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L’adolescence : une réalité méconnue
Quand l’autre en soi grandit : les difficultés à vivre l’homosexualité à l’adolescence

mis en ligne le 8 janvier 2007 - Bill Ryan , Jean-Yves Frappier

Les adolescents homosexuels, garçons et filles, constituent un groupe hétérogène peu étudié. La connaissance de l’homosexualité à l’adolescence est donc partielle ou même erronée. Si tous les adolescents traversent des périodes communes de développement, les adolescents et adolescentes homosexuels font face à des dilemmes particuliers qui peuvent avoir des répercussions sur leur développement et leur adaptation. De fait ils et elles présentent un risque plus élevé de crises psychologiques, liées à la découverte de leur homosexualité, au rejet par la famille ou par le réseau des pairs, au harcèlement ou aux agressions homophobes dont certains sont victimes et enfin au risque d’infection par le VIH ou autres MTS. Souvent des jeunes constatent qu’une personne ressource qui a accueilli positivement la divulgation de leur orientation homosexuelle a par ailleurs joué un rôle crucial dans l’acceptation de cette orientation et dans l’amélioration de leur estime de soi. D’où la nécessité de s’intéresser à leur sort.

Dans une étude sur les jeunes Canadiens face au sida, Allan King et ses collaborateurs (1988) ont questionné un échantillon représentatif de plus de 2000 jeunes Québécois. Il ressort que 28 % des élèves de la troisième secondaire ont déjà commencé leur vie sexuelle et qu’au niveau postsecondaire, ce pourcentage s’élève à 67 %. Dans cette étude, 99 % des jeunes, garçons et filles, se sont déclarés hétérosexuels. King a aussi questionné des jeunes présentant diverses difficultés sociales qu’il a appelés les jeunes de la rue. Il a distingué cinq catégories : les sans-abri, les jeunes se livrant à la prostitution, les jeunes contrevenants, les toxicomanes et les jeunes en quête d’emploi. Deux pour cent de ces "jeunes de la rue" se sont déclarés gais et lesbiennes et 4 %, bisexuels. Or, à la fin des années quarante, à la suite d’une enquête menée auprès d’adultes, Kinsey déclarait que les comportements sexuels ne sont pas immuables tout au long de la vie. Des études plus récentes indiquent qu’entre 8 % et 11 % des adultes sont exclusivement gais ou lesbiennes...

On peut se demander pourquoi seulement 1 % des garçons et filles adolescents ou jeunes adultes se déclarent, dans l’enquête de King, homosexuels alors que plus de 8 % des adultes se disent d’orientation exclusivement homosexuelle. Trois hypothèses liées à cette sous-représentation des jeunes peuvent être formulées. D’abord, cocher cette réponse dans un questionnaire rempli en classe ou dans un endroit public ne va pas de soi. En deuxième lieu, les adolescents gais et lesbiennes ont de la difficulté à s’identifier à l’homosexualité en raison de la mauvaise image de cette orientation dans notre société et d’une pression énorme durant l’adolescence pour se conformer à la majorité hétérosexuelle. À ce sujet, même si l’homophobie demeure présente, une lente mais réelle sensibilisation s’est amorcée dans la société québécoise depuis quelques années pour favoriser une plus grande ouverture face à l’orientation homosexuelle. Les effets de cette sensibilisation seront sans doute bénéfiques à plus long terme pour les jeunes qui pourront accepter et révéler plus facilement leur orientation sexuelle. Déjà, dans une étude récente menée auprès de plus de 2000 élèves de 12 à 16 ans, Johanne Otis (1993) révèle que 8 % des filles et des garçons interrogés disent avoir déjà eu une activité sexuelle avec une personne du même sexe. C’est la première fois que, dans une enquête de ce genre, des jeunes confient dans une si grande proportion avoir eu des activités homosexuelles. Toutefois, l’effet de cette nouvelle ouverture est encore embryonnaire, particulièrement en ce qui a trait à la révélation d’activités homosexuelles non plus sur un questionnaire de recherche, mais à l’entourage immédiat.

