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Récits grenoblois des luttes contre le CPE et son monde (février-avril 2006)

mis en ligne le 22 novembre 2007 - Collectif

Introduction

Ce recueil de textes est constitué quasi uniquement de récits écrits à chaud, à Grenoble, pendant ce qu’on a appelé le « mouvement anti-CPE ». De la toute première manif anti-CPE, le 7 février 2006, jusqu’à la fin du mouvement, avec notamment l’évacuation de la galerie des amphis (qui a été occupée pendant plus d’un mois, sur le campus universitaire de Saint-Martin-d’Hères), des récits de beaucoup de choses qui se sont passées sur Grenoble pendant ces deux mois et quelques de luttes sont proposés ici, dans l’ordre chronologique. Manif institutionnelle ou sauvage, action en petit groupe ou émeute massive, occupation de fac ou blocage de lycée, tout est raconté par des personnes qui ont participé activement à ces événements. Des personnes qui ont publié leurs récits sur le site Indymedia-Grenoble de manière anonyme, sans se prendre pour des porte-parole ou des leaders de quoi que ce soit.

Parmi les idées qui ont motivé la confection de ce recueil, il y a l’envie de participer à constituer l’histoire de ces luttes du printemps 2006, sans passer par les sociologues ou historiens extérieurs à ce qui s’est passé. Il y a aussi la volonté de mettre en avant un ensemble de témoignages qui montrent comment la lutte dans son ensemble a évolué, pour en tirer des enseignements critiques, pour savoir ce qu’on aimerait revivre ou non dans d’autres contextes à venir… Aussi parce que c’est rageant, à chaque départ de mouvement social, de tout reprendre à zéro.

Alors bien sûr, tous les textes parus pendant cette période sur Indymedia-Grenoble ne se trouvent pas dans la brochure, sinon il aurait fallu faire deux ou trois autres grosses brochures. Un choix subjectif a donc été effectué pour trier les textes et décider lesquels allaient être publiés… Choix parfois douloureux, toujours difficile. En tout cas, si vous voulez en savoir plus, les récits publiés ici sont généralement suivis de liens Internet vers d’autres récits des mêmes événements. La plupart des textes sont reproduits à l’identique, à part pour les erreurs de ponctuation et quelques corrections orthographiques (les rares coupures effectuées sont indiquées par des points de suspension entre parenthèses).

Mais… c’est possible de recontextualiser vite fait ?

Le CPE (Contrat Première Embauche) était un des éléments de la loi « pour l’égalité des chances », présentée par le premier ministre Dominique de Villepin en janvier 2006 en réponse directe aux émeutes d’octobre-novembre 2005 qui avaient embrasé les quartiers populaires de l’hexagone. Il constituait un contrat spécifique aux moins de 26 ans, avec possibilité pour les patrons de licencier sans aucune justification. Ce morceau de loi a donné lieu à un des plus beaux soulèvements qu’il y ait eu en France ces dernières années. Quelques mois à peine après les réjouissantes émeutes d’octobre-novembre 2005.

Si, au début du mois de février 2006, le mouvement contre le CPE a été lancé par des syndicats de manière somme toute assez classique, ses particularités (son ampleur et sa détermination à prendre les rues, etc.) semblent dues à un ensemble de paramètres favorables à la radicalisation de la lutte des classes.

Depuis l’énorme mouvement de grève de novembre-décembre 1995 contre le plan Juppé, pratiquement plus aucun « mouvement social » n’avait réussi à faire céder le gouvernement sur des projets de loi ou autres réformes imposées.

En 2005, le mouvement lycéen avait démontré un mécontentement assez répandu dans la jeunesse, suivi du « non » à la Constitution européenne (référendum de mai) et enfin, par la révolte généralisée des quartiers populaires (des banlieues, mais pas seulement) suite à la mort le 27 octobre 2005 à Clichy-sous-bois de Zyed Benna et Bouna Traoré (électrocutés dans un transformateur EDF après avoir été poursuivis par la police). Début 2006, lorsque Villepin a annoncé sa « loi sur l’égalité des chances », vaste blague proposant un tas de réformes pénibles pour les jeunes défavorisé-e-s, l’état d’urgence décrété pendant les émeutes venait à peine d’arriver à son terme.

