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Autour de la « catastrophe » Katrina à la Nouvelle-Orléans De sa gestion par l’Etat, et de l’organisation collective et autonome pour la survie...

mis en ligne le 29 mai 2007 - Collectif

Avertissement

Cette brochure n’est qu’une toute première version d’une compilation de textes plus complète qui verra le jour petit à petit, au fil des traductions et des rencontres...

Il s’agissait de réunir analyses & témoignages en provenance de la Nouvelle-Orléans directement après le passage de l’ouragan Katrina — fin août et début septembre 2005 — et de sa dimension « catastrophique ».

Catastrophe humaine, catastrophe sociale... Catastrophe où le plus grand nombre se retrouve - semble-t-il - complètement paumé. Où de grandes difficultés à s’organiser pour l’immédiate survie se font sentir. Et où aller s’entasser dans le SuperDôme - gracieusement mis à disposition par les autorités - devient l’unique solution.

Quelques-uns cependant, tenteront de s’organiser par eux-mêmes, à trois ou quatre amis, ou bien à plusieurs dizaines, pour assurer récupération de denrées alimentaires et d’eau potable. Certains refuseront d’être parqués par l’armée et préféreront, les armes à la main parfois, s’organiser pour fuir la zone sinistrée.

Seulement, l’Etat capitaliste par son infinie nécessité de contrôler les flux - de marchandises et de travailleurs -, imposera une répression féroce à celles et ceux qui pratiqueront l’auto-organisation. Le premier objectif sera de protéger la marchandise avec autorisation de tuer les pillards. Ensuite, il s’agira de gérer les flux de populations et empêcher physiquement ceux qui veulent fuir par leurs propres moyens. Le tout dans un black-out médiatique digne de l’Irak. (cf. le texte « Des journalistes victimes de violences policières après le passage de Katrina » qui ne figure pas dans ce recueil pour pleurnicher sur le sort des pauvres journaleux, mais plutôt dans la perspective de rendre compte de ce qu’impose une opération de pacification urbaine). On ne saura sans doute jamais combien il y a eu de morts par balle pendant ces quelques jours...

Quelques textes, donc, autour de la « catastrophe » Katrina, de sa gestion par l’Etat, et de l’organisation collective et autonome pour la survie...

hobolo, mai 2007


« 300 soldats de la garde nationale viennent juste de rentrer d’Irak. Ils ont une certaine expérience des combats. Ils rétabliront l’ordre dans les rues. Ils ont des M-16 prêts à tirer. Ces troupes savent comment tirer et tuer et elles sont plus que jamais prêtes à le faire. »
La gouverneure de Louisiane, Kathleen Blanco, septembre 2005.

Bywater evacuée par les armes

La ville entière de la Nouvelle Orléans a reçu l’ordre d’évacuer. Je viens de parler à mon ami Daniel à Bywater (9e arrondissement). Il dit que des véhicules de police (cadillacs) circulent dans le quartier avec des membres de l’équipe SWAT [1] armés avec des « grosses mitrailleuses » annonçant sur les hauts parleurs aux gens qu’ils doivent évacuer la ville maintenant.

On demande aux gens de ce quartier d’aller à la grande piscine au coin de Lesseps et St Claude pour que le pont aérien puisse les transporter hors de la ville. Les gens ne peuvent partir par leurs propres moyens s’ils veulent. On parle d’hélicoptères de toutes sortes partout - de vieux hélicoptères de l’armée avec des fusils aux hélicoptères de la Croix Rouge - qui volent près des quartiers, juste au-dessus des maisons. Notamment un qui a volé assez près pour que le bardeau du toit s’envole. On commence à voir la Garde nationale marchant dans les rues avec des fusils pour s’assurer que les gens suivent les ordres. Daniel a voulu rentrer dans la maison d’un voisin pour sauver son chien enfermé à l’intérieur, mais on lui a autorisé uniquement s’il avait les clés. S’il essaye de casser la porte, il sera fusillé immédiatement. Il a également dit que le Dr Bob, un artiste de Bywater, a été battu par le NOPD [New Orleans Police Department] qui pensait que c’était un pilleur - ils l’ont battu sévèrement et pris ses armes. On nous chasse hors de notre ville, sans un mot sur l’éventualité et le moment où nous pourrons y retourner. Nous nous demandons ce qu’ils feront quand les gens seront morts de faim. Les "disparitions" de personnes est un fait certain. [...]

Comme je l’ai expliqué plus haut, mon ami Daniel Finnigan qui habite également dans le quartier de Bywater, 9e arrondissement, de la N.O. a finalement pu m’appeler hier. Lui et un groupe d’amis étaient en train d’habiter l’étage le plus haut du bâtiment où il habite, gardant la propriété avec des armes [...]

Daniel dit qu’en 6 jours ils n’ont pas vu ou reçu d’aide. En 6 jours ils ont vu un policier - qui a parcouru rapidement le quartier en voiture de police à 40 miles l’heure. Il a dit que pendant les premiers 2 jours avec les inondations, les services de la Faune/Flore et de la Pêche sauvaient des personnes de l’arrondissement inondé, à quelques minutes de ma maison et sa maison par bateau - et qu’ils ont tout simplement déposé les gens sur la partie sèche, sans nourriture ou eau ou endroit où aller. Il a dit qu’après 2 jours les bateaux ont tout simplement arrêté de venir. Il ne savait pas pourquoi jusqu’à ce que je lui explique la situation avec la Garde nationale, et qu’on a demandé aux secouristes-bateaux d’arrêter de venir en aide aux gens. Les personnes enfermées dans la ville ne savent pas qu’il y a des fournitures juste en dehors de la ville et qui sont renvoyées. La seule raison pour laquelle ils ont de la nourriture est qu’ils ont réussi à mettre ensemble tout ce qu’ils ont pu des appartements des amis, etc., mais encore une fois, personne n’est venu les aider et leur apporter de la nourriture. A part les gens laissés isolés dans le quartier, celui-ci a été complètement abandonné par les autorités officielles.

