en grève de la faim pour demander la libération tout de suite de tout le monde. Nous
savons que d’autres enfermés dans au moins un autre bâtiment sont eux aussi en grève de la faim (il paraît au moins une quinzaine).

On a tous une histoire différente, qu’on soit travailleur, étudiant depuis peu en France ou
vivant ici depuis presque 20 ans... Et on a tous le droit de vivre ici, où on a nos attaches. Mais nous
sommes enfermés dans ce centre de rétention.

Si on s’est mis aujourd’hui en grève de la faim c’est aussi pour dénoncer tout ce qui se passe
dans cette prison. Ces derniers jours il y a eu beaucoup de vols cachés et violents. Des anciens d’ici
nous on raconté qu’il y a plusieurs années la police, ici, était déjà violente. Il y a eu des copains
tabassés puis déportés en étant casqués, bâillonnés et scotchés. Il y a eu des copains drogués qui se
sont réveillés de retour dans un pays où ils ne connaissaient plus grand monde.

Les policiers ne respectent la loi que quand c’est contre nous, même quand légalement
on devrait être libéré, souvent le juge n’en a rien à foutre et la police te déporte quand même. La
police comme toujours elle s’en fout, et l’État français aide. Si l’État n’était pas d’accord et si les
biznessmen faisaient pas d’argent tout ça ne marcherait pas.

Ce centre de rétention, il est sale, les toilettes et les douches elles sont dégueulasses. La
bouffe, elle est immonde.

Nous revendiquons :
La libération de tous les prisonniers
Être respectés et traités dignement, on est pas des chiens
La fermeture de ce CRA, qui a des gros problèmes d’hygiène
Le respect de l’égalité entre tout le monde
La fin des violences policières
La fin des vols cachés et violents
De la bonne nourriture
Un véritable accès aux soins

Si on s’est mis en grève de la faim, c’est parce que quand on est allé voir les assos pour se
plaindre on nous a dit qu’il n’y avait rien à faire.

Nous allons continuer notre grève demain et les prochains jours nous appelons un
maximum de monde à nous soutenir dehors. On en a marre d’être traités comme des chiens !

Les retenus du bâtiment 2 A

PREMIER PARLOIR SAUVAGE À VINCENNES LE 7 JANVIER !

Pour les soutenir, un rassemblement a eu lieu à Vincennes quelques jours après, en
coordination avec les prisonniers, pour leur montrer qu’ils n’étaient pas tout seuls et rappeler
aux flics que la résistance et la solidarité s’organisent aussi à l’extérieur ! Le soir du 7 janvier,
ça manifestait en même temps dedans (aux bâtiments 2A et 2B) et dehors, et des mots
d’encouragement et de lutte volaient par dessus les murs dans les deux sens.

Une soixantaine de manifestant.es se sont réuni.e.s à Joinville le Pont, et le cortège s’est
ébranlé vers 18h en occupant la route menant au CRA. Les flics présents en force, avec des
maîtres chiens, ont dissuadé les manifestant.e.s de s’approcher trop près des grilles. Pourtant
la communication a été établie avec les copains de l’intérieur, dans un grand enthousiasme des
deux côtés. Sur le retour vers le RER, les flics se sont jetés sur un participant pacifique, qu’ils ont
matraqué tout en gazant celleux qui tentaient de s’interposer. La répression a été encore plus
violente dans le CRA.

On retranscrit ici des témoignages des deux côtés de ce soir-là.

Un gréviste de la faim du bâtiment 2B, à l’époque en grève depuis 6 jours suite à des violences
policières :

« J’ai entendu tout le monde crier mais la porte de ma cellule était bloquée. Alors
je me suis mis a taper dessus. Quand les flics l’ont ouverte, la porte, qui est blindée,
a cogné ma tête. Vu qu’ils m’avaient tapé la tête la semaine dernière quand ils m’ont
tabassé, j’ai eu peur que ce soit grave.

Eux ils me disaient ‘y a pas de sang, c’est rien !’. Alors que pas besoin d’être médecin
pour savoir que quand c’est une hémorragie interne y a pas de sang visible... Alors
j’ai tapé à la porte encore et encore en demandant a aller a l’infirmerie. Au bout d’un
moment ils sont revenus et m’ont ramené devant l’infirmerie. Pendant 2h... RIEN !
Du coup je me remets à taper sur des portes et à faire du bruit. Et là... vie de ma mère,
y a 5 flics qui me prennent et me mettent dans la cellule d’isolement. La c’est comme
d’hab, ils te provoquent... te cherchent... et se mettent à t’humilier.

Non mais vie de ma mère j’avais jamais ressenti ça comme humiliation ! Tu sais
c’est la troisième fois qu’ils m’agressent comme ça ici. Et là ils m’ont tapé à plusieurs.
J’ai la tête toute gonflée... j’ai mal partout. Après ils m’ont ramené dans le bâtiment et
j’ai toujours pas vu l’infirmière.

Par contre y avait beaucoup de bruit dans le batiment. Tout le monde était très
content. »

Pour mieux comprendre : ce copain était en grève de la faim depuis quelques jours, avec
quelques autres ils avaient exiger devoir l’IGPN (« la police des polices ») pour enregistrer leurs
plaintes pour les violences policières subies au CRA et de pouvoir aller à l’hôpital pour se faire
soigner. Le jour de la manifestation il avait pu aller à l’hôpital, deux jours avant se plaindre à
l’IGPN... Le mardi 8 a 8h du matin, six flics sont venu le prendre pour le déporter de force.

Du bâtiment 2A, cet écho nous est parvenu :

« Nous aussi on a fait du bruit ici. On a manifesté ici ! Y a eu beaucoup de monde qui ont refusé de manger.

Hé les gars... Faut s’occuper des ambassades aussi ! C’est eux qui font les laisser
passer ! Y a pas que l’État français contre nous. »

Après la manif un message tournait à l’extérieur :

« Des nouvelles de la manifestation d’hier : un cortège d’une soixantaine de
personnes est allé crier sa solidarité avec les grévistes de la faim du CRA2.

Des slogans appelant à la liberté de tou.te.s gueulés de l’intérieur et de l’extérieur
en même temps !

Ça a pas mal bougé a l’intérieur et le 8 janvier le nombre de grévistes de la faim a
encore augmenté !

A l’extérieur, une interpellation a eu lieu quand on repartait. On tient au courant
pour organiser la solidarité pour le copain !

A l’intérieur, au moins un copain tabassé par les flics pendant que les prisonniers
manifestaient. Ce copain a été déporté ce matin, 8 janvier à 8h. »

Une fois que la grève de la faim avait éclaté à Vincennes, la répression des grévistes a été
féroce, et les déportations ou les transferts vers d’autres CRA ont presque fait cesser la grève
dans le bâtiment 2B. Au bâtiment 2A ils ont continué à tenir bon encore un moment malgré toutes
les intimidations, et plusieurs personnes ont rejoint le groupe des grévistes au lendemain de la
manifestation de solidarité du 7 janvier. Les communications entre différents CRA ou au moins la
diffusion des revendications des différents collectifs de prisonnier.e.s ont petit à petit commencé
à se mettre en place, et le 9 janvier des prisonnier.e.s du CRA2 de Mesnil-Amelot sont rentrés en
contact avec l’extérieur pour annoncer une grève de la faim presque à l’unanimité, et faire sortir
un premier communiqué, qu’on reproduit ici :

COMMUNIQUÉ DU CRA2 DE MESNIL-AMELOT, 9 JANVIER 2019

Nous, retenus du centre de rétention administratif n°2 de Mesnil Amelot (près de l’aéroport
Charles de Gaulles en Île de France), avons décidé avant le repas du soir du 8 janvier de nous
mettre en grève de la faim pour au moins deux jours.