Enfin, cette sous-représentation statistique des adolescents gais et lesbiennes s’explique aussi par le fait que les individus découvrent parfois tardivement leur orientation sexuelle. Dans leur développement psychosexuel, l’adolescente et l’adolescent vivent un processus graduel de révélation à eux-mêmes, de leur personnalité et de leurs préférences. L’acceptation de sa propre homosexualité et de certains traits de caractère liés à l’identité personnelle est un long processus. Contrairement à une idée longtemps admise, l’homosexualité ne représente pas chez certains jeunes qu’une étape de leur développement. Ils rapportent des rêves, des fantaisies, des attirances envers les personnes du même sexe qui datent de l’enfance, soit avant même la puberté. C’est donc dire que la prise de conscience initiale de leur orientation homosexuelle s’est faite très tôt. Mais peu auront accepté leur orientation homosexuelle vers la fin de l’adolescence, et ce ne sera que bien plus tard qu’ils ou elles la dévoileront à leur entourage hétérosexuel. Cette acceptation sera favorisée par une perception positive, acquise avec le temps, de leur orientation homosexuelle et par la certitude qu’elle est inéluctable.

Donc, encore peu d’adolescentes et d’adolescents qui ont connu une expérience homosexuelle ou qui sentent une attraction homosexuelle en parleront ouvertement. C’est une période de découverte souvent vécue dans l’isolement et la clandestinité. En raison de ce silence, nous connaissons peu les adolescents gais et lesbiennes et il est difficile de tracer un portrait complet et exact de leur situation. L’adolescence est vécue différemment selon le contexte familial, social et culturel ; l’analyse doit tenir compte de cette hétérogénéité.

Si, comme nous l’avons souligné précédemment, les adolescents homosexuels constituent un groupe hétérogène et méconnu, les lesbiennes sont encore moins connues que les garçons gais. La présomption d’hétérosexualité semble plus forte envers les filles, entre autres parce que la cohabitation et les manifestations ouvertes d’affection sont davantage acceptées chez elles et éveillent ainsi moins de "soupçons".

De plus, même si dans notre propos, nous utilisons les termes "gai" et "lesbienne" pour désigner des adolescents qui ont une orientation homosexuelle, il se peut que certains adolescents ne se sentent pas à l’aise d’être qualifiés de "gais" et de "lesbiennes", parce qu’ils n’ont pas encore assumé leur orientation, ou encore qu’ils se considèrent davantage bisexuels, du moins à ce moment de leur vie.

Difficultés psychologiques et sociales

Pourquoi nous préoccuper des jeunes gais et lesbiennes ? Parce qu’ils et elles présentent probablement un risque plus élevé de perturbations diverses, liées à la découverte de leur homosexualité, au rejet par la famille ou par le réseau des pairs, au harcèlement ou aux agressions de la part d’individus homophobes.

Les adolescents gais et lesbiennes disposent de très peu de modèles auxquels se raccrocher. Les jeunes en général reçoivent peu d’information pertinente quant à l’expression de leur sexualité (si ce n’est en ce qui concerne la réduction des risques de MTS) et encore moins s’il s’agit d’une sexualité homosexuelle. Les parents et la plupart des pairs ne peuvent servi d’exemples aux jeunes homosexuels, ni les soutenir, d’autant que ces derniers ne peuvent partager leur situation et leurs difficultés avec leur famille, contrairement aux adolescentes et adolescents hétérosexuels. Par conséquent, les jeunes ont plus de difficulté à accepter leur orientation homosexuelle et à s’y adapter, ce qui contribue à intensifier l’anxiété et l’isolement et à compliquer leur développement personnel et social.

Il arrive que la famille rejette l’adolescent ou l’adolescente en raison de son penchant homosexuel ; il ou elle peut ainsi être marginalisé, mal aimé et négligé, situation qui compromettra d’autres aspects de son épanouissement. Certains fuient ce milieu inhospitalier, d’autres sont chassés du domicile familial en raison des conflits et des problèmes qu’engendrent leur orientation et son incompréhension.

Au fil de leurs interactions sociales, les jeunes apprennent que notre société est peu accueillante envers les gais et les lesbiennes. Diverses épithètes injurieuses témoignent de ce mépris et de cette perception négative. Les adolescents et adolescentes qui se désigneront éventuellement comme homosexuels ne peuvent demeurer insensibles à ce discours. L’homosexualité est associée à une image négative et les adolescents gais et lesbiennes doivent composer avec cette réalité pour se construire une image positive d’eux-mêmes, une tâche fort difficile s’il en est.

La plupart des jeunes connaissent des troubles émotionnels à un moment ou un autre de leur adolescence, et cela est d’autant plus vrai dans le cas d’adolescents gais et lesbiennes. Nous constatons que plusieurs, face à l’émergence de cette orientation homosexuelle, développent une très faible estime de soi, cela étant dû, entre autres, à l’image négative de l’homosexualité, aux rejets vécus et aux difficultés de socialisation avec les autres jeunes et avec l’entourage en général.