Voici quelques infos qui font mal au cœur. Il n’y a qu’une station de radio que les gens peuvent recevoir dans la ville. Daniel a dit que les gens enfermés dans leur sous-sol ont appelé à la station en disant où ils sont et demandant que quelqu’un vienne les chercher. Mais personne ne vient. Ceux qui ne sont pas encore morts sont en train de mourir. Daniel estime qu’il y a facilement quelques 40 000 à 50 000 personnes mortes dans leurs maisons dans le quartier. Je ne peux pas imaginer écouter ceci à la radio, sachant qu’on ne va pas répondre aux supplications de ces gens. Ils ont tout simplement été laissés pour mort.

Daniel a parlé de récits de personnes marchant dans les rues avec des fusils, prenant ce qu’ils peuvent par désespoir, bien qu’il dit que la situation s’est largement calmée. C’est pourquoi il est assis sur son balcon avec un AK-47 - si quelqu’un lui demande de l’eau il leur en donnera, mais si on lui pointe un fusil, il devra tirer. Il n’accuse pas ces personnes pour ces actions - encore une fois, ils sont désespérés et abandonnés. Maintenant, comme avec d’autres que nous avons pu contacter à la N.O., les gens ont peur de quitter leurs maisons à cause de la Garde nationale, qui a la permission de tirer sur n’importe qui.

Daniel a parlé de beaucoup d’autres détails, mais j’ai pas le temps pour eux pour le moment. Juste dire qu’il confirme des récits que nous avons reçu sur le fait que les fournitures n’arrivent pas. Apparemment une aide commence à arriver dans la ville, mais pas jusqu’aux quartiers pauvres.

OK, je dois y aller maintenant - nous devons nous mettre en route vers la N.O. On s’arrêtera à Baton Rouge où on retrouvera Daniel (ils ont trouvé une voiture pour sortir de la ville) et on verra la situation à ce moment-là. Il semble de plus en plus qu’on ne pourra pas rentrer dans la ville sans risquer de se faire tuer. Alors on se regroupera à Baton Rouge et commenceront les efforts d’aide avec les réfugiés qui y sont déjà et les autres personnes transportées par voie aérienne hors de la N.O. Si on pense que c’est possible, on essayera quand même d’entrer dans la ville de N.O., mais on ne peut se mettre en danger d’être tués, car à ce moment-là on ne pourra plus aider personne.

[...]

RÉPANDEZ LA PAROLE SUR CE QUI SE PASSE.

POURQUOI NOTRE GOUVERNEMENT A-T-IL DÉLIBEREMENT AFFAMÉ LES PAUVRES DE LA NOUVELLE ORLEANS ?

POURQUOI NOUS POUSSENT-ILS HORS DE NOTRE VILLE ET ONT-ILS L’INTENTION DE NOUS LA RENDRE ?

NOUS DEVONS POSER DES QUESTIONS ET RECEVOIR DES RÉPONSES. EST-CE QUE LES RÉFUGIÉS RECEVRONT DE LA NOURRITURE ET DE L’EAU MAINTENANT ? QU’EST-CE QUI EST PRÉVU POUR LES GENS QUI ONT RÉUSSI A RESTER VIVANTS ?

LE GOUVERNEMENT DES ÉTATS-UNIS S’EST EMPARÉ DE LA NOUVELLE ORLÉANS. ATTENTION, CECI POURRAIT ARRIVER A UN QUARTIER PRÈS DE CHEZ VOUS.

Quelques autres points que j’aimerais faire au nom de l’organisation C3 à la N.O. :

 pas d’implication de Halliburton, Kellog, Brown and Root ou autre contractant pour lesquels des représentants élus ont un intérêt financier, comme le sale Dick Cheney [??]
 remise complète de logements à prix abordable pour tous les résidents de la N.O. en l’état au 29 août 2005 à minuit.
 auditions sur tous les aspects de ce désastre, y compris le sabotage de plans pour les digues de catégorie 5, la réparation des digues existantes, le budget de tous les projets de drainage pour la ville construits par le Corps d’Ingénieurs
 arrêter d’enlever les résidents aux revenus bas du logement social, liste complète de la situation de tous les résidents déplacés du HLM St Thomas et tous les autres HLM
 enquête complète des subsides publiques pour les constructeurs immobiliers, y compris Press Kabacoff et Canazzaro et comment ces subsides prennent de l’argent des fonds qui pourraient être utilisés pour les services sociaux pour les pauvres, malades, vieux et défavorisés
 enquête complète du rôle de ceux qui s’occupe de la "sécurisation" de la ville, notamment pour ce qui est des saisies de propriétés et d’armes, et pour les incendies, meutres, et autres crimes...
 exige que du point de vue des urgences dans la ville, le gouvernement se conduise de façon transparente et sera responsable de ses actions. Des auditions sur les propositions de comment ça pourrait être accompli seront tenues et les meilleures idées traduites en législation par le Conseil de la ville… et s’il ne les passe pas, ces idées seront des questions pour les prochaines élections. NON, ces élections ne seront PAS annulées. Ce désastre DOIT être sur l’agenda pour le changement.

Avec peine et un cœur brisé -
Andrea Garland. Le 09 septembre 2005.


