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Le vélo et le feu Sur des incendies de véhicules de grandes entreprises et du corps diplomatique — et sur l’arrestation d’un compagnon anarchiste

mis en ligne le 27 décembre 2022 - anonymes , Des anarchistes

Le pdf de cette brochure a été mise à jour en février 2023, la version html correspond à la version décembre 2022.

Le 11 juin 2022 Ivan se faisait arrêter au petit matin par la SDAT, accusé de six
incendies de véhicules. Ces incendies ont tous été revendiqués en ligne, la plupart
menés en solidarité avec d’autres anarchistes dans le monde. Ce cas de répression
étatique, comme beaucoup d’autres, nécessite une réponse, mais nécessite aussi
qu’on y réfléchisse. Ce qui nous intéresse c’est les circonstances de son
arrestation : une mise sous surveillance étroite pendant des mois, et une mise en
cause fondée principalement sur une vidéo prise par l’interphone d’une clinique.
Une pression, sous forme d’interrogatoires, exercée sur ses proches ; et sur lui-
même, avec le blocage de son courrier des mois durant. L’attitude du compagnon
face à la répression nous semble aussi intéressante : il ne collabore pas avec la
justice, mais affirme être anarchiste et partager tout acte allant contre l’État et le capital.

Il nous semble qu’il y a des leçons à tirer de cette affaire. Que l’État ne lésine pas
sur les moyens de surveillance, mais que ces moyens là ne sont pas d’une
efficacité parfaite, comme on peut le voir dans les descriptions de filatures du
dossier. Qu’en plus de ça, contrairement à ce qu’on a tendance à penser, accéder
aux données de téléphones ou d’ordinateurs n’est pas aussi simple pour les flics
lorsqu’on prend le soin de mettre des mots de passe et/ou de crypter ces
machines (ce qui n’empêche qu’il faut en avoir une utilisation raisonnable, dans le
sens où l’incapacité technique pour craquer ces codes ne sera peut-être pas
toujours d’actualité). Et que l’histoire de la vidéo de l’interphone, peu importe qui
est la personne présente dessus, nous semble aussi particulièrement importante,
car nous sommes nombreux à ne pas avoir été au courant avant cette affaire que ces interphones filment en permanence, et doivent donc être considérés comme n’importe quelle caméra de surveillance, publique ou privée, y compris les téléphones que de bons citoyens dégainent pour filmer, à la moindre petite altérité dans leurs vies monotones.

Au-delà de cela, la solidarité d’Ivan avec Alfredo Cospito, compagnon anarchiste
en grève de la faim en Italie contre sa mise à l’isolement, nous semble aussi être
un acte éloquent de solidarité entre anarchistes.

Nous publions ici tout d’abord les lettres d’Ivan et les nouvelles à propos de son affaire et de sa détention. Ensuite, il y aura une lettre du compagnon anarchiste Damien, qui se trouvait en juin à la taule de Draguignan et qui a été « interrogé » sur cette affaire. Suivent les revendications des incendies dont Ivan est accusé et celles des actions qui ont été faites en solidarité avec lui. Vous trouverez aussi le résumé d’un premier survol du dossier d’enquête. Pour finir, nous publions comme contribution au débat un ancien texte sur ce que devrait être la solidarité révolutionnaire.

Sur le contenu de la brochure, vous ne trouverez pas ici des longues listes d’incendies de voitures, dont on ne connaît pas les mobiles. Des mobiles qui pourraient être aussi bien réformistes, confus ou, pourquoi pas carrément autoritaires. Nous pensons qu’il y a une différence substantielle, qualitative, entre le simple « désordre » et la violence émancipatrice, révolutionnaire. Par conséquent, nous ne voulons pas faire de la récupération politique d’actions faites pour des raisons dont nous ignorons si elles sont compatibles avec les nôtres : la lutte contre toute autorité. Nous ne voulons pas non plus noyer le poisson de la lutte antiautoritaire dans le marécage d’une « conflictualité sociale », prétendument diffuse, qui n’en est pas toujours une, mais qui est parfois construite à posteriori par un travail d’interprétation clairement orienté.

La solidarité c’est l’attaque !