Lors de la révolte d’octobre-novembre 2005, les manifestations de solidarité active ont été assez rares (hormis dans les quartiers mêmes où les émeutes avaient lieu), nombreux-euses sont celles et ceux qui ont été pris-es de court dans un moment qui a pourtant duré près d’un mois. La gauche de la « gauche » s’est contentée de manifester contre l’état d’urgence (parfois tout en critiquant l’attitude « regrettable » des émeutier-e-s…) pendant que la « gauche » tout court s’unissait aux forces de l’Etat pour défendre la République. Seuls quelques groupes révolutionnaires ont manifesté ici et là un soutien explicite aux émeutier-e-s, la solidarité la plus effective restant celle du voisinage proche, celle des habitant-e-s des cités. En bref, il y avait pour beaucoup de monde la frustration de n’avoir pas réussi à trouver sa place dans ces émeutes… Les manifestations contre le CPE sont alors apparues comme une séance de rattrapage pour les un-e-s (l’occasion de s’exprimer concrètement contre l’Etat et ses flics) et comme un recommencement sous des formes différentes pour les autres (une nouvelle occasion de s’exprimer concrètement contre l’Etat et ses flics…). Elles ont aussi été le moment de faire des jonctions entre des révoltes et des révolté-e-s qui habituellement se côtoient trop peu.

Médiatiquement, le « mouvement » contre le CPE a été décrit comme un mouvement étudiant avant tout, quand ce n’était pas uniquement. En réalité, si ce mouvement a bel et bien été porté notamment par les occupations d’universités, il était constitué de tas de gens aux statuts sociaux différents. S’il y avait surtout des « jeunes », on y trouvait aussi bien des étudiant-e-s que des lycéen-ne-s ou des jeunes déscolarisé-e-s, sans parler des chômeur-euse-s ou travailleur-euse-s qui se retrouvaient aussi au sein de ce mouvement, que ce soit en manif ou dans les occupations de facs.

Les quelques récits qui suivent évoquent des ressentis, des désirs et des frustrations qui ont été partagés par un bon nombre des participant-e-s au mouvement anti-CPE. Si ces sentiments sont très présents dans ces textes, ils restent exprimés à chaud, c’est-à-dire sans le recul parfois nécessaire à l’analyse critique, aux réflexions permettant de dépasser certains constats d’échec ou certaines limites. Pour des analyses critiques du « démocratisme » du mouvement (avec entre autres ce réflexe conditionné qui poussait à voter en assemblée générale presque toute initiative, en premier lieu l’occupation de la fac – qui est pourtant une prise de territoire censée être acquise par la lutte, par un rapport de forces), de la manière dont les occupations ont pu être tenues ou non, dont les manifs ont pu être vécues, de pourquoi le mouvement s’est écroulé si vite, etc., il peut être utile de lire certains textes plus poussés, et plutôt pas écrits non plus par des sociologues ou des historiens ou autres spécialistes qui se pointent une fois la bataille terminée. Poursuivez donc la lecture du recueil grenoblois que vous avez entre les mains par d’autres textes sur le printemps 2006 : une bibliographie se trouve en toute fin de brochure.

Zanzara athée
(Grenoble, début novembre 2007)


Chronologie du mouvement anti-CPE à Grenoble

Du 9 mars au 15 avril, la galerie des amphis de l’UPMF (Université Grenoble II) a été occupée.