Nous avons appelé le CRA 3 et le bâtiment des femmes à faire pareil dès demain
matin.
[coordination qui s’est brièvement réalisée]

Ici les conditions d’enfermement sont désastreuses, la nourriture est immonde. Ici pour aller
à l’infirmerie il faut faire la queue alors qu’il fait très froid à cause de l’hiver. Ici les infirmiers sont
arrogants et généralement ils donnent que du doliprane, même quand t’as quelque chose de cassé
ils te font pas de bandage... Ils te donnent juste de la crème.

Ici les policiers font la loi. Si tu te plains tu vas direct à l’isolement. Ici y a plein de gens qui
ont subi ce qu’on appelle la double peine : condamnés à de la prison et à leur sortie directement
ramenés en centre de rétention.

En centre de rétention si tu refuses de donner tes empreintes ou d’aller voir le consul tu
peux prendre 135 jours de centre presque d’affilée ou faire plusieurs mois de prison entre deux
placements en CRA.

Au bâtiment des femmes une prisonnière a été violée par un policier avant les fêtes de fin
d’année. Rien n’a été fait pour elle.

A Mesnil-Amelot, il y a souvent des vols cachés, tôt le matin. Il y a l’isolement où tu peux être
enfermé avant le vol. Y a tous ces anciens retenus qui ont été renvoyés de force, casqués et scotchés.

Récemment, 4 Guinéens ont été ramenés de force par une grosse escorte dans un charter a
l’aéroport du Bourget. Ils sont partis chercher 5 autres Guinéens à Bordeaux, et les ont déporté
tous en Guinée.

On exige la fin des vols cachés, la fin des déportations violentes et l’interdiction d’utiliser des
charter pour déporter.

Pendant toute ta durée de rétention on te change pas ta couverture. Même en prison c’est plus
propre... c’est dire. Ici on peut pas cantiner ou attendre en espérant avoir une activité : y en a pas.

Ici le droit n’existe pas, encore moins qu’en taule et pourtant on parle bien de la prison...
Avant d’arriver ici tu peux pas savoir ce que c’est.

On en a marre du racisme quotidien de la police. Toutes ces pressions et humiliations sont là
pour briser notre moral : celui des retenus.

On appelle les autres retenus de France à lutter avec nous contre l’enfermement
pour 3 mois juste parce qu’on est sans papier ! On appelle à de la solidarité à
l’extérieur !

Liberté pour tous !

Les retenus du centre de rétention n°2 de Mesnil-Amelot, le 8 janvier au soir

Après Mesnil-Amelot, la lutte dans les centres de rétention a continué à s’amplifier ! Le 11 janvier
c’était au tour du centre de rétention de Oissel (Normandie) de partir en grève de la faim. Les
keufs avaient bien compris le danger d’une grève de la faim qui s’étendait de CRA en CRA. A
Oissel, celui qu’ils considéraient être un leader a été plusieurs fois convoqué par le chef du CRA
pour lui mettre des coups de pression : interdiction de visites s’il ne se remettait pas à manger,
transfert punitif à Marseille loin de sa famille... Deux autres retenus ont été placés à l’isolement
au CRA après avoir refusé le repas.

Les prisonniers de Oissel ont aussi raconté une violence qu’on passe souvent sous silence : les agressions sexuelles des policiers. Dans le communiqué de Mesnil aussi, les prisonniers
témoignaient pour une victime d’un viol policier déjà déportée.

Contre toutes ces oppressions, les retenus de Oissel ont également décidé de demander aux
soutiens de l’extérieur de circuler un communiqué pour embraser la lutte dedans et dehors :

COMMUNIQUÉ DE OISSEL LE 11 JANVIER 2019

Aujourd’hui 11 janvier, nous rejoignons nous aussi la lutte dans les centres de rétention contre
les conditions d’enfermement et les violences policières quotidiennes. Nous sommes déjà presque
40 en grève de la faim.

Sur les conditions d’enfermement ici il y a beaucoup à dire. Déjà la bouffe n’est pas bonne, rien
n’est propre. Quand on mange, les policiers ils nous regardent et utilisent leurs smartphones. On a
l’impression qu’ils nous snapent, ce qui est sûr c’est qu’ils se moquent de nous.

Hier à un vieux gars d’ici qui mangeait lentement, les policiers lui ont mis la pression pour
qu’il finisse plus vite : ‘Hé India ! Hé India ! Dégage ! Il te reste plus qu’une minute !’

Ici on nous respecte pas. Pour boire de l’eau c’est aux toilettes.

Si tu tombes malade, c’est qui qui te soigne ? Pas la police en tout cas !

On nous traite comme des animaux, et pendant les visites la porte continue d’être ouverte et
les policiers continuent de nous écouter. Ils continuent de nous empêcher tout contact avec nos
proches, même de faire la bise à ta femme.

Ici il y a eu des histoires de viols pendant la fouille.

On a décidé de pas tout casser. Parce qu’on veut pas se faire accuser d’‘ancien taulard vener’,
pourtant y a de quoi ici. Ici tu peux même pas cantiner et la bouffe est vraiment dégueulasse.

Ici il y a plein de profils différents : travailleurs, ceux avec un titre de séjour d’un autre pays
européen mais que l’État veut quand même déporter au pays. Puis y a plein de nationalités
enfermées !

Chez les femmes aussi, là-bas c’est la galère.

Même quand t’as ton passeport et que tu veux rentrer... Bah il se passe rien et on te laisse à
galérer. Nous ici on comprend rien.

Hier on a parlé avec Mesnil-Amelot. Là bas aussi c’est le système du bon et mauvais flic. Nous
aussi on va lutter avec eux !

Ici, a Oissel, on nous a déjà gazé dans le bâtiment. Hier ils ont voulu prendre des contacts dans
des smartphones en fouille... pour voir de quel pays on pouvait venir. C’est totalement illégal !

Ici il y a beaucoup de gens, ils se coupent les veines, on doit appeler nous-mêmes l’ambulance.
Et quand elle arrive, la police, la seule chose qu’elle veut savoir c’est qui a appelé. Et les flics nous
engueulent.

Y a un gars ici, il a des problèmes aux reins et il pisse du sang. Elle a fait quoi la police ? Elle lui
a donné un doliprane. De toute façon a l’infirmerie c’est soit doliprane soit drogue.

Pour la justice... Même quand y a des vices de procédure on nous libère pas. On nous donne
des numéros pour connaître nos droits. Personne n’a jamais répondu.

Après le premier communiqué, on avait vu le chef du centre. On avait décidé d’être gentils
mais ça sert à rien.

Ce qu’on vit c’est le néo-colonialisme. La France a colonisé nos pays avant et maintenant ça...

Nous on a toutes nos attaches ici : parents, copines, potos, famille.
On nous dit que si on nous libère on va s’enfuir. Mais on va s’enfuir où ? Y en a ici ils sont venus
pour demander la protection a l’État français... Et là c’est la protection qui t’enferme !
Y en a marre de tout ça !