L’ouragan Katrina - notre expérience

Deux jours après que l’ouragan Katrina ait frappé la Nouvelle-Orléans, le magasin de Wallgreen à l’intersection des rues Royal et Iberville resta fermé à clé. Le section des produits laitiers était visible depuis les vitrines. Cela faisait 48 heures sans électricité et sans eau courante. Le lait, les yoghourts et les fromages étaient en train de pourrir sous une chaleur de quarante degrés celsius. Les propriétaires et les gérants avaient enfermé la nourriture, l’eau, les couches et les ordonnances et ont fui la ville. Devant les vitrines de Wallgreen, la faim et la soif des résidants et des touristes grandissaient.

L’aide promise par les gouvernements fédéral, étatique et local ne s’est jamais matérialisée et les vitrines de Walgreen ont été défoncées par les pillards. Il y avait une alternative. Les flics auraient pu casser une petite vitrine afin de distribuer les cacahuètes, les jus de fruits et l’eau en bouteille d’une manière organisée et systématique. Mais ils ne l’ont pas fait. Au lieu de ça, ils ont passé des heures à jouer au chat et à la souris, chassant momentanément les pillards.

Nous suspectons les médias d’être inondés d’images héroïques des gardes nationaux, des soldats et des policiers luttant pour aider les "victimes" de l’ouragan. Ce que vous ne verrez pas, ce dont nous avons été témoins, c’est que les héros et les héroïnes du véritable effort pour résoudre les problèmes de l’ouragan ont été : la classe ouvrière de la Nouvelle Orléans. Les ouvriers du bâtiment qui utilisèrent un fenoique pour transporter des malades et des handicapés. Les ingénieurs qui démarrèrent et entretinrent des générateurs. Les électriciens qui ont improvisé des cordons d’extension à travers des quartiers pour partager le peu d’énergie disponible afin de libérer des voitures coincées sur les toits des parkings. Les infirmières qui ont pris en charge des ventilateurs mécaniques et qui ont passé des heures à forcer manuellement de l’air dans les poumons des patients sans conscience pour les garder vivants.
Les grooms qui sauvèrent des gens coincés dans les ascenseurs. Les ouvriers des raffineries qui sont rentrés dans les entrepôts des bateaux, "volant" ceux-ci pour sauver leurs voisins agrippés aux toits dans les eaux de l’inondation. Les mécaniciens qui aidèrent à démarrer toutes les voitures trouvables pour qu’elles acheminent des gens en dehors de la ville. Et les ouvriers de restauration qui récupérèrent tout ce qu’ils pouvaient pour improviser des repas communaux pour des centaines des personnes abandonnées. La majorité de ces ouvriers avait perdu leurs maisons et n’avait pas eu de nouvelles de leurs familles, mais ils restèrent et ils donnèrent la seule infrastructure pour les 20% de la ville qui n’était pas submergée par les eaux.

Le jour 2, nous étions approximativement 500 à être restés dans les hôtels du quartier français. Nous étions un mélange de touristes étrangers, de participants aux conférences (comme nous deux) et de natifs de la ville en quête de sécurité à chercher refuge dans les hôtels.
Certains d’entre nous avaient un contact par téléphone portable avec de la famille et des amis en dehors de la Nouvelle-Orléans. Ils nous ont dit encore et encore que toutes sortes de ressources comme la Garde nationale et comme plusieurs vingtaines d’autocars arrivaient en ville. Les autocars et les autres ressources devaient être invisibles car personne d’entre nous ne les a jamais vues.

Nous avons décidé de nous sauver nous-mêmes. Alors nous avons mis en commun notre argent et avons réservé 25 000 $ pour faire venir dix autocars qui nous sortiraient de la ville. Ceux qui n’avaient pas les 45 $ nécessaires pour le billet étaient subventionnés par ceux qui avaient plus d’argent. Nous avons attendu 48 heures pour les autocars, en passant les dernières douze heures dehors, partageant le peu d’eau, de nourriture et de vêtements à notre disposition. Nous avons créé une zone d’embarquement prioritaire pour les malades, les vieux et les nouveaux-nés. Nous attendîmes jusque tard dans la nuit l’arrivée imminente des autocars. Ils ne sont jamais arrivés. Plus tard nous avons appris qu’à la minute où ils arrivèrent aux limites de la ville, ils furent réquisitionnés par l’armée.

Le jour 4, nos hôtels n’avaient plus ni pétrole ni eau. L’hygiène était dangereusement abyssale. Tandis que la frustration et le désespoir montaient, la criminalité et le niveau d’eau montaient aussi. Les hôtels nous ont expulsé et ont fermé leurs portes, nous disant que les "autorités" avaient demandé que nous rejoignions le Centre de convention pour y attendre les autocars. Lorsque nous entrâmes dans le Centre, nous avons enfin rencontré la Garde nationale. Les gardes nous ont dit que nous ne serions pas autorisés à entrer dans le Superdome puisque l’abri principal de la ville s’est dégradé pour devenir un enfer humanitaire et sanitaire.

Les gardes nous ont dit aussi que le seul autre abri de la ville, le Centre de convention, était aussi en train de devenir le chaos et que c’était interdit aux policiers de laisser entrer n’importe qui de nouveau. Naturellement, nous avons demandé : "Si nous ne pouvons pas aller aux deux seuls abris de la ville, quelle est notre alternative ?" Les gardes nous ont dit que c’était notre problème et qu’ils n’avaient pas d’eau à nous donner. Ceci était la première de nos nombreuses rencontres avec les "forces de l’ordre" ineptes et hostiles.