Cette faible estime de soi et les difficultés familiales et sociales liées à l’orientation homosexuelle expliquent nombre de problèmes rencontrés chez des adolescents gais et lesbiennes. Plusieurs perdent toute motivation à l’école, ont peine à se concentrer en classe et donnent un mauvais rendement scolaire. Certains seront portés à recourir à l’alcool et à surconsommer des drogues. Selon une étude américaine, plusieurs jeunes homosexuels commencent à consommer de l’alcool et des drogues à un âge plus précoce que leurs pairs, en raison du milieu hostile, des insultes et des mauvais traitements dont ils sont victimes (New York Native, US Department of Health and Human Services). Une autre étude américaine révèle que 45 % des jeunes gais et 20 % des jeunes lesbiennes ont été victimes d’insultes ou ont été maltraités (Child Welfare League of America et Sorohan). Une méfiance inhibante peut dès lors les envahir et teinter leurs relations avec l’entourage. De plus, selon plusieurs études, ces jeunes seraient plus portés que les autres adolescents à faire des dépressions suffisamment graves pour les conduire au suicide. En fait le suicide est la première cause de mortalité chez ce sous-groupe. L’homophobie dont les jeunes gais et lesbiennes sont l’objet peut donc avoir les plus graves effets, trop souvent négligés.

Enfin, plus que leurs pairs hétérosexuels, les adolescents gais ont à composer avec un risque élevé d’infection au VIH. Cela ajoute un insupportable fardeau à la difficulté d’acceptation de leur orientation, à son dévoilement et à la difficulté de construire une image positive d’eux-mêmes.

Déjà, la prévalence des MTS chez les adolescents en général est élevée. Il est probable que les adolescents gais risquent davantage d’être infectés par le VIH ou d’autres MIS, cela à cause des circonstances dans lesquelles ils sont contraints de vivre leur vie amoureuse. Leurs activités sexuelles sont en effet plus souvent clandestines et les adolescents et adolescentes ont parfois leur première relation avec un ou une partenaire plus âgé ayant un passé sexuel plus chargé. On peut penser que les jeunes bénéficieront dans une certaine mesure des moyens de protection que les aînés ont adoptés, mais on ignore jusqu’à quel point le recours à ces moyens est courant dans la population homosexuelle. Les relations anales non protégées, l’instabilité d’un lien clandestin que justifie la stigmatisation de l’homosexualité et, pour certains et certaines, une multiplicité d’expériences sexuelles contribuent à l’accroissement des risques, bien qu’il soit difficile d’évaluer ces risques, étant donné que cette population adolescente est encore peu connue. Compte tenu de l’épidémiologie actuelle du sida chez les 20 à 29 ans qui désigne les relations homosexuelles non sécuritaires comme un des modes de transmission dominants, les adolescents gais constituent un groupe à risque potentiellement élevé. Il importe donc de les aider à sortir de la clandestinité afin de leur permettre de vivre sereinement leurs relations amoureuses.

Des services adaptés : place à la créativité

Le Los Angeles Suicide Prevention Center a constaté que le soutien social est très important pour les jeunes gais et lesbiennes, étant donné le rejet social dont ils sont victimes. Les jeunes filles lesbiennes se trouvent d’ailleurs encore plus isolées que les jeunes garçons gais. L’invisibilité lesbienne dont a fait état Françoise Guillemaut dans le chapitre précédent est tangible. Or ces jeunes ne reçoivent que peu d’aide, sinon aucune, des organismes qui desservent la population adolescente, alors qu’ils composent une sous-population aux besoins criants.

Les services qui s’avèrent efficaces pour améliorer l’estime de soi et l’exercice d’une sexualité sécuritaire et harmonieuse chez les jeunes gais et lesbiennes sont, entre autres, la consultation relative à l’affirmation de soi et de son orientation sexuelle, et les discussions de groupe entre pairs. Ces jeunes apprécient énormément discuter de leurs sentiments et faire part de leur expérience : trop rarement en ont-ils l’occasion.