Nous les enfermés on ne voit plus nos proches, les allers retours CRA-Prison-CRA empirent
encore tout ça. On va pas passer notre vie a être enfermés !

On appelle les autres centres de rétention a rentrer en grève de la faim avec nous et ceux de
Vincennes et Mesnil en banlieue parisienne !

Les retenus du CRA de Oissel le 11 janvier 2019

D’autres communiqués ne cessent pas de sortir dans les semaines qui suivent, on en
retranscrit encore quelques-uns. La suite des communiqués apporte toujours plus d’informations
et de revendications, car les prisonnier.e.s sont de plus en plus soudé.e.s, la parole se libère,
et beaucoup de problèmes communs à tou.te.s sont débattus et on décide de les dénoncer
collectivement.

COMMUNIQUÉ DU CRA3 DE MESNIL AMELOT, 18 JANVIER 2019

On est des retenus du CRA 3 de Mesnil Amelot. Et on veut dénoncer ce qu’il se passe.

On t’attache comme un animal ici quand on te renvoie.

Par rapport au centre y a trop de problème : les toilettes, la nourriture, les douches...

Mais le plus important c’est les vols cachés.

On demande de pouvoir vraiment déposer l’asile quand on le souhaite.

Rien ne va ici.

Tous les cas sont différents mais pour tous c’est le problème : la préfecture.

Les policiers nous maltraitent ici. Y’a pas de vrais médecins quand t’es vraiment malade, c’est
des dolipranes qu’on te donne. Quand t’es malade, on peut t’arrêter quand tu vas à l’hôpital, et
après tu es entre leurs mains. Et ici on te donne un doliprane.

On se fait attraper partout : en allant à l’hôpital, en partant de chez soi, dans les transports.

On ne demande que le respect et la liberté !

On demande aussi au préfet de dire à ses policiers de bien se tenir.

Les vols cachés ici, c’est un vrai problème : on t’attache, parfois on te casque.

La vie qu’on vit ici n’est pas possible.

On demande la fin de la procédure Dublin, des procédures accélérées, la fin des assignations à
résidence.

La nourriture est limite périmée quand on te la file. La bouffe date de 5 jours et il la réchauffent
au micro ondes. Y’en a plein ici qui n’arrivent même pas à manger.

Faut arrêter de nous parler du pays des droits de l’homme, c’est la France qui a colonisé chez
nous. Les Français qui vivent chez nous, ne finissent pas en centres de rétention.

C’est au niveau de l’État, du juge et des procs qu’on veut nous renvoyer. Ils s’en foutent de
nous. Ils nous ramènent direct ici et on oublie ton histoire.

Les avocats commis d’office ne font pas leur boulot. Les juges te disent juste “prolongé” !
Le juge est toujours du côté du préfet.

On demande :
Un VRAI accès aux soins
La fin de la procédure Dublin et des procédures accélérées
La fin des vols cachés
De la bonne nourriture
La fin des assignations à résidence
La liberté pour tous
On appelle tous les retenus en CRA à lutter comme c’est possible et à un maximum de
solidarité a l’extérieur !

Des retenus du CRA3

COMMUNIQUÉ DU CRA2 DE MESNIL AMELOT, 25 JANVIER 2019

Ici à Mesnil Amelot 2, nous les retenus nous plaignons des problèmes suivants :

1. Le tribunal et les avocats

Ici il y a l’annexe du TGI de Meaux. Le centre de rétention a un tribunal à l’intérieur, c’est
tellement facile comme ça ! Dès que tu es resté un jour ici, tu es sûr que tu vas rester pour au moins
28 jours. Quand on te ramène au tribunal le premier jour, la juge des libertés et des détentions
n’écoute personne, donne à tout le monde 28 jours de rétention. Elle regarde même pas que tu
as une carte de séjour en cours de validité d’un pays d’Europe, le but c’est de te renvoyer au pays.
L’avocat d’office, dans une journée il aura dix cas, il ne sert à rien. Parfois on te donne à signer des
papiers, tu comprends même pas ce que c’est, et ils ne donnent pas à tout le monde les interprètes
dont ils auraient besoin. De toute façon, l’avocat d’office, le juge, les flics ils sont tous pareils, ils
manigancent tout à l’intérieur juste pour que tu restes enfermé et que tu sois déporté après.

Les retenus qui ont la possibilité de payer un bon avocat sont vite libérés, parce que si tu as
un vrai avocat il va signaler un vice de procédure. Dans quasiment tout les cas il y a des vices de
procédure, ils respectent pas leurs propres règlements. Si on regarde chaque détenu, au cas par
cas, la procédure n’est jamais vraiment respectée. Souvent l’administration fait des magouilles
avec les papiers, change les dates et les déclarations comme ça les arrange. Mais la plupart des
détenus n’ont pas du tout les moyens d’avoir un avocat, alors ils vont rester enfermés ici à attendre
l’expulsion. Ce n’est pas du tout les détails de ta situation qui comptent après tout, c’est juste
l’argent qui fait la différence.

En plus, les retenus qui sont là, quand ils ont rendez-vous au tribunal à 8h ils peuvent rester
là-bas jusqu’à 22h, juste à attendre une décision pour être libérés ou faire 28 jours ici – et la
plupart du temps c’est 28 jours. La nourriture qu’on te donne là c’est juste 2 petits pains, un yaourt,
une petite bouteille d’eau, une petite salade, et aussi dégueulasse qu’en CRA.

Aussi, il arrive tout le temps que l’audience au tribunal et le vol soit programmés le même jour,
alors parfois on pense aller voir le juge et en fait on est ramené à l’aéroport !

2. Les papiers d’autres pays européens et les visas ne sont pas pris en compte

Il y a tout le temps des gens qui ont des titres de séjours européens qu’on veut pas prendre
en compte. Juste ces derniers jours, des personnes qui ont montré de titres italiens ou hongrois,
on a quand même essayé de les renvoyer direct dans leur pays d’origine, alors que selon la loi ils
devraient pouvoir rester en Europe. Soit on calcule pas ces titres de séjour, soit parfois les flics te
les prennent et on te les rend plus jamais.

Aussi, il y a des gens qui arrivent à l’aéroport avec un visa français, pourtant ils sont mis en
ZAPI et après envoyé en CRA. Alors, ça veut dire quoi ? Que la France ne reconnaît pas les papiers
délivrés par ses propres représentants à l’étranger ? Qu’elle révoque ses ambassadeurs dans ce cas-
là !

Les gens qui arrivent avec un visa et veulent faire une demande d’asile, on leur donne pas le
droit de le faire en liberté. Et en plus ici, quand on fait la demande d’asile en CRA on devrait avoir
cinq jours pour pouvoir compléter son dossier et apporter les éléments. Mais maintenant on ne
respecte plus du tout ça, on déporte des gens qui viennent tout juste de faire leur demande.

Et quand tu veux voir la Cimade, c’est juste une heure par jour et ils font rentrer deux ou trois
personnes, pas plus, c’est pas assez vu les situations compliquées de chacun !

3. Les intimidations et les provocations

Les flics nous provoquent tout le temps, ils cherchent tous les prétextes pour nous faire réagir,
pour ensuite invoquer n’importe quel règlement et nous sanctionner. Les règles changent tout
le temps, et à l’intérieur et pour les parloirs, rien n’est clair, c’est fait exprès pour que tu pètes
les plombs. Tu leur dis bonjour, ils t’appellent « madame » alors que t’es un homme, juste pour
t’énerver. Ils font des fouilles pour nous intimider, et nous obligent à rester dehors dans le froid.