Des anarchistes,
début décembre 2022
leveloetlefeu@@@riseup.net


De juin à novembre 2022, des nouvelles d’Ivan depuis son arrestation jusqu’aux dernières infos depuis la prison de Villepinte

- Lettre d’Ivan depuis la maison d’arrêt de Villepinte
Anarchist Bure Cross / 27 juin 2022

- Quelques nouvelles d’Ivan (16 août)
Indymedia Lille / 22 août 2022

- Une lettre d’Ivan, de la prison de Villepinte
Indymedia Lille / 25 septembre 2022

- Ivan, renouvellement de détention préventive
Anarchist Bure Cross / 8 octobre 2022

- Ivan en grève de la faim, en solidarité à Alfredo (27/10/22)
Anarchist Bure Cross / 27 octobre 2022

- Une lettre d’Ivan, anarchiste incarcéré à Villepinte (23 nov.)
Anarchist Bure Cross / 25 novembre 2022

- Ivan a mis fin à sa grève de la faim
Anarchist Bure Cross / 2 décembre 2022


Actions en solidarité avec Ivan

- Nique la diplomatie, les médias et le nucléaire ! Vive l’Attaque !
Bure Bure Bure / 22 juin 2022

- Incendie d’un utilitaire Vinci en solidarité avec Ivan
Paris-Luttes.info / 11 juillet 2022

- Pancartes de solidarité sur le Tour de France : Forza Ivan !
Paris-Luttes.info / 29 juillet 2022

- Athènes (Grèce) : Revendication de l’incendie d’une voiture de service COSMOTE
Indymedia Lille (en anglais) / 10 août 2022
Traduction en français : Attaque / 28 octobre 2022

- Caen/Ouistreham (Calvados) : banderoles solidaires
Sans nom / 1er septembre 2022

- Gers : Feu Anarchiste Inévitable
Indymedia Lille / 18 septembre 2022

- Barcelone (Espagne) : Attaque incendiaire contre une antenne-relais 5G
Indymedia Barcelone / 18 septembre 2022
Traduction en français : Sans nom / 21 septembre 2022


Quelques premiers éléments du dossier d’enquête

Les informations qui suivent sont issues d’une première lecture rapide du dossier d’enquête. De ce fait elles sont forcément incomplètes.

Tout d’abord, comment cette enquête a commencé ?

La Sous-Direction Anti-Terrorisme de la Police judiciaire a commencé à enquêter
de son initiative, début janvier 2022, suite à des « informations confidentielles
recueillies par [le] service » (dans un autre document, une juge parle de « renseignements anonymes »). Les policiers « recueillent » les noms de deux compagnons, susceptibles selon ces informations d’être les auteurs des attaques
incendiaires, revendiquées par des anarchistes, qui visent depuis des années des
véhicules à Paris et environs. Par le passé, différents commissariats locaux et le
groupe anti-terrorisme la DPJ 1 (une section de la Police judiciaire parisienne)
avaient déjà mené des enquêtes, notamment pour « association de malfaiteurs »,
sans succès.

La Division Nationale de Recherche et de Surveillance (on pourrait la voir comme
le « service opérationnel » de la SDAT) met en place des filatures des deux
compagnons. Ils prévoient de suivre Ivan du 10 janvier au 3 février 2022, l’autre
personne du 17 janvier au 3 février. Concrètement, cette partie du dossier
comporte des PV d’agents de la DNRS qui se placent le matin devant les
habitations des deux compagnons et les suivent (à pieds ou en voiture) dans leurs
déplacements, au travail, les photographient au supermarché etc. On remarquera
qu’il est fréquent qu’ils perdent de vue leur « cible » quand celle-ci se déplace à
pied ou à vélo.

Le deuxième compagnon est rapidement mis hors de cause. Les agents de la DNRS disent avoir vu et photographié Ivan en train de coller des affiches à Paris et à Montreuil, tard le soir du 18 janvier. Le soir du 21 janvier, ils le suivent à nouveau lorsqu’il se rend à Paris. Le compagnon se balade à vélo et les flics le perdent de vue presque toute de suite. Ils déploient alors quatre « dispositifs de surveillance » (on imagine des voitures) : en soupçonnant que le compagnon se dirige encore vers Montreuil, ils les placent à quatre points de passage entre Paris et cette ville. Un de ces « dispositifs » aurait aperçu le compagnon sur la commune de Montreuil (ils le perdent de vue tout de suite après). La police utilise cela comme indication du fait que le compagnon serait l’auteur, cette nuit-là, de l’incendie d’un fourgon-nacelle SFR, à Montreuil, et d’un véhicule Enedis dans le douzième arrondissement parisien.