Au Québec comme ailleurs, peu d’organismes ou de groupes communautaires destinent leurs soins et services aux adolescents gais et lesbiennes. Il faut dire que ces jeunes ne sont pas portés à s’adresser aux services de santé ou aux services sociaux afin d’obtenir de l’aide relativement à leur orientation homosexuelle, considérant que ces établissements sont peu disposés à discuter d’homosexualité et craignant le manque de confidentialité (notamment face à leurs parents). Il incombe à ces institutions de faire preuve d’ouverture envers ces jeunes et de tisser des liens de confiance avec eux. Ce n’est pas parce qu’ils sont minoritaires que ces jeunes doivent être ignorés, au contraire.

À Montréal, le Centre de services sociaux Ville-Marie (CSSVM) dispense des services aux communautés de jeunes gais et lesbiennes depuis 1976, moment où un projet auprès de ces communautés a été lancé. Le projet conjuguait des interventions cliniques et communautaires. Les services cliniques incluaient la consultation individuelle, familiale et de couple, des discussions de groupe à l’intention des adultes homosexuels et des adolescents et adolescentes.

L’un des aspects les plus intéressants du projet visait les jeunes gais et lesbiennes vivant dans la rue. Le CSSVM (qui est maintenant devenu le Centre de protection de l’enfance et de la jeunesse [CPEJI Ville-Marie) a été le premier établissement public au Canada et l’un des premiers en Amérique du Nord à offrir ce type de services. Le projet a servi de modèle à des projets semblables à travers l’Amérique du Nord ainsi qu’en Europe.

Le Projet 10 (pour 10 % de la population) offre maintenant les services de soutien social et psychologique aux jeunes homosexuels et bisexuels des deux sexes. Des affiches et des dépliants largement diffusés indiquent aux jeunes comment entrer en communication avec des personnes ressources du projet. Pour la grande majorité de ces jeunes, une seule conversation téléphonique mène déjà à une meilleure acceptation de soi. Une minorité seulement des jeunes qui ont téléphoné viennent rencontrer les personnes ressources. Le but du projet est d’aider les jeunes à briser l’isolement vécu face à leur orientation sexuelle. Si cela les intéresse, ils ou elles peuvent participer à l’un des groupes de soutien mis en place. Les interventions de groupe consistent à offrir des espaces où des jeunes peuvent sans gêne rencontrer leurs pairs, parler de leurs expériences et replacer dans une perspective viable leurs expériences de vie. L’acceptation par les participantes et participants de leur homosexualité et leur adaptation à cette orientation sont les objectifs visés. Deux cas vus récemment illustrent bien les types de problèmes qui amènent les jeunes gais et lesbiennes à demander de l’aide.

Pierre fréquente une école polyvalente de l’ouest de l’île de Montréal. Il a quinze ans, et se fait constamment harceler par d’autres étudiants de ses classes. Ce harcèlement physique et mental est, de plus, alimenté par certains membres du personnel enseignant. Jusqu’au jour où Pierre ne veut plus aller à l’école et développe des idées suicidaires. Sa mère, réussissant à le faire parler, confronte la direction de l’école au traitement réservé à son fils. On lui répond alors que son fils devrait se faire soigner, voire "enfermer dans un asile avec les autres fous comme lui". La famille décide alors de retirer Pierre de l’école. Il perdra une année scolaire, mais aura trouvé le soutien de sa famille.

Peu après, une travailleuse sociale contactée par Pierre et sa famille recevra le même type de réponse de la part de la direction de l’école : "On ne veut pas d’homosexuels ici !"

Dégoûtée, la famille décide de déménager. Pierre s’inscrit à une nouvelle école et participe à des rencontres de groupe pour adolescents gais. Il a besoin de briser son isolement, de renforcer son estime de soi et de trouver des modèles positifs. Il apprend aussi à refuser d’être infériorisé par l’homophobie.

Marie demeure sur la rive-sud de Montréal et téléphone au Projet 10 après avoir vu une publicité dans un journal. Enfermée dans sa chambre, la musique comme bruit de fond "pour ne pas que mes parents entendent", elle déclare souffrir d’insomnie, de perte d’appétit, d’angoisse. Étudiante ayant déjà obtenu des notes au-dessus de la moyenne, elle ne va plus au cégep depuis quelques jours. Incapable de fonctionner, elle a peur qu’on s’aperçoive de son orientation sexuelle et qu’on la rejette.

Jusqu’à maintenant, elle a toujours joué le "jeu". Elle a eu des "petits amis". Lorsqu’elle n’en avait pas, on n’avait de cesse de lui en présenter. La voyant rompre avec les garçons, ses amies ont commencé à la trouver difficile. À la maison, on la questionnait constamment sur les amis masculins qu’elle n’avait plus.