Nous avons marché jusqu’au commissariat à Harrah sur Canal Street et là nous avons entendu la même chose, que nous devrions nous débrouiller par nous-mêmes et qu’ils n’avaient pas d’eau à nous donner. Notre groupe comptait maintenant plusieurs centaines de personnes. Nous avons tenu une assemblée générale pour décider quelle action poursuivre. Nous nous sommes mis d’accord pour faire du camping devant le commissariat. Nous serions exposé aux médias et cela constituerait une humiliation visible pour les autorités de la ville. La police nous a dit que nous ne pouvions pas rester. Tout de même nous avons commencé à nous installer et à faire un camp. Bien tôt, le commissaire a traversé la rue pour s’adresser à notre groupe. Il nous a dit qu’il avait une solution : nous devrions marcher vers l’autoroute Pontchartrain et traverser le grand pont de la Nouvelle-Orléans où les policiers avaient de nombreux autocars nous attendant pour nous faire sortir de la ville. La foule a applaudi et a commencé à s’animer. Nous avons rappelé tout le monde et avons expliqué au commissaire qu’il circulait beaucoup de fausses informations. Est-ce qu’il était sûr que des autocars nous attendaient ? Le commissaire s’est tourné vers la foule et a déclaré avec passion : "Je vous jure que les autocars sont là."

Nous nous sommes organisés et nous étions 200 à marcher vers le pont avec beaucoup d’excitation et d’espoir. Pendant qu’on passait le Centre de convention, plusieurs natifs de la ville ont vu notre groupe déterminé et optimiste et ils ont demandé où on allait. Nous leur avons répété les nouvelles fantastiques. Des familles ont immédiatement pris leur peu de possessions et nous ont rejoints. La taille de notre groupe a doublé, puis elle a doublé encore. Nous avions avec nous des bébés dans des poussettes, des gens appuyés sur des béquilles, des vieux et d’autres en sièges roulants. Nous avons marché les 4-6 km jusqu’à l’autoroute et nous avons monté la pente raide qui nous menait au pont. Il pleuvait maintenant mais la pluie ne mouillait pas notre enthousiasme.

Quand nous sommes arrivés près du pont, les policiers armés ont formé une ligne à travers les pieds du pont. Avant que nous les ayons approchés assez pour leur parler, ils ont commencé à tirer avec leur armes au-dessus de nos têtes. Ceci a fait fuir la foule dans tous les sens. Tandis que la foule s’éparpillait, quelques-uns d’entre nous se sont approchés d’eux pour les engager à discuter. Nous leur avons répété notre conversation avec le commissaire. Les policiers nous ont informé qu’aucun autocar n’attendait. Le commissaire nous a menti pour nous faire bouger. Nous avons demandé pourquoi nous ne pouvions pas traverser le pont quand même, surtout étant donné qu’il y avait peu de circulation sur l’autoroute à six voies. Ils ont répondu que le West Bank n’allait pas devenir la Nouvelle-Orléans et qu’il n’y aurait pas de Superdomes dans leur ville. C’était un code pour dire que si vous êtes pauvres et noirs, vous ne traverserez pas le fleuve du Mississippi et vous ne vous échapperez pas de la Nouvelle-Orléans.

Notre petit groupe a reculé jusqu’à l’autoroute 90 pour se protéger de la pluie sous l’autoroute. Après avoir débattu des alternatives, nous avons décidé de construire un camping au centre de l’autoroute Ponchartrain, sur les bords du milieu, entre les sorties O’Keefe et Tchoupitoulas. Notre logique était qu’ainsi nous serions visible de tout le monde, que nous aurions de la sécurité en étant sur une autoroute surélevée et que nous pourrions attendre et regarder pour l’arrivée des autocars. Toute la journée, nous avons vu d’autres familles, individus et groupes qui faisaient le même trajet sur la pente dans un effort pour traverser le pont et se faisaient toujours repousser. Certains étaient chassés par le feu des munitions, d’autres ont entendu simplement "non", et il y en avait d’autres qui se faisaient agresser verbalement et humilier. Des milliers de gens de la Nouvelle-Orléans ont été empêchés et interdits d’évacuer eux-mêmes de la ville à pied.

Entretemps, les deux seuls abris de la ville continuaient à se dégrader. Le seul moyen de traverser le pont était en véhicule. Nous avons vu des ouvriers voler des camions, des autobus, des camions de déménagement et n’importe quelles voitures pouvant être démarrées sans clés. Les véhicules étaient tous remplis de personnes essayant d’échapper de la misère qu’est devenue la Nouvelle-Orléans.

Notre petit camping a commencé à fleurir. Quelqu’un a volé un camion de livraison d’eau et il nous l’ont amené. Qu’on applaudisse tous les pillards ! A peu près 2 km plus loin sur l’autoroute, un camion de l’armée en tournant a perdu quelques cartons d’approvisionnement. Nous avons amené la bouffe à notre camping dans des caddies de supermarché. Maintenant s’étant assuré les deux nécessités, nourriture et eau, coopération, communauté et créativité ont fleuri. Nous avons organisé un nettoyage et avons pendu des sacs poubelle depuis des pôles autoroutières. Nous avons fait des lits avec des palettes en bois et des cartons. Nous avons désigné un caniveau pour en faire des toilettes et les enfants ont construit un enclos avec du plastique, des parapluies cassés et d’autres débris pour les rendre intimes. Nous avons même organisé un système de recyclage de la nourriture où les personnes pouvaient échanger des morceaux de leur approvisionnement (de la compote de pomme pour les bébés et des bonbons pour les enfants !) Ceci était un déroulement qu’on voyait se répéter sans cesse après Katrina. Quand des individus devaient lutter pour trouver de l’eau et de la nourriture, cela signifiait que chacun vivait pour soi. Il fallait faire tout ce qui était nécessaire pour trouver de l’eau pour vos enfants et de la nourriture pour vos parents. Quand ces besoins fondamentaux étaient satisfaits, les gens commençaient à prendre soin des autres, à travailler ensemble et à construire une communauté. Si les organisations de secours avaient ravitaillé la ville avec de l’eau et de la nourriture dans les premiers deux ou trois jours, le désespoir, la frustration et la dégradation n’auraient pas fait main basse sur la ville. Nos besoins fondamentaux comblés, nous avons offert de l’eau et de la nourriture aux familles et aux individus qui nous croisaient. Beaucoup ont décidé de rester et de se joindre à nous. Notre camp s’est agrandi de 80 ou 90 personnes.