Le 23 février, la SDAT prend contact avec le tribunal de Bobigny, qui la charge
officiellement d’enquêter sur le compagnon.

Les enquêtes

Il y a d’abord toute une série de vérifications « administratives », par exemple auprès de la CAF, des services des impôts, de différentes administrations et services de police (avec la liste des précédents judiciaires et de police - toute
infraction, jugée ou classée sans suite, y est listée), les relevés du compte en
banque du compagnon, etc. Ils ajoutent des informations assez vagues sur ses
précédents en Italie.

En mars, la SDAT effectue une recherche via la Plateforme Nationale des
Interception Judiciaires et demande des informations aussi à l’opérateur téléphonique chez qui le compagnon a un abonnement. Cela leur permet de connaître les identités des titulaires des lignes avec lesquelles il échange, les facture détaillées et la géolocalisation des appels. Ils obtiennent donc la liste des
lieux de bornage du téléphone du compagnon (pour voir s’il ne borne pas à proximité des lieux des incendies) et la liste de ses contacts, sur un an. Ils
essayent d’établir une courte biographie de chacun d’entre eux. Ils lisent tous les sms envoyés et reçus (et ne trouvent rien d’intéressant).

Grâce au numéro de téléphone du compagnon ils peuvent connaître le numéro
IMEI du boîtier et cherchent à savoir si d’autres cartes SIM ont été utilisées dans cet appareil.

À partir du 16 mars, la SDAT met en place une géolocalisation en temps réel du
téléphone « personnel » du compagnon.

Après étude des appels de ses proches, ils disent avoir établi que le compagnon
utiliserait aussi un autre numéro de téléphone, comme ligne « professionnelle ».

Depuis mars également, une balise GPS est installée sur la voiture d’Ivan et une
caméra cachée filme la porte d’accès de son immeuble (elle était probablement
installée sur un poteau d’éclairage de l’autre côté de la rue).

Des le début de l’enquête les flics donnent pour acquis qu’Ivan est
l’administrateur du blog Attaque (https://attaque.noblogs.org/). En mars, sur ordre de la procureur, Laure-Anne Boulanger, ils prennent donc toute une série d’actions incendiaires qui ont eu lieu à Paris et environs ce dernières années et qui ont été revendiquées par des mails envoyés a ce blog et les joignent à leur procédure (ça donnera 59 attaques incendiaires au total, en date du 11 juin). La juge d’instruction l’inculpera « seulement » pour les six derniers incendies (ceux qui ont eu lieu en 2022), pour les autres Ivan est témoin assisté.

Fin mars et début avril, la SDAT demande à la Direction Nationale du Renseignement Pénitentiaire de leur fournir les informations sur des contacts épistolaires que Ivan a eu avec K. et avec B., deux compagnons qui ont été emprisonnés ces dernières années. La DNRP lui envoie la copie d’une partie de ces échanges, y compris les photocopies des couvertures des livres qu’Ivan a envoyé à l’un d’entre eux. La DNRP les informe aussi de l’argent que notre compagnon a envoyé à l’un de ces deux compagnons (ce que la SDAT a vu aussi sur son compte en banque). Il y a une forte attention pour K., dont ils versent au dossier les fiches d’impôt, la liste des antécédents judiciaires et la liste des personnes ayant eu le droit de lui rendre visite dans les deux prisons où il a été emprisonné.

Cette requête à la DNRP serait justifiée par le fait que de nombreuses attaques
incendiaires des dernières années, dont la SDAT soupçonne Ivan d’en être
l’auteur, sont en solidarité avec les deux compagnons emprisonnés.