Aujourd’hui, sous prétexte de nettoyage, on nous a fait sortir de nos chambres dehors, sous la
neige, pendant presque une heure. Et on n’a même pas vraiment nettoyé – tes draps ne sont jamais
changés pendant tout le temps que tu passes en CRA !

C’est les mêmes personnes qui nous donnent à manger et qui nettoient, alors que normalement
c’est des entreprises différentes. Nous on pense qu’il y a anguille sous roche, parce que ces gens
aussi cherchent à nous provoquer et balancent tout aux flics. Il y a quelques jours, pendant la grève
de la faim, on a fouillé dans les cellules et on a confisqué tous les petits bouts de pain que certains
cachaient (ils en avaient besoin pour prendre certains médicaments), pour les obliger de prendre le
repas à la cantine.

Pourquoi ils interdisent les smartphones ? La seule raison c’est la peur de la vérité ! Les flics
ont peur que, si on filme, tout le monde va savoir ce qui se passe à l’intérieur. Les smartphones c’est
notre seul moyen de nous défendre contre les abus et les provocations, ils veulent pas nous laisser cette défense !

4. Il y a plus de gens que de places

On n’arrête pas de ramener de nouvelles personnes, alors il n’y a même plus assez de nourriture.
Les retenus ne mangent pas tous le même repas. La nourriture pour un repas n’est pas suffisante,
alors les derniers qui arrivent reçoivent de la nourriture moins bonne. Le CRA reçoit toujours la
même quantité de nourriture, mais à l’intérieur il y a plus de gens que le nombre maximum de
places.

A ce moment même, ils sont en train de chercher des matelas pour les nouveaux parce qu’il y
en a plus assez. Déjà depuis un moment il n’y a plus assez de lits, des gens dorment par terre sur un
matelas, sans même un oreiller. Maintenant même les matelas vont manquer.

5. Les conditions de vie inhumaines

La bouffe qu’on nous donne ici est dégueulasse, et même si tu veux en acheter aux machines,
elles sont cassées depuis longtemps et on les répare jamais. Et maintenant, souvent, on n’autorise
plus les colis de nourriture et boisson qu’on nous apporte de l’extérieur.

On n’a rien à faire toute la journée, ils nous laissent même pas le droit d’avoir un ballon pour
jouer au foot dans la cour ; ils nous ont donné des balles en mousse pour bébé, on nous respecte
vraiment pas ! Les télés sont cassées, pareil on les répare pas.

Il fait tout le temps très froid, surtout chez les femmes, alors qu’il y a souvent des femmes
enceintes en CRA. C’est inhumain de leur faire subir ça ! Et les couvertures, en plus d’être sales, ne
sont pas suffisantes pour l’hiver.

6. L’acharnement des autorités

Ici, tous les gens sont différents mais les autorités s’en fichent de leur histoire et ne cherchent
pas à comprendre les problèmes ou la vie de chacun. La seule chose qu’on a en commun, pourquoi
on est mis là, c’est qu’on veut se débarrasser de nous et nous déporter. Au lieu d’essayer d’aider
chaque personne dans sa situation, on essaie de nous bloquer pour qu’on sorte plus jamais avant
qu’on soit déportés. Déjà c’est inacceptable que beaucoup d’entre nous enchaînent les séjours en
CRA, ou le CRA direct après la prison. Parfois tu as fait tes 45 jours de CRA et on a pas réussi à te
déporter, alors on invente quelque chose pour te mettre en garde à vue et te renvoyer à nouveau
en CRA après. Même il y a des fois où ça leur sert à rien, ton consul ne veut pas donner le laisser
passer, mais eux ils veulent te garder enfermé quand même ! Pour ceux qui sortent de prison, ils
ont déjà payé pour ce qu’ils ont fait, alors pourquoi les enfermer à nouveau ? Et en plus, parfois tu
penses sortir de la prison et ils te ramènent au CRA sans même te prévenir à l’avance, alors que tu
croyais être libre !

Nous voulons que les gens sachent que ce qui se passe ici ce n’est pas juste notre problème,
c’est un problème de toute la société. Il faut comprendre que si aujourd’hui en France on accepte
que des personnes soit traitées comme ça, c’est toute la société qui devrait être transformée !

PARLOIRS SAUVAGES À VINCENNES ET MESNIL AMELOT, LES 21 ET 23
JANVIER

Pour appuyer les mouvements concomitants dans plusieurs CRA vers la fin du mois de
janvier, les soutiens de l’extérieur se sont motivés pour donner la pêche au retenu.e.s, et la
semaine du 21 janvier a été particulièrement intense, avec deux parloirs sauvages, le lundi 21 à
Vincennes et le mercredi 23 à Mesnil Amelot. On met ici à nouveau en parallèle les récits qui nous sont
parvenus des deux côtés des murs de ces prisons.

A Vincennes le 21 janvier, à l’extérieur :

« Nous sommes une soixantaine de personnes à la sortie de la gare RER de Joinville.
Deux bagnoles de police nous y attendent. On part en cortège avec une banderole en tête
“Nous danserons sur les cendres de rétention”. Une voiture de flics nous suit.

Au premier croisement, les flics tentent de nous dissuader d’avancer en direction de
l’arrière du CRA, et nous intiment de tourner à droite vers l’avant du centre où nous ne
pouvons être entendu.e.s des personnes à l’intérieur.

Après une ou deux minutes d’indécision, nous décidons de continuer à avancer
malgré les flics et d’occuper la route. Ils tentent de nous en empêcher, mais sont trop peu
nombreux. Quelques personnes passent, puis c’est tout le cortège qui déborde la petite
dizaine de flics en prenant toute la route.

Ils tentent à plusieurs reprises de nous bloquer, mais n’y parviennent jamais. Le
cortège est trop mobile pour eux. Des personnes se faufilent entre les keufs, qui tentent de
les rattraper, pendant que d’autres changent de voie. Débordés, ils utilisent souvent leurs
gazeuses, mais cela n’y change rien. Une camionnette de police tente de faire barrage,
mais nous parvenons à la dépasser elle aussi et arrivons à portée de voix du Centre de
rétention. La ligne de flics face à nous (maintenant plus nombreux, armés de LBD et de
quelques chiens) ne nous empêche pas de nous faire entendre de l’intérieur. “Liberté
pour toutes ! avec ou sans papiers !”, “Pierre par pierre, mur par mur, nous détruirons les
centres de rétention !“, “Les CRA en feu, les condés au milieu !”, “Solidarité avec les sans-papiers”, “Hourya ! Liberté ! Azadi !” “Ni police, ni charité ! Vive la lutte des sans-papiers !”. Ils nous entendent et nous les entendons. Nous gueulons ainsi pendant un bon quart-d’heure, avant de repartir. Les flics avancent et se rapprochent de plus en plus. Une fois
sur la route, ils nous poussent sur le trottoir. Il finissent par nous nasser sur une butte à
proximité de la route. Quelques unes ont réussi à esquiver la nasse, et se sont rassemblées
à proximité.

Les flics nous proposent de quitter la nasse, individuellement ou en petits groupes.
A l’exception d’une ou deux personnes, nous refusons de nous séparer. Après plus d’une
heure de nasse, ils décident de nous raccompagner à la gare RER. Nous repartons tous.te.s
ensembles en enjambant les portiques.