Une femme avec une radio à piles nous a appris que les médias parlaient de nous. Exposés ainsi sur l’autoroute, chaque organisation de secours et d’information nous avaient vus en rentrant dans la ville. Ils demandaient aux autorités ce qu’elles allaient faire avec toutes ces familles qui vivaient là-haut sur l’autoroute. Les autorités ont répondu qu’ils allaient s’occuper de nous. Certains d’entre nous commençaient à avoir peur. "S’occuper de nous" avait un ton de mauvais augure. Malheureusement, cette crainte était justifiée. Au crépuscule, un policier de Gretna est arrivé, a pointé son flingue sur nos têtes et a hurlé : "Descendez de la putain d’autoroute." Un hélicoptère descendait et utilisait le vent qu’il créait pour faire s’envoler nos abris maigres. Pendant qu’on battait en retraite, le policier a rempli son camion avec notre nourriture et notre eau. Une fois encore, sous la menace du pistolet, nous fumes forcés de sortir de l’autoroute. Toutes les agences des forces de l’ordre semblaient menacées lorsque nous nous assemblions dans des groupes de 20 ou plus. Dans chaque assemblée de "victimes", ils voyaient des "émeutiers." Nous nous sommes sentis sécurisés en étant nombreux. Notre désir de "rester tous ensemble" était impossible car les pouvoirs nous forçaient à nous atomiser dans de petits groupes.

On s’était éparpillé encore dans le pandémonium de notre camping envahi et détruit. Réduit à un petit groupe de huit, dans le noir, nous avons cherché un abri dans un autobus scolaire abandonné, sous l’autoroute sur Cilo Street. Nous nous cachions des éléments criminels mais également et définitivement nous nous cachions des policiers avec leur loi martiale, leur couvre-feu, et leur procédure de "tirer-pour-tuer". Les jours suivants, notre groupe réduit à 8 personnes, qui marchait pratiquement toute la journée, a pris contact avec les pompiers de la Nouvelle-Orléans et a été sauve par un hélicoptère d’une équipe de sauvetage urbain. Ils nous ont laissés près de l’aéroport et on a réussi à s’y faire amener par la Garde nationale. Les 2 gardes étaient désolés pour la réponse bornée des gardes de Louisiane. Ils ont expliqué que la majorité de leur unité était en Irak et que cela réduisait trop leur nombre pour accomplir tout le travail assigné. Nous sommes arrivés à l’aéroport le jour où une grosse opération d’évacuation par les airs démarrait. L’aéroport était devenu un nouveau Superdome. Nous étions 8 pressés de toutes parts par une foule d’hommes tandis que les vols furent suspendus pour plusieurs heures afin que George Bush puisse atteindre l’aéroport et se faire photographier. Après avoir été évacués par un avion des gardes-côtes, nous sommes arrivés à San Antonio, Texas.

Là-bas continuaient l’humiliation et la déshumanisation de l’effort officiel des secours. Ils nous ont mis dans des cars et nous ont conduits dans un grand champ où ils nous ont faits nous asseoir des heures et des heures. Certains autocars n’avaient pas de climatisation. Dans le noir, on était des centaines à être obligés de partager deux toilettes portables qui débordaient. Ceux qui ont réussi à sortir de la ville avec des bagages (souvent quelques trucs dans les sacs plastiques déchirés) étaient assujettis à deux fouilles différentes avec des chiens. La plupart d’entre nous n’avait pas mangé de toute la journée car nos approvisionnements ont été confisqués à l’aéroport parce qu’ils déclenchaient les détecteurs de métaux. Pourtant, aucune nourriture n’a été prévue pour les hommes, femmes, enfants, gens âgés et handicapés tandis qu’ils restèrent assis des heures en attendant d’être vus par un médecin qui confirmera qu’on ne transportait pas des maladies communicables.

Cette réception officielle faisait un énorme contraste avec la réception chaleureuse et sincère que les Texans ordinaires nous avaient offerte. Nous avons vu qu’une employée d’une compagnie aérienne a donné ses chaussures à quelqu’un qui allait pieds nus. Les étrangers dans la rue nous ont offert de l’argent et des articles de toilettes avec des mots de bienvenue. Durant toute la catastrophe, l’effort de secours officiel était insensible, incompétent et raciste. Il y avait plus de souffrance qu’il n’en fallait. Des vies perdues sans nécessité...

Larry Bradshaw, Lorrie Beth Slonsky
Version originale : « Trapped in New Orleans », publiée le 6 septembre 2005 sur le site http://www.counterpunch.org


Mercenaires de Blackwater déployés à la Nouvelle Orléans

Des mercenaires de l’entreprise de sécurité Blackwater Security ont été vus et interviewés dans les rues du centre de la Nouvelles Orléans aujourd’hui, gardant la rue Bourbon et les immeubles de banques au centre-ville. Blackwater est connue pour sa participation à l’occupation de l’Irak et son rôle dans la privatisation de la guerre.

Le correspondant de Democracy Now ! (« Démocratie maintenant ! ») Jeremy Scahill a enquêté. Amy Goodman s’est entretenu avec lui...