Dans toutes les procédures pour des incendies à Paris, les flics consultent les
caméras du système PVPP (Plan de vidéo-protection pour Paris, de la préfecture
de police) pour chercher des images des auteurs des incendies, à notre connaissance sans succès. Parfois ça se passe en direct. Par exemple, la nuit du 24 avril la voiture d’Ivan est geolocalisée près de Paris, alors une agente de la SDAT regarde sur des caméras du PVPP. Elle aperçoit un camion des Sapeurs pompiers
dans le XIIe ardt. et demande au commissariat local de quoi il s’agit. C’est une
fourgonnette Enedis qui brûle.

Les policiers de la SDAT cherchent aussi, systématiquement, à exploiter les
caméras privées situées dans les environs immédiats des attaques et demandent
aux riverains s’ils ont vu quelque chose. Pour l’incendie du 4 mars, rue About, par exemple, ils récupèrent les vidéos des caméras d’un petit supermarché, d’un
fleuriste et de deux entreprises, qui filment des parties de la rue. Ils disent y voir quelqu’un à vélo, qu’ils disent être l’incendiaire, sans que les images ne révèlent rien d’utile pour l’identifier, ni pour prouver que c’est l’auteur de l’action incendiaire.

Les policiers s’intéressent aussi au seul cybercafé situé dans le secteur où Ivan habite et où ils disent l’avoir vu entrer lors d’une filature. Ils demandent par exemple à la Police municipale les enregistrements de la caméra de ville la plus proche, pour la journée au cours de laquelle aurait été envoyé le mail de revendication de l’incendie du 5 mars. Ils vont jusqu’à placer (inutilement) une caméra cachée pour surveiller l’accès du cybercafé, du 8 avril au 8 mai.

Les flics filent notre compagnon aussi quand il fait ses courses. Quelque jours après un incendie, la SDAT demande par exemple à la sécurité d’un supermarché près de chez lui, où ils l’avaient vu entrer l’après-midi précèdent l’incendie, à quelle caisse il est passé et à quelle heure et ils demandent une copie du ticket (et ne trouvent rien qui les intéresse).

Arrestation et perquisitions

L’impression est que fin mai les choses s’accélèrent. L’autorisation pour les perquisitions de l’appartement d’Ivan et de sa voiture sont signées par une juge des libertés le 19 et le 23 mai. Le soir du 10 juin, les policiers de la SDAT remarquent (probablement grâce à la balise GPS) que le compagnon se déplace en région parisienne et mettent en place une filature (comme ils l’ont déjà fait à d’autres reprises). Il disent qu’ils le suivent pendant qu’il se balade à vélo, jusqu’à arriver dans le 17e arrondissement parisien. Les flics le perdent de vue pendant trois heures, jusqu’à ce qu’il revienne à sa voiture, mais ils sont prévenus qu’une voiture appartenant à une ambassade est incendiée dans le 17ème (le feu se propage à d’autres voitures, stationnées à côté, et lèche la devanture des commerces en face). Ils décident alors de l’interpeller.

Une équipe de la DNRS, pistolets à la main, bloque avec deux camionnettes (une devant et une derrière) la voiture d’Ivan à la sortie d’une voie rapide, alors qu’il arrive chez lui. Pendant l’interpellation, juste après les menottes et un masque de ski opaque qui l’empêche de voir, on lui met sur les mains des sachets en plastique pour « préserver les traces ». Quand le technicien de l’Identité judiciaire arrive, il lui passe une espèce d’écouvillon qui sera analysé pour trouver des traces d’hydrocarbure (sans résultat).

Après l’interpellation, les policiers de la SDAT font une fouille de la voiture du
compagnon. Ils mettent sous scellé une casquette, un sac à dos, un vieux briquet,
un shocker, un brassard « police » et deux brise-vitres. Après ils vont chez lui.

Lors de la perquisition de son domicile, les flics saisissent deux téléphones (celui qu’ils définissent comme « personnel » et le « professionnel »). Le premier est de la marque Wiko et la Brigade d’appui en téléphonie, cyber-investigation et analyse criminelle (BATCIAC) arrive à en examiner le contenu sans connaître le mot de passe, grâce aux logiciels XAMN et XRY de l’entreprise MSAB. Ils épluchent les données enregistrées et ne trouvent rien qui puisse les intéresser. La carte SIM est verrouillée et ils n’arrivent pas à y accéder. Ils essayent aussi d’explorer les données de l’autre mobile, un IPhone 8 (avec le logiciel UFED de l’entreprise Cellbrite), sans succès.