Parfois la simple présence de flics nous dissuade d’emblée d’aller au bout de nos
envies, surestimant les moyens qu’ils ont d’empêcher que nos actions aient lieu. De tels
exemples montrent qu’il ne faut pas se résigner trop précipitamment, mais plutôt tenter le
coup et peut-être y arriver. C’est ce qui nous a permis, cette fois, de réussir notre coup et
de nous faire entendre des prisonnier.e.s. »

Et à l’intérieur, où malheureusement l’intimidation par les flics était très forte :

« On a entendu du bruit et on est tous sorti peu à peu. On s’est mis a crier. Mais vite il y a eu la police. Ils étaient nombreux, ils nous ont crié : ‘RENTREZ DANS LES
BATIMENTS !’ On avait pas trop envie de se faire taper alors je suis rentré vite. »

« Pour moi c’était bien. J’ai pu crier et faire du bruit. Par contre y a plusieurs gars qui se sont fait taper je crois. Ils parlent pas français alors je sais pas trop ce qui s’est passé. »

A Mesnil, le 23 janvier, quelques impressions, d’abord de l’extérieur :

« A une quinzaine, on est allé gueuler notre solidarité avec les prisonnier.e.s
du Mesnil-Amelot. C’était le soir, on a pu traverser le champs enneigés derrière
le centre tranquillement et crier pendant quelques minutes. En nous entendant
les copain.e.s enfermé.e.s au CRA2 ont commencé une manif. Des deux côtés
du murs ça gueulait “liberté !” Après quelques minutes à crier tou.te.s ensemble
on est reparti sans croiser de keufs. A l’intérieur les hauts parleurs et les sirènes
hurlaient... Solidarité avec celleux a l’intérieur ! »

Et dans le CRA de Mesnil :

« On a entendu crier LIBERTE ! On est tous sorti pour crier liberté.
Les policiers sont venus et ont fermé les portes. C’est le moment où faut pas
être violent en premier. On a continué à crier liberté. Des co ont commencé
à jouer avec de la neige et là les flics ont voulu nous faire rentrer en étant
violents.

Ils ont dit que dehors y avait 5 personnes. On leur a dit que nous on s’en
foutait, même si y avait que deux personnes on était content. En fait ils sont
faibles, c’est pour ça qu’ils mentent tout le temps.

Nous ça nous a fait du bien de pouvoir manifester en même temps qu’à
l’extérieur, de pas être tout seuls.

Même dans les chambres on entendait ! C’était trop stylé ! Après ça on
a tous beaucoup trop bien dormi, beaucoup mieux que d’habitude au centre.
On a plus la confiance. Faut qu’on continue maintenant. »

« En fait, avant-hier, il y a des sympathisants, des gens bienveillants, à
qui on communique de temps en temps pour leur expliquer notre situation
aussi, eux aussi ils ont fait une manifestation dehors. Genre, dire aux
policiers et aux autorités que ce qu’ils font ici c’est illégal. Donc nous, on
était dans nos cellules et dans la salle télé, la salle de détente. Donc nous,
on a entendu le bruit, on est sorti, on a entendu qu’il y a des gens qui
manifestent dehors. Donc nous on s’est mobilisés, on a fait en sorte que
eux aussi ils nous entendent. Mais dès qu’on a commencé à dire ‘Liberté,
libérez-nous !’ et à leur dire ‘on vous entend !’, les flics ils sont venus, ils
nous ont menacés, ils ont fermé la porte, et ils ont commencé à dire des
menaces : ‘Vous pouvez crier, vous pouvez faire ce qui bon vous semble,
mais soyez pas violents, soyez pas agressifs !’. Qui est agressif ici ? Il y a
personne qui est agressif. Mais c’était juste pour commander, pour qu’on
réponde, pour qu’ils nous font du mal. »

Vers la fin du mois, un communiqué sort aussi du centre de rétention de Plaisir, plus petit
et où l’organisation avec l’extérieur est plus difficile car assez excentré. Pourtant les copains
de l’intérieur ne manquent pas de motivation ! Leur communiqué était un même temps un
témoignage, comme les visites là-bas sont rares et trop d’histoires devaient sortir.

Voici leurs paroles qu’on relaie :

COMMUNIQUÉ DE PLAISIR, LE 27 JANVIER 2019

Ici nous on vit mal. Même la nourriture n’est pas bonne. Ils profitent de leur force de policiers,
ils nous traitent mal. Ici il y a des gens qui sont malades, ils n’ont rien fait pour eux, ils n’ont
même pas appelé le psy ou le psychiatre alors qu’ils ne dorment pas la nuit. Pour certains c’est leur
première prison ici, y’en a qui se sont fait arrêter sur un contrôle d’identité, d’autres parce qu’ils
sortent de prison. Ils ont rien fait ici pour nous, ils nous ont maltraité. C’est très sale, le nettoyage il
est pas bien fait.

On sait pas. On est dans la merde, ils nous traitent mal, déjà, pourquoi on est là ? Parce qu’on
a pas de papiers ? Y’en a, c’est la première fois qu’ils attrapent. Y’a ceux pour qui on déclare les
heures de vol, y’a ceux qu’on vient chercher à 4h du matin. Y’en a un, ils l’ont pris à l’aéroport,
ils l’on scotché direct, maintenant il est tombé malade. Ils l’ont amené à l’hôpital hier, et après,
mitard. Y’a deux jours, il a vomi partout, même pas ils nettoient, y’a encore le vomi deux jours
après. Franchement si tout ça c’est pas du racisme, on, sait pas ce que c’est. En fait si, c’est du
racisme.

Les gens d’ici, ils les prennent pour des cons, ici c’est pas un centre, c’est une garde à vue, on
est dans un grand poste de police, et à l’intérieur, y’a le centre. La vie ici c’est comme une GAV
classique, il y a tellement de trucs qui se passent à l’intérieur, il faut vraiment que notre voix elle
sorte, en même temps, y’a rien de spécial, c’est toujours la merde. Ils te punissent avec la bouffe,
ils te punissent avec la torture mentale, ils te punissent avec leur hypocrisie. Ils font genre ils sont
humains, mais ils sont contents que ça se passe. Ça ne peut que s’empirer, ça ne peut pas aller
mieux. Le petit déjeuner ici, c’est de 7h à 7h30, à 7h31, y a plus de petit déjeuner. On dirait que c’est
une grève de la faim forcée. Les gens ils attendent la gamelle toute la journée.

Y’a un gars, le 27 janvier c’était son 45e jour, à 15h15, il était libre, mais à 11h15, ils l’ont déporté.
Le copain dont on parle, l’interphone l’a convoqué à l’infirmerie, là y’a trois personnes qui
l’attendaient, ils lui ont mis trois ceintures, une pour les mains, une pour les pieds, une autre
autour de la taille. Ils l’ont tapé dans la voiture et ils lui ont dit “sale arabe, rentre chez toi”. Ici y en
a ils ont fait plus de 24 mois de prison et ils les ont ramenés ici. C’est leur politique de bâtards.

Même on s’est embrouillé avec eux aujourd’hui parce que la promenade elle est trop sale.
Faudrait au moins laver une fois par semaine. C’est grave. On leur a dit même une fois par mois. Ils
ont dit non ils ont rigolé. Ils nous parlent de façon minable.