Marie ne sait plus comment regarder les gars et les filles. Et finalement, elle a décidé de ne plus voir personne, s’enfermant dans sa chambre en prétextant un trop plein de travaux scolaires. Dépassée par ce qui lui arrive, elle ne sait que faire. Le hasard qui lui a fait découvrir que des services d’aide existaient pour les adolescentes comme elle lui apparaît inespéré... Elle qui était certaine d’être la seule à vivre ces émois !

Les adolescents et adolescentes apprennent à s’adapter à leur orientation homosexuelle par étapes. Pour y arriver, ils doivent d’abord s’accepter en tant que gais ou lesbiennes par la destruction des mythes véhiculés par la société. Ensuite, ils doivent établir des relations amicales significatives avec des pairs, gais et lesbiennes entre autres, et éventuellement des relations amoureuses. Cette recherche relationnelle est importante pour acquérir une bonne estime de soi. Enfin, ils doivent apprendre à interagir avec leur milieu de vie, leur famille, leur milieu scolaire ou de travail et leur entourage. Chemin faisant, il faut aider les jeunes à comprendre qu’ils ont intégré l’homophobie manifestée par la société (voir la figure 1). En raison de cette homophobie intériorisée, ils adoptent fréquemment de mauvaises attitudes face à leur sexualité. Il s’agit donc de les conduire d’une phase de négation ou de rejet de leur homosexualité à une phase d’analyse critique de l’attitude de la société.

Le rôle des personnes-ressources adultes auprès des adolescents et des adolescentes est plus important qu’on peut le croire. Pour la majorité des gais et lesbiennes, la divulgation de leur orientation sexuelle est un moment crucial de leur vie ; aider les jeunes à révéler et à vivre pleinement leur orientation a donc des répercussions majeures. Souvent, des jeunes filles et des jeunes garçons homosexuels constatent que le soutien professionnel positif reçu lors de la divulgation de leur homosexualité a joué un rôle important dans leur acceptation de cette orientation et dans l’amélioration de leur estime de soi. Des études démontrent que le fait de ne pas révéler son orientation sexuelle peut être relié à une gamme de problèmes personnels et sociaux, dont la gêne, l’isolement et un sentiment d’incompétence devant l’existence. Par contre, la divulgation et l’affirmation de son orientation homosexuelle sont clairement reliées à un bien-être psychologique. La documentation sur la prévention du VIH établit par ailleurs une relation étroite entre ce bien-être psychologique et la capacité d’adopter des pratiques sexuelles sécuritaires. On est certes plus enclin à se protéger si l’on s’aime soi-même.


[Figure 1]

L’homophobie intériorisée

1. Négation :

Je suis attirée par - ou en amour avec - quelqu’un du même sexe.
Les personnes qui aiment les gens du même sexe sont malades et dépravées.
Je ne suis ni malade ni dépravé-e.
Donc, je ne suis pas une personne homosexuelle.

2. Intériorisation de l’oppression :

J’aime un autre homme ou une autre femme.
Les personnes homosexuelles sont malades et dépravées.
Je suis toujours en amour avec cette personne.
Donc, je suis malade et dépravé-e.

3. Différence entre soi et les autres :

Je sais que je suis homosexuel ou homosexuelle.
On dit que les personnes homosexuelles sont malades et dépravées.
Je sais que je ne suis ni malade ni dépravé-e.
Donc, je ne suis pas comme les autres personnes homosexuelles.

4. Analyse critique de l’attitude de la société :

J’aime un autre homme ou une autre femme.
On dit que les personnes homosexuelles sont malades et dépravées.
Je m’aime, et je ne suis ni malade ni dépravé-e.
D’autres personnes homosexuelles que je connais ne sont pas dépravées.
Donc, la société a tort et perpétue des mythes.

Travailler auprès des adolescents gais et lesbiennes afin de les aider suppose qu’on s’adresse à eux en utilisant un message axé sur l’affirmation de soi et l’acceptation de leur propre orientation sexuelle. Au préalable, il faut tenter d’atténuer les messages négatifs et les problèmes causés à ces jeunes par les milieux où ils évoluent, soit la famille, l’école, l’église, etc. Faire contrepoids à l’homophobie qui les entoure n’est pas aisé, mais toute intervention qui omet ces étapes préliminaires n’atteindra pas son objectif final.

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