Ils saisissent aussi deux ordinateurs. Le premier est chiffré avec le logiciel
Bitlocker, ce qui les empêche d’y accéder. Ils essayent alors de copier le disque
dur (avec les logiciels Tableau T35 de l’entreprise IDE Forensic et Accessdata
FTK_Imager de l’entreprise Bridge) mais n’y arrivent pas.

Pour l’instant on n’a pas trouvé d’informations sur l’exploitation du deuxième
ordinateur (qui est chiffré avec Luks).

Ils examinent sur place les clefs USB et les cartes mémoire qu’ils trouvent, sans y voir rien qui puisse les intéresser. Ils saisissent des cartes du PVPP, de l’argent, quelques livres sur l’anarchisme choisis au hasard et une série d’autocollants.

Quand une bourgeoise joue les balances

Juste après l’incendie du 11 juin, Manon Rouas, co-propriétaire d’une clinique esthétique (Maison Marignan - Clinique médicale esthétique, 10 rue Villebois Mareuil, Paris XVII), prévient les flics qu’elle peut les aider. La clinique est à proximité immédiate du lieu de l’incendie (sa façade a été abîmée par les flammes) et elle est équipée d’un interphone qui filme le trottoir et la rue 24 heures sur 24. Sur la vidéo, qu’elle leur donne très rapidement, on verrait une personne intervenir sur la voiture de l’ambassade peu avant qu’elle s’embrase. La vidéo est versée au dossier comme preuve à charge contre le compagnon.

Ces informations n’ont pas pour but d’effrayer ou de pousser à l’inaction, mais au contraire à le faire avec le plus de précautions possible.


- Solidarité révolutionnaire
Pierleone Porcu – « Solidarietà rivoluzionaria », publié dans la revue Anarchismo, n°72, mai 1993

Il y a de nombreuses manières de manifester de la solidarité envers des
compagnons criminalisés par l’État, chacune d’entre elles est une expression
directe de la manière dont on intervient dans le conflit social en général.

Il y a ceux qui voient la solidarité comme un service social prêté à tel ou tel
compagnon arrêté, et ils font des choses telles que : chercher des avocats, envoyer de l’argent et des vêtements, rendre visite, etc. Cette solidarité purement humanitaire se traduit aussi par la constitution de comités de défense et leurs campagnes dont le but est d’influencer l’opinion publique.

Et puis il y a ceux qui voient la solidarité dans un sens strictement politique et qui jouent à faire un tas de « distinctions » dont le but est de ne pas compromettre l’image de leur propre activité. Donc pour des raisons opportunistes, ils défendent et font preuve de solidarité envers ceux qui se déclarent innocents, pas envers ceux qui revendiquent leurs actions.

D’autres encore, s’ils voient qu’il y a quelque chose à gagner en termes de
propagande politique, sortent immédiatement des tracts et des brochures en
solidarité formelle avec le ou les compagnons arrêtés, c’est-à-dire, ils se déclarent solidaires en mots, tandis qu’en pratique il n’y en a pas la moindre trace.

Et puis il y a la solidarité dans un contexte idéologique. C’est le cas des marxistes-léninistes dans leur version du parti révolutionnaire combattant. Ils expriment leur solidarité avec ceux qui ont des positions semblables aux leurs, et sont en opposition avec ceux qui ne partagent pas ou ne reconnaissent pas leur ligne politique ou leur stratégie, utilisant souvent la censure et l’ostracisme contre ceux qu’ils considèrent gênants.

Qu’est-ce que nous pensons que solidarité révolutionnaire veut dire alors ?