AMY GOODMAN : Blackwater. Aujourd’hui nous allons partir de ça avec le correspondant de Democracy Now !, Jeremy Scahill. Nous avons voyagé à travers la Nouvelle Orléans ensemble. Jeremy, vous avez écrit un récit ce week-end qui s’appelle « Matraquage : Les mercenaires de Blackwater se déploient à la Nouvelle Orléans ».

JEREMY SCAHILL : C’est vrai, Amy. Et les mercenaires de Blackwater ont été très connus internationalement il y a quelques années lorsque quatre de leurs hommes ont été tués à Fallujah, en Irak. Deux d’entre eux ont été immolés et ont été pendus d’un pont. Ce qui a eu comme conséquence des représailles massives contre Fallujah conduisant à des dizaines de milliers de gens forcés de quitter la ville et des dizaines de personnes tuées, et maintenant Fallujah est un symbole international de la résistance, ce qui remonte à ces tueries des quatre hommes de Blackwater.

Eh bien, lorsque je me promenais dans les rues du quartier français avec Daniela Crespo, nous avons parlé à deux policiers de la ville de New York lorsqu’un véhicule banalisé s’est approché, et il y avait trois hommes très armés habillés en uniforme kaki, et ils ont demandé aux policiers de New York, « Est-ce que vous savez où sont les mecs de Blackwater » ? Et mes oreilles immédiatement été attentives parce que, bien sûr, ayant été correspondant pour l’Irak pendant longtemps, je connais bien les mercenaires de Blackwater. Et le policier de NY a dit « Eh bien, ils sont là-bas. Il y en a beaucoup ». Et puis j’ai dit au policier de NY, « Blackwater ? Vous voulez dire, comme les mecs en Irak ? » Et il a dit, « Ouais, ils sont partout. »

Et alors, nous les avons pistés, retrouvés dans une rue, et nous les avons abordés et avons commencé à parler avec eux. Deux des mecs à qui nous avons parlé avaient servi avec l’équipe de sécurité de L. Paul Bremer, le conseiller américain en Irak au début, le chef de l’occupation, ainsi que l’Ambassadeur américain, l’ancien Ambassadeur des E.U. en Irak, John Negroponte. Un des mecs était revenu d’Irak il y a deux semaines. Ce sont parmi les tueurs professionnels les plus formés au monde. Et ils venaient de servir en Irak dans un certain nombre de villes, occupant un certain nombre de fonctions.

L’un d’eux portait un badge doré, qui l’identifiait comme faisant partie des services d’ordre de la Louisiane, et en fait, l’un des mercenaires de Blackwater nous a dit qu’il avait été envoyé par la gouverneure de Louisiane, et ce qui est intéressant c’est que le gouvernement fédéral et le Département de la sécurité intérieure ont nié avoir contacté des firmes de sécurité privées, disant qu’ils les forces gouvernementales sont suffisantes. Eh bien, ces hommes de Blackwater à qui on a parlé nous ont dit qu’ils étaient sous contrat avec le Département de la sécurité intérieure et même avec la gouverneure de Louisiane. Et ils disent qu’ils dorment dans des camps organisés par le Département de la sécurité intérieure.

L’un des mecs de Blackwater a dit que lorsqu’il a entendu Nouvelle Orléans, il a demandé « C’est dans quel pays ? ». Et il se vantait, devant moi, d’avoir conduit en l’Irak ce qu’il appelle un BMW anti-explosion niveau 5 pourvue par le Département d’état. Ceci, pendant que les soldats états-uniens n’ont même pas de réelles protections sur leurs Humvees et autres véhicules. Et donc, nous avons également entendu un des mecs de Blackwater qui parlait — on peut le supposer — à un collègue, se plaignant du fait qu’on ne lui payait que 350 dollars par jour en plus de son indemnité journalière de subsistance, et que d’autres firmes payaient beaucoup plus. Et nous voyons beaucoup de ces mercenaires de Blackwater et d’autres agents de sécurités privées dans les rues de la Nouvelle Orléans.

Et ce qui est signifiant ici, c’est la façon dont c’est rapporté. La façon dont l’entreprise présente la chose est qu’ils sont ici pour aider les efforts de secours suite à l’ouragan, mais ils nous ont dit clairement qu’ils étaient occupés à, et je cite, « arrêter les criminels » et qu’ils sont en fait en train de patrouiller les rues. D’ailleurs, nous les avons vus prendre un bâtiment sur la rue de Bourban lorsque nous étions en train de nous promener avec eux. Et maintenant ils se sont installés là-bas, rue Bourban dans le quartier français. Alors c’est très, très troublant, je pense, pour quiconque connaît la réputation de Blackwater. Bien sûr, ils ne se posent pas de question. Ils tirent d’abord, et c’est leur réputation en Irak. Et donc, les Américains doivent se demander maintenant ce que ce genre de tueurs formés font dans les rues de la Nouvelle Orléans, apparemment sous contrat avec le Département de sécurité intérieure.

AMY GOODMAN : Et Jeremy, nous avons fait un tour, vu d’autres personnes, on ne savait pas pour qui ils travaillaient, comme ceux devant la banque d’Hibernia. Lorsque nous conduisions et que John Hamilton filmait, ils nous ont fait signe d’arrêter. Ils ont dit : « Arrêtez de filmer ». Et on a dit, « Pourquoi ? ». Et ils ont dit, « On a dit tout simplement, ’arrêtez de filmer’. » Ils ont dit « Ce sont nos rues », et indiqué que sous leurs chemises de sport, il y avait des fusils.

JEREMY SCAHILL : Oui, c’est vrai. Et ils ont aussi prétendu qu’ils avaient été envoyés. Et un autre point clé est que ces mecs de Blackwater ont dit qu’on leur a donné la permission de tuer et de procéder à des arrestations. Et lorsqu’on leur a posé des questions sur cette utilisation aux États-Unis, ils ont dit qu’ils croyaient que ce n’était qu’un début, que c’est une vraie tendance. Alors, je pense que c’est un développement très troublant que nous voyons ici dans les rues de la Nouvelle Orléans, Amy.