Comme on dit, la police elle est partout, la justice elle est nulle part. Force à tous les potos de
Vincennes et d’ailleurs, tout ça va pas durer !

Des prisonniers du centre de rétention de Plaisir, en Ile de France

ENCORE UN PARLOIR SAUVAGE À MESNIL AMELOT LE 6 FÉVRIER !

Parce que le premier parloir sauvage à Mesnil Amelot avait fait tant plaisir aux copains-copines
de l’intérieur, mais aussi parce qu’on n’avait pas entendu aussi bien du côté du CRA3 que du
CRA2 la première fois, un autre parloir a été organisé en soutien aux retenu.e.s en lutte le 6 février. Voici encore un court récit de celui-ci, rédigé tout de suite après la manif :

« La lutte continue dans le CRA du Mesnil Amelot, malgré la répression très forte contre
la solidarité des retenu.e.s. Un incendie a éclaté à l’intérieur du CRA2 samedi 2 février, et
lundi une personne accusée de l’avoir provoqué passait au tribunal, depuis ni ses proches ni
les autres retenus n’ont eu de nouvelles.

A l’extérieur on ne lâche rien. Mercredi 6 février, on est parti.e.s déters au CRA du
Mesnil-Amelot pour montrer notre soutien aux retenu.e.s et notre volonté de voir enfin la
destruction totale de la machine à expulser et de toutes les prisons !

Des deux côtés des murs d’enceinte du CRA s’est fait entendre l’agitation aux cris
de : Liberté pour tou.te.s avec ou sans papiers ! Huriya ! Freedom ! Azadie ! Ni police,
ni charité, vive la lutte des sans-papiers ! Solidarité avec les sans-papiers
... Et bien
sûr : Brique par brique et mur par mur, nous détruirons les centres de rétention (ou sa
variante : nous détruirons toutes les prisons) ! Dans le CRA3 les prisonniers ont manifesté
leur enthousiasme dans les couloirs, et d’autres du CRA2 sont sortis en masse dans la
cour dès qu’ils nous ont entendu arriver. Vers la fin du parloir, ils ont même entonné une
chanson - en l’écoutant on a pu sentir la force des liens qui se sont tissés par la lutte à
l’intérieur ces derniers temps.

Après quelques minutes de ces échanges, les flics sonnent l’alarme, braquent sur nous
leurs lampes et nous somment de partir. Ce à quoi nous répondons par une autre volée de
« Liberté ! ».

Qu’à cela ne tienne, nous reviendrons tant que nous n’aurons pas dansé sur les cendres
de rétention !

Et comme le demandent les retenu.e.s de Vincennes : « Libération de tout le monde,
tout de suite ! »

MANIFESTATION LE 16 FÉVRIER DEVANT LE CRA DE VINCENNES

Le 16 février, une soixantaine de personnes ont manifesté pendant plusieurs heures devant le
CRA de Vincennes en criant “Liberté” et en jouant de la musique. En réponse, les prisonniers à
l’intérieur ont également manifesté !

Un court récit nous en est parvenu du CRA1, où en ce moment un grand mouvement de
révolte est en cours parmi les prisonniers :

Par un copain, on a su que des gens allaient venir manifester samedi. On s’est préparés
et quand on a entendu le haut parleur et le tam tam et les gens qui criaient “liberté” on est
aussi tous sortis et on a crié liberté. Puis après une heure et demi, on est rentrés, et un peu
après les gens sont repartis.

Le lendemain, c’est-à-dire hier matin, ils m’ont mis un vol caché. Ils m’avaient mis un
premier vol le dimanche d’avant que j’avais refusé. Je suis sûr c’est parce que j’ai poussé les
autres à sortir et crier liberté.

Il y a que le CRA 1 qui est sorti. Les autres étaient pas au courant. Ou ils entendaient
pas. Je sais pas trop. Ici la semaine dernière, dimanche, on a fait la grève de la faim.
Quasiment tout le monde. Mais après deux trois jours la plupart des gens ont arrêtés
la grève car on ne leur donnait rien. On a fait la grève contre les 90 jours. Parce que la
nouvelle loi permet qu’on nous garde 90 jours ici. Et ici les gens sont contre ça.

Depuis mon vol caché dimanche je ne mange plus, je suis en grève de la faim.

On doit préciser qu’encore d’autres manifestations ont eu lieu pendant ces deux derniers mois
à l’extérieur des CRA, portées par différents collectifs plus ou moins en lien avec les retenu.e.s.
Les auteurs.trices de cette brochure ont essayé tout simplement de donner un exemple des
liens de solidarité qui se sont formés entre l’intérieur et l’extérieur, en nous concentrant sur les
manifestations qui se sont passées en coordination entre les deux.
...

On l’aura bien compris en lisant ces pages, c’est parti pour continuer. On va finir
en reproduisant les communiqués les plus récents des retenu.e.s au moment de l’impression, et
l’appel à la manifestation du 3 mars à Paris. Si nos copain.e.s de l’intérieur sont de
mieux en mieux organisé.e.s, la répression à leur encontre est aussi de plus en plus dure – et ils
ont d’autant plus besoin qu’on lutte sans relâche à leurs côtés depuis l’extérieur !

COMMUNIQUÉ DU CRA3 DE MESNIL-AMELOT, LE 10 FÉVRIER 2019

[NDLR – à ce moment quasiment la plupart des retenus du CRA3 sont maintenant enfermés
dans le régime des 90 jours.
]

Nous sommes au centre de rétention de Mesnil Amelot. Nous sommes ici, nous sommes
révoltés ! Nous voulons manifester pour que nos droits soient respectés. Pour cela nous avons
certaines revendications qui sont les suivantes.

Ici nos droits ne sont pas respectés.

D’abord concernant les décisions de justice, parce que les décisions de justice nous sont
toujours défavorables. Nous n’avons jamais compris la raison pour laquelle c’est comme ça. Car il
y a des jours où les retenus passent devant la juge, il y a parfois 20 retenus qui passent devant le
tribunal et il n’y a pas une personne qui est libérée. Alors quand nous on voit les retenus revenir
dans les centres, nous n’avons même pas un brin d’espoir de sortir d’ici.

Alors c’est pourquoi nous voulons que nos droits soient respectés concernant les décisions
de la justice, qu’elles ne soient plus défavorables à notre égard. Pour chaque retenu qui passe
devant les juges, les requêtes sont toujours rejetées de manière systématique. Les dossiers ne sont
pas étudiés avec du sérieux, tout est rejeté de manière systématique. Ils ne sont pas traités d’une
manière sérieuse.

Vos intérêts requis ne sont pas appliqués.

C’est pourquoi toutes ces choses là, c’est un peu compliqué pour nous.
Et nous ne pouvons pas accepter cela. Car nos droits de défense sont massacrés. Nous pensons
que les articles des droits de l’Homme ne devraient pas être massacrés de la sorte. Nous ne sommes
pas en prison. Nous sommes en rétention, nous avons le droit à un minimum de confort. Selon
la déclaration européenne des droits de l’Homme, nous faisons appel à l’article 6 qui énonce
que toute personne a droit à ce que son cas soit entendu devant la justice de façon équitable et
impartiale.