Mardi 7 février : Première manif, plus de 10 000 personnes dans les rues.
Jeudi 9 février : Le gouvernement fait passer le CPE à l’Assemblée Nationale avec l’aide de l’article 49-3.
Mardi 14 février : Deuxième manifestation.
Mercredi 15 et jeudi 16 février : Blocages à l’Université Pierre Mendès-France.
Jeudi 16 février : Manif sauvage de 100 à 200 personnes.
Samedi 18 février : Coordination nationale étudiante contre le CPE à Rennes.
Jeudi 23 février : Assemblée Générale à l’université.
Samedi 25 février : Coordination nationale étudiante contre le CPE à Toulouse.
Mercredi 1er mars : Le CPE est adopté au Sénat.
Samedi 4 mars : Coordination nationale étudiante contre le CPE à Paris.
Mardi 7 mars : Plus de 15 000 personnes dans les rues. Le cortège officiel s’éteint au parc Hoche ; une manifestation sauvage continue place Verdun et dans les rues grenobloises. De joyeux débordements ont lieu partout en France pour cette deuxième journée nationale d’action contre le CPE.
Jeudi 9 mars : Manif et rassemblements devant la CCI, devant un McDonald’s et dans le World Trade Center. Début de l’occupation de la galerie des amphis de l’UPMF.
Samedi 11 mars : Coordination nationale étudiante à Poitiers. A Paris, la Sorbonne occupée est évacuée par la police, après une forte résistance.
Mardi 14 mars : Journée agitée (manif en ville et tensions sur le campus...). Le blocage de la fac est reconduit en assemblée générale jusqu’au 21 mars au moins.
Mercredi 15 mars : Différentes actions ont été menées (occupation d’une ANPE, défilé ironique d’esclaves...).
Jeudi 16 mars : Au moins 5 000 personnes dans les rues grenobloises.
Vendredi 17 mars : Quelques étudiant-e-s bloquent l’entrée de la préfecture vers 7h du matin. La réaction policière est immédiate et violente.
Samedi 18 mars : 20 000 à 35 000 personnes ont manifesté. En fin d’après-midi, la place de Verdun a été violemment évacuée par la police, qui a arrêté huit personnes.
Dimanche 19 mars : Coordination nationale étudiante à Dijon.
Lundi 20 mars : Manif et débrayage de lycées.
Mardi 21 mars : Sur le campus, une AG de presque 6 000 personnes vote la poursuite du blocage jusqu’à la prochaine AG, vendredi. Manif côté lycées.
Jeudi 23 mars : Manif de plus de 10 000 personnes. A la fin de la manif et pendant plus de 3 heures, le centre-ville est transformé en champ de bataille. Selon l’AFP : une trentaine de personnes arrêtées et plusieurs blessés dont quatre policiers.
Le Tribunal Administratif déclare la galerie des amphis de l’UPMF expulsable.
Samedi 25 mars : 13 manifestants ont été condamnés à des peines de prison avec sursis. Coordination nationale étudiante, à Aix-en-Provence.
Mardi 28 mars  : Cortège de 60 000 personnes (chiffres de la CGT), suivi d’une manif sauvage de plusieurs milliers de personnes et d’affrontements violents avec les forces de l’ordre jusqu’en début de soirée dans le centre-ville. Environ 200 personnes ont été interpellées, 58 ont été placées en garde-à-vue, plus d’une trentaine seront jugées.
Mercredi 29 mars : L’AG étudiante vote la poursuite du blocage des universités jusqu’au mercredi 5 avril.
Jeudi 30 mars : Le blocage prévu des rues de Grenoble s’est transformé en petite manifestation.
De 14h à plus de minuit a eu lieu la comparution immédiate de 12 personnes interpellées mardi. Bilan : TIG, amendes, plusieurs mois de prison avec sursis, un mois ferme...
Le conseil constitutionnel valide le CPE.
Vendredi 31 mars : Chirac promulgue la loi qui inclut le CPE. Manifestation spontanée le soir même de deux ou trois milliers de personnes.
Samedi 1er avril  : Coordination nationale étudiante à Villeneuve-d’Ascq / Lille.
Lundi 3 avril  : Manifs et blocages de voies de circulation à l’initiative de lycéen-ne-s en lutte, à Grenoble, Vizille et Voiron.
Mardi 4 avril  : Manif de 60 000 personnes selon la CGT, puis manif sauvage (rassemblant au moins 5 000 personnes au plus fort de son parcours) entre 13h et 19h30.
Mercredi 5 avril : L’AG étudiante vote à nouveau le blocage des universités grenobloises jusqu’