12 septembre 2005.
http://www.democracynow.org/article...


Des journalistes victimes de violences policières à La Nouvelle-Orléans après le passage de Katrina

Reporters Sans Frontières est préoccupée par les violences subies par des journalistes venus couvrir les conséquences de l’ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans. Le 1er septembre, plusieurs agressions ont été commises contre des reporters et photographes, révélant un climat d’insécurité généralisé.

« Nous comprenons que les forces de l’ordre soient débordées et nous sommes conscients de l’extrême tension et des conditions de travail difficiles auxquelles elles font face dans les régions sinistrées par Katrina. Cependant, il est très inquiétant que cela se traduise par des violences contre des journalistes. Nous considérons en effet qu’une couverture médiatique libre et sans entrave d’une situation aussi grave est essentielle », a déclaré Reporters sans frontières.

Tim Harper et le photographe Lucas Oleniuk, du quotidien canadien Toronto Star, ont été victimes de violences policières alors qu’il couvraient un affrontement entre les forces de l’ordre et des pillards. Ils ont été menacés d’une arme à plusieurs reprises par des policiers qui, lorsqu’ils ont réalisé que Lucas Oleniuk les avait photographiés en train de frapper des voleurs, l’ont violemment jeté au sol et lui ont confisqué ses deux appareils-photo pour en retirer les cartes mémoires où se trouvaient près de 350 clichés. La carte de presse du journaliste lui a également été arrachée. Lorsque le photographe a réclamé ses images, les agents l’ont insulté et ont menacé de le frapper.

Dans un article du Toronto Star où il relate l’agression, Tim Harper affirme en parlant des policiers que, étant donné la situation à La Nouvelle-Orléans, « il ne fait aucun doute qu’ils voient les journalistes comme une entrave à leurs efforts pour regagner le contrôle de la ville ».

Par ailleurs, Gordon Russell, du quotidien Times-Picayune, a été interpellé par des policiers alors qu’il couvrait un échange de tirs entre ces derniers et des habitants près du Centre des congrès (Convention Center), où les sinistrés attendaient leur évacuation. Les agents de police ont jeté à terre tout l’équipement du journaliste. Pour échapper à ces violences, celui-ci a été contraint de se cacher et aurait quitté la ville le jour même.

RSF. États-Unis. 6 septembre 2005


C’est le moment ? C’est le Moment ? *

Le potentiel de la crise de la côte du Golfe du Mexique :
points de discussion et d’intervention.

Nous avons écrit ce texte parce que nous pensons que le niveau de discussion concernant les retombées de l’ouragan Katrina a besoin d’aller au-delà de la rhétorique d’acclamations ou de condamnations des pilleurs, d’acclamations ou de condamnations des autorités, ou simplement de pleurer les victimes. « Mon Dieu, je ne crois pas que cela arrive », ou « Je l’avais dit », ou « Les gens meurent ! » nous font tourner en rond. Nous voulons que les États-Unis (et peut-être le monde) se lance dans l’inconnu - l’effondrement de l’ordre social - et qu’il continue à se battre pour une société auto-gestionnaire.

En voulant ceci, nous encourageons à extraire et à défendre publiquement les activités libératoires des 6derniers jours et à approfondir cette rupture sociale en refusant de la confiner au Golfe du Mexique. Notre idée sur la façon de le faire : mettre en place des formes concrètes de solidarité qui ne sont pas focalisées sur la défense, mais sur l’attaque.

ACTUELLEMENT, LE SYSTÈME EST EXTRÈMEMENT VULNÉRABLE

Nous sommes en train de vivre une des plus grandes perturbations de l’économie capitaliste et l’ordre social depuis peut-être les rébellions urbaines de Los Angeles qui ont secoué le pays en 1992.

Les autorités sont démoralisées : Un tiers de la police de la Nouvelle Orléans a déserté et le reste opère avec des véhicules, du carburant, des armes et des communications limités, les membres de l’armée s’interrogent de façon ouverte sur leurs interventions à la fois à la N.O. et en Irak, le maire de la N.O. s’est effondré en pleurs publiquement...

La foi et la confiance en les autorités fédérales et d’état s’évaporent au fur et à mesure que les aides et ressources de sauvetage sont bizarrement absentes ou ailleurs. Pendant ce temps, le monde regarde les personnes affamées au journal télévisé. L’armée bloque physiquement les citoyens ordinaires qui essayent d’apporter de l’aide par voiture à la N.O. La côte de popularité de Bush est plus basse que jamais. Sa rhétorique de « mort aux pilleurs » sème la confusion parmi la plupart des gens qui ont, ces dernier jours, commencé à sympathiser avec les pilleurs (voir prochain point). Le dégoût du gouvernement, et peut-être même de l’idée de gouvernement, croît.

Les actes illégaux sont de plus en plus défendus, appréciés. Beaucoup d’Américains ordinaires sont en train de casser leur routine légaliste en justifiant le pillage. Comme la définition du crime (et de la survie) se déplace, les agents du contrôle social commencent à faiblir.

Une seconde crise menace la stabilité du système : l’augmentation du prix de l’essence. Les gens demandent quand est-ce que cette augmentation va s’arrêter, qui est responsable, et pourquoi même payer ? Le vol d’essence a explosé et les manifestations de rue contre les augmentations grondent à travers le pays. Ceci crée une double crise et les gens se mobilisent avec le régime contre le mur. Sans parler de l’impasse militaire en Irak. Le système peut-il être surchargé jusqu’au point d’effondrement ? Comment pouvons-nous le mieux participer dans ces moments de crises ?