Ici nous n’avons pas le droit à des bons plats à manger. Ici la qualité elle est pas appréciable. Il
y a un bon nombre de personnes qui sont couchées, qui ont la gastro, et ça nous pensons que c’est
la provenance des aliments qui ne sont pas de bonne qualité.

Donc il s’agit de ça. Nous n’acceptons pas de vivre comme ça. Parce qu’en fait nous vivons
dans une obligation et dans une contrainte, on nous laisse pas le choix des repas ou le choix de
faire nous-même notre propre cuisine. C’est quand même contraire à la déclaration des droits de
l’Homme. Nous n’avons pas commis de crime, nous sommes là dans un cas de non régularisation.
Donc si on est pas régularisé, ce n’est pas un crime, ce n’est pas comme si on avait détruit le monde.
C’est une situation administrative qui peut éventuellement se régler par un retour dans son pays ou
par un suivi au quotidien d’une manière un peu correcte. Ça aussi nous n’acceptons pas.

S’agissant des conditions d’accueil dans le CRA, il est dit dans le règlement intérieur qu’une
personne au CRA a droit à un lit tout seul et un matelas tout seul. Mais ici, durant leur séjour, il y a des retenus qui dorment par terre, il y a des retenus qui dorment dans le salon, dans la pièce
où on regarde la télé normalement, mais ces personnes passent toute leur vie dans cette pièce, car
les chambres sont blindées, 3,4,5 par chambre, alors que normalement c’est deux personnes par
chambre pour pouvoir profiter de la superficie. C’est ça que nous vivons. Ça aussi nous n’acceptons pas.

Aussi ils ont mis à notre disposition une machine qui change de la monnaie, qui permet de
nous rendre la monnaie pour acheter des trucs dans le centre. La machine est en panne depuis
longtemps. Et ce n’est pas dans leur projet de la réparer. Ce n’est qu’une machine, c’est éphémère,
mais c’est quelque chose en plus de tout le reste dont on a parlé.

Enfin le point des 90 jours. C’est lourd 90 jours, même pour la préfecture, même pour
l’administration. C’est la nouvelle loi. Peut être certains et certaines à l’extérieur ne savent pas.

Nous voulons vraiment un changement total dans le CRA !

Aussi il y a les cas des santés de certaines personnes qui sont malades, vraiment malades car le
stress, c’est une maladie, nous vivons avec, nous passons le temps avec, et pour les autres maladies,
il n’y a pas de médicaments.

Les toilettes ne sont vraiment pas appréciables. Il y a un service de nettoyage, mais il ne passe
pas tout le temps. Dans tout le centre, nous avons que deux toilettes donc faut attendre que l’autre
soit sorti pour passer après l’autre.

Donc nous réclamons un changement total, au niveau administratif, au niveau de la justice,
au niveau du centre, qu’on soit au moins bien traité, que ce soit pris en compte, on ne doit pas se
servir de nos erreurs pour nous presser comme des citrons, pour nous faire vivre en cage, pour
qu’on serve de cobayes.

COMMUNIQUÉ DU CRA 2A DE VINCENNES, 9 FÉVRIER 2019

Actuellement à l’heure à laquelle on est en train de vous parler, on est toujours retenus au
centre de rétention de Vincennes bâtiment 2A. Nous sommes pour certains des pères des familles,
des travailleurs et d’autres avec des projets de mariage.

Ici au centre nous sommes tout le temps menottés lorsque nous avons une visite ou lorsque
nous allons au coffre, quand ils doivent nous convoyer chez le juge ou à l’ambassade, nous sommes
convoyés dans des véhicules dont on voit même pas l’extérieur. Même à l’intérieur du véhicule nous
sommes dans des cages.

Au niveau de la nourriture, nous ne mangeons que pour la plupart du temps des légumes et
des pâtes, parfois nous ne connaissons même pas ce que nous mangeons. Concernant le médecin
et les infirmières bon ils ne sont pas là en permanence. Le médecin ne fait que des consultations,
mais pas de traitements. Les seuls médicaments qu’ils donnent ici c’est dafalgan et un autre pour le
sommeil.

Il faut noter également que pour les personnes qui viennent nous visiter, ils les font patienter
deux heures de temps. Et parfois les policiers ne sont même pas commodes avec eux. Nous ne
méritons pas d’être ici. Nous exigeons notre liberté. C’est un peu ça.

On demande notre liberté. On a souvent des papiers qui attestent qu’on a de la famille ou un
toit mais malheureusement on nous libère pas. D’autres dans le même cas on les libère donc on
comprend pas.

Et on parle pas dans ce texte des vols cachés. L’isolement ça sert à punir. Quand y’avait les
grèves de la faim ils utilisaient ça pour essayer de nous forcer à manger.

Y’a des gens on les envoie pas dans les bons pays. Y’a quelqu’un ils veulent le renvoyer au
Panama. C’est pas son pays et y a la guerre là-bas.

Des prisonniers du 2A, le 9 février 2019

COMMUNIQUÉ DU CRA 1 DE VINCENNES, LE 23 FÉVRIER 2019

Mesdames et messieurs,

Bonjour. On vous écrit ce communiqué pour vous décrire tout ce qui se passe à l’intérieur du
centre de rétention à Vincennes, et plus précisément dans le CRA 1. On est en train de vivre un
calvaire, on peut le décrire comme l’enfer. Une fois à l’intérieur, on est tous à la recherche de la
liberté.

Il y a des personnes invalides avec nous, c’est injuste. Il y a aussi des malades parmi nous.

On est pénalisés par les erreurs des responsables du centre.

Par rapport aux dispositifs qu’on a accès, ils sont souvent en panne. Les repas sont
immangeables, d’après nos informations les nourritures sont congelées et les livraisons se font
chaque 3 jours pour remplir le stock.

On est traités comme des animaux, c’est similaire tel l’organisation d’un zoo en France. Même
le zoo est meilleur qu’ici.

En plus, dernièrement les gens commencent avoir la gale. On est partis à l’infirmerie mais ils
nous donnent rien d’efficace, ils ne changent que les draps mais pas les couvertures et les matelas

Hier une personne s’est blessée pour ne pas monter sur l’avion, elle s’est coupée le ventre et la
poitrine. C’est aussi parce que des gens risquent la prison au bled, ils veulent pas rentrer, c’est le
chaos total là-bas.

Y a des gens qui ont travaillé durement ici, ils ont les fiches de paie et tout, masi après 6 ans ici
ils sont expulsés sans rien, c’est juste ça.

Les personnes qui refusent le premier vol, après ont un vol surprise, caché. Pour ça ils restent
aux nerfs, ils peuvent pas dormir ni manger, et ça les pousse à prendre des calmants en infirmerie,
ils deviennent comme des drogués, chaque jour ils doivent aller à l’infirmerie.

En général, il y a vraiment un manque d’information : beaucoup de gens pensent etre déportés
en Italie ou en Espagne, pour ça ils restent plus tranquilles. Mais au final, et ça meme s’ils ont des
permis de séjour italiens, ils sont déportés en Afrique.

Pour finir, on est vraiment en désaccord avec la nouvelle loi sur les 90 jours, qui selon nous
c’est de l’esclavage moderne.

J’ai tellement envie de courir, mais avec la raison ce n’est pas n’importe comment. La première
chose qu’on espère vraiment c’est notre liberté. C’est pour ça qu’on écrit, si je ne vois pas de droits
et le respect du temps, inutile de demander un avancement, parce que tout ce que porte le négatif
c’est le négatif.