Le premier aspect est celui de voir la solidarité comme le prolongement de la
pratique sociale insurrectionnelle que l’on mène déjà au sein du conflit de classe, c’est-à-dire, comme une démonstration directe d’actions d’attaque contre toutes les structures du pouvoir, grandes et petites, qui sont présentes sur son propre territoire. Et ceci parce que celles-ci devraient toujours être tenues pour
responsables de tout ce qui arrive dans la réalité sociale, y compris, par
conséquent, la criminalisation et l’arrestation de compagnons où qu’ils soient.
Réduire la question de la répression contre des compagnons à quelque chose de
strictement lié à l’appareil policier et judiciaire serait un manque de vue à long
terme. La criminalisation et l’arrestation de compagnons doivent être vu dans le contexte de la lutte sociale dans son ensemble, précisément parce que celles-ci
sont toujours les moyens matériels hâtifs utilisés par l’État pour décourager
partout la radicalisation. Peut importe sa grandeur ou son insignifiance, tout acte de répression fait partie des rapports de la lutte sociale en cours contre les structures de la domination.

Le deuxième aspect est que tout les compagnons révolutionnaires devraient être
défendus par principe, peu importent les accusations portées contre eux par
l’appareil légal et policier de l’État, tout d’abord parce qu’il est question de les arracher à leurs griffes, c’est-à-dire, aux conditions d’« otage » auxquelles ils ont été réduits. En outre, il est aussi question de ne pas perdre l’occasion d’intensifier l’attaque contre la « loi » qui se veut l’expression régulatrice de touts les rapports de pouvoir présents dans la société constituée.

Le troisième aspect concerne le refus d’accepter la logique de défense qui est
inhérente à la loi constitutionnelle, comme par exemple le problème de l’« 
innocence » ou de la « culpabilité » des compagnons impliqués, et cela parce que
nous avons beaucoup de bonnes raisons de les défendre et personne ne peut
justifier l’opportunisme politique de ne pas le faire. Nous ne pouvons pas et nous
ne devons pas nous considérer comme des avocats, mais comme des anarchistes
révolutionnaires en guerre sur tous les fronts contre l’ordre social constitué. Nous cherchons à détruire radicalement ce dernier de haut en bas, le juger, comme il le fait avec nous, ne nous intéresse pas. Pour cette raison, nous considérons toute sentence dictée par les vautours de l’État contre des prolétaires révoltés, et d’autant plus s’il s’agit de compagnons, comme une sentence dictée contre nous et qui doit, comme telle, être vengée par tous les moyens que nous considérons opportuns, en accord avec notre tempérament et nos goûts personnels.

Le quatrième et dernier aspect concerne notre attitude à l’égard des compagnons
arrêtés, envers qui nous continuons à nous comporter comme à l’égard de ceux
qui ne sont pas en prison. Ce qui veut dire que nous associons toujours, dans
chacun des cas, une critique radicale à la solidarité révolutionnaire. Nous pouvons montrer notre solidarité envers des compagnons, et nous le faisons, sans pour autant épouser leurs idées. Ceux qui montrent leur solidarité envers des
compagnons ne sont pas nécessairement mêlés à leurs opinions et points de vue,
et la même chose vaut pour nous en ce qui les concerne. Nous soutenons
activement tous les compagnons emprisonnés en tout, mais seulement dans la
mesure où ce que nous faisons pour eux n’entre pas en opposition avec ou ne
contredit pas notre manière d’être révolutionnaire insurrectionnaliste. Notre
relation est exclusivement celle entre révolutionnaires sociaux en révolte, pas
celle d’un marchandage de positions. Nous ne sacrifions aucune part de nous-
mêmes, tout comme nous n’en attendons pas moins des autres.

Nous considérons la solidarité comme une façon d’être complices, comme une
manière de prendre un plaisir réciproque et nullement comme un devoir, un
sacrifice pour la « bonne et sacrée cause », parce que c’est notre propre cause,
c’est-à-dire, nous-mêmes.

En partant de ces principes, de première importance dans le développement de
notre action anarchiste insurrectionnaliste, la solidarité révolutionnaire prend du sens en tant que telle, parce que nous montrerions un simple soutien matériel à
n’importe quel ami qui se retrouve en prison.

La solidarité révolutionnaire fait partie intégrante de notre être en tant
qu’anarchistes insurrectionnels. C’est dans cette dimension qu’elle devrait être
manifestée sans cesse, précisément parce que cela contribue à élargir ce que nous faisons déjà.

[Traduction française : La Cavale, n° 11, janvier 2008.]

La solidarité, c’est l’attaque !

Contact : leveloetlefeu@@@riseup.net



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