EN LOUISIANE ET AU MISSISSIPPI, DES GENS SE SONT RENDUS COMPTE DE LA VULNERABILITÉ DU SYSTèME ET SONT ACTIVEMENT EN TRAIN D’ATTAQUER CE DERNIER

Ils attaquent physiquement l’ordre social. Les histoires de fusillades, d’incendies volontaires et de pillages n’arrêtent pas de circuler : à la N.O., des attaques organisées et sporadiques sur les stations de police, des officiers et des unités de la Garde Nationale depuis le moment où l’ouragan a frappé (avant les inondations) et maintenant des incendies de bâtiments, dont beaucoup étaient intouchables aux yeux des pauvres ; et il y a le pillage (de façon notable, d’armes pour attaquer encore plus le système) sur une échelle beaucoup plus large que ce que le centre-sud de L.A. a vécu en 1992.

Ils sapent les relations sociales dominantes de la capitale. On constate un pillage de masse le long de la Côte du Golfe du Mexique, y compris avec des actions assez préméditées et des actions hors du chemin de l’ouragan. Chaque récit se lit comme une ambiance festive (ou nerveuse), à laquelle chaque secteur de la population participe : noirs, blancs, latinos, hommes, femmes, enfants, vieux, jeunes, et même des flics et touristes friqués. Les formes d’échange normales ont été abandonnées et on a parlé de grands marchés libres sur terrain neutre (le médian) dans quelques rues de la N.O. Et ce n’est pas qu’un « merde » à tous ceux qui profitent de leurs besoins, mais également l’idée rebelle que tout le monde a le droit de s’amuser - ce que certains appelleraient des « excès » : bière, télévision, etc.

L’effondrement se répand : on a parlé de pillages répandus à la N.O., à Baton Rouge, Lafayette, Biloxi, Gulfport, et Hattiesburg, et il y a maintenant des signes que Memphis et Houston devront bientôt faire face à des agitations de la part des réfugiés de la N.O.

SI MAINTENANT C’EST LE MOMENT, ALORS QUE FAIRE ? (POINTS A DISCUTER, MODIFIER ET, BIEN SÛR, SUR LESQUELS IL FAUT AGIR)

Les réfugiés viennent dans votre ville ? La différence la plus significative entre la révolte de L.A. et celle de la N.O., est que L.A. continue à exister. Jusqu’à présent nous avons vu que le pillage s’étend à des régions où les réfugiés sont envoyés, alors ceci semble être la façon la plus évidente d’élargir les attaques. Les gens qui se sont habitués pendant une semaine à ne rien payer (et aux fusillades avec la police) trouvent évidemment très difficile psychologiquement de rentrer dans un magasin et recommencer à payer (ou à obéir à la police) - n’importe quel petit voleur peut vous le dire. Ici à Saint Louis, les autorités ont décidé de placer des centaines de réfugiés dans une (pas si) vieille prison. Assez dit.

Cibler les agences responsables de la négligence envers les gens de la N.O. et du meurtre d’un certain nombre d’entre-eux : l’Armée du salut, la Croix Rouge, FEMA, toutes les sections de l’armée de états-Unis, etc. On commence à découvrir de plus en plus de collaborateurs - par exemple la « Outback Steakhouse », un restaurant, a apparemment donné à manger aux secouristes mais pas aux réfugiés en Louisiane centrale.

Être solidaire avec les « insurgés » de la N.O. C’est une vraie possibilité que la semaine prochaine nous voyions le gouvernement fédéral s’engager dans un conflit de type guérilla avec des citoyens voulant défendre leur ville. La solidarité peut être un soutien vocal ou matériel, et/ou une attaque sur notre propre terrain pour étendre les insurrections et affaiblir les forces de l’ordre. N’importe quelle révolte, aussi géniale/fantastique qu’elle soit, s’étouffera si elle ne s’étend pas. Leur lutte est notre lutte - refusons d’être divisé-e-s et d’être condamné-e-s par des camarades potentiels.

Faites attention à la version des médias officiels. Ne croyez pas les déclarations du gouvernement. Les récits de première main et même les rapports des médias capitalistes sur le terrain fournissent une histoire considérablement différente de la ligne officielle. Et ce sont ces histoires qui doivent remonter afin que nous ne soyons pas divisés en bons pilleurs et mauvais pilleurs, gangs armés et secouristes, chômeurs et travailleurs, etc.

Exploiter l’esprit spontané d’entraide mutuelle. Des personnes de l’extérieur ont proposé de l’aide pour les déplacés. Des sentiments d’entraide mutuelle doivent non seulement pénétrer les marchés pillés de la N.O. exsangue, mais aussi plus largement. Mais, comme d’habitude, l’aide est généralement destinée à des organisations paternalistes (la Croix Rouge et l’Armée du Salut - qui ont toutes deux abandonné les survivants), même si les propositions de logement ont l’air de contourner ces grandes organisations.

Quelques enfants, non voulus par le capital, de St. Louis. 3 septembre 2005.

* Ceci est le résultat de discussions entre camarades ici à Saint Louis pendant les 6 derniers jours concernant la situation juste à côté de chez nous - des discussions qui continueront sans doute. Nous voulons encourager des discussions à travers le pays sur les implications et le potentiel de la situation post-catastrophe en Amérique. C’est un texte écrit rapidement et qui, nous le reconnaissons, a des lacunes. Aidez-nous à les combler et à partager des discussions que vous avez eues avec des camarades dans votre ville, que ce soit à l’intérieur ou l’extérieur de la région du Golfe du Mexique.

http://neworleans.indymedia.org/new...

[1Special Weapons And Tactics, équivalent des RAID et GIGN français


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