Des prisonniers du CRA1 de Vincennes, le 23 février 2019

[PARIS] MANIF CONTRE LES CENTRE DE RÉTENTION LE 3 MARS 2019

Des luttes ont lieu dans les centres de rétention d’Ile de France !
Pour les soutenir, manifestation le 3 mars, rendez-vous à 14h à Gare du Nord !

Depuis début janvier, un mouvement de révolte se développe dans les centres de rétention. Si les résistances individuelles n’ont jamais cessé, des liens et une organisation collective se tissent aujourd’hui parmi les retenu.e.s pour lutter contre leur enfermement, contre les déportations et contre les violence policières :
- grèves de la faim coordonnées entre les CRA du Mesnil-Amelot, de Vincennes, d’Oissel et de Plaisir
- tentatives collectives d’empêcher les déportations a Vincennes
- émeutes à Rennes.

Les CRA (centre de rétention administrative) sont des prisons pour étranger.e.s dans lesquelles l’État entasse les personnes sans-papiers pour pouvoir les déporter. Avec les centres d’accueil et autres dispositifs de contrôle, les CRA font partie de la machine à expulser que l’État a mis en place depuis des dizaines d’années pour ficher, trier, enfermer et expulser toujours plus.

Pour remplir ces CRA, l’État et ses agents organisent de nombreuses rafles aux guichets des préfectures, dans les transports, dans les gares et dans les campements. À Paris, elles ont lieu quotidiennement à la Chapelle, Stalingrad et Gare du Nord.

Des gens s’organisent à l’extérieur en solidarité avec les prisonnier.ère.s en lutte, relaient leurs communiqués et font des parloirs sauvages et des rassemblements de soutien.

Alors que la durée de détention en CRA a été augmentée à trois mois, il est important d’être toujours plus présent.e en solidarité avec les personnes enfermées, jusqu’à la disparition des centres de rétention et l’arrêt des rafles.

Contre les rafles et les expulsions !
Contre l’enfermement et les frontières !
Liberté pour tous.tes !

Et d’ici au 3 mars :
Samedi 16 février – 12h : repas de soutien, à la cantine des Pyrénées (77 rue de la Mare, Paris)
Jeudi 21 février – 18h : réunion d’information et de discussion, au CICP (21ter rue Voltaire, Paris)

RÉCIT ÉCRIT PAR QUELQUES PERSONNES VENUES LE
DIMANCHE 3 MARS DEVANT LA GARE DU NORD

A 14h nous sommes près d’une centaine de personnes rassemblées devant la gare du Nord pour participer à la manifestation contre les centres de rétention. Neuf camions de flics nous attendent au niveau du boulevard Magenta et sept autres vers la rue du
Faubourg-Saint-Denis, prêts à nous barrer la route vers Barbès et La Chapelle où nous voulions
passer.

On décolle finalement vers 14h30 à 150 en direction de Magenta derrière une banderole disant
Solidarité avec les révolté.e.s dans les centres de rétention et traduite en arabe. Alors qu’on a à
peine fait 20 mètres un flic s’approche et nous annonce pour la forme : “Votre manif n’est pas
déclarée. Vous serez bloqué.e.s.”. On fait quelques dizaines de mètres supplémentaires puis on est
nassé.e.s. Dans un premier temps la nasse est plutôt lâche, plein de gens y entrent et en sortent
(certain.e.s pour aller differ au rassemblement à République en soutien aux révoltes actuelles en
Algérie) tandis qu’environ 150 personnes restent et entonnent des slogans (“Pierre par pierre, mur par mur, nous détruirons les centres de rétention !”, “Liberté pour tou.te.s ! Avec ou sans
papiers !”, “Ni police, ni charité, vive la lutte des sans-papiers !”, “Liberté, Houriya, Freedom”, etc...). Sur le parvis, en face de l’entrée principale de la gare, beaucoup de gens s’arrêtent, curieux. Certain.e.s leur donnent des tracts avec le texte d’appel en français et en arabe. Pendant au moins
une heure, plusieurs slogans sont entonnés avec énergie.

Le temps passe et les gens se lassent, discutent mais ne gueulent plus. Après plus de deux
heures les flics commencent à laisser les gens quitter la nasse de nouveau, mais par petits groupes
et escortés jusqu’au métro. Une centaine de personnes restent, exigeant de quitter la nasse tou.te.s ensemble, pour rester solidaires face aux éventuels contrôles d’identité. Les flics finissent
par former une haie d’honneur entre la nasse et la bouche de métro. Tout le monde l’emprunte.
Ils poussent les dernières personnes dans le couloir de la station puis, alors qu’un flic, seul, tente
d’empêcher l’accès à la gare, plusieurs personnes le dépassent facilement suivies du reste du
cortège qui s’élance à nouveau en reprenant les slogans. Ça résonne fort dans le grand hall de la
gare ! On est une centaine à gueuler en avançant parmi la foule. Les flics, qui n’avaient pas prévu le
coup, sont une petite dizaine à nous suivre sans nous bloquer. On décide de prendre le RER pour
aller devant le CRA de Vincennes. Un RDV à 18h à la station Joinville-le-Pont avait circulé de bouche
à oreille pour aller faire entendre notre solidarité avec les retenus par-delà les murs. Arrivé.e.s aux
portiques on se les maintient ouverts pour que tout le monde passe.

On est encore une bonne soixantaine de personnes lorsqu’on arrive au RER de Joinville-le-Pont vers 17h45, soit un quart d’heure en avance sur l’horaire annoncé. Ne voyant pas de keufs
sur notre chemin on décide de partir sans attendre en direction de l’arrière du CRA, d’où on est
plus proches des retenus. Le cortège toujours bruyant prend la route banderole en tête, perturbant
ainsi la circulation, et arrive sans encombre à proximité des bâtiments. Aucun flic à l’horizon.
On fait le maximum de bruit en criant et en sifflant, certain.e.s en montant sur la butée alors que
celleux resté.e.s sur la chaussée guettent l’arrivée des bleus. On marque une pause pour écouter
s’il y a du répondant de l’autre côté des murs puis, entendant des cris, on recule vers l’A4 pour s’en
rapprocher. Des bâches ont été posées sur les grilles intérieures pour empêcher les retenus de voir
vers l’extérieur, sauf à certains endroits ! On a pu voir quelques personnes à travers une fenêtre qui
n’avait pas été condamnée. Ils sautent à l’intérieur, nous sautons à l’extérieur. Il nous entendent et
gueulent avec joie. Idem de notre côté.

Après un quart d’heure d’échange, une dizaine de camions de flics arrivent mais nous avons
le temps de nous regrouper. Ils nous nassent pendant 10 minutes puis nous escortent jusqu’au
quai du RER. On repasse devant un terrain de foot où des joueurs, nous ayant vu un peu plus tôt
marcher en sens inverse, nous relancent en scandant : Liberté pour tou.te.s !
Contre l’enfermement, à bas les frontières !

[1Centres de Rétention Administrative.


)

https://abaslescra.noblogs.org/
anticra@@@riseup.net



ce texte est aussi consultable en :
- PDF par téléchargement, en cliquant ici (2.4 Mo)
- PDF par téléchargement, en cliquant ici (2.3 Mo)
- PDF par téléchargement, en cliquant ici (1.8 Mo)
- PDF par téléchargement, en cliquant ici (1.8 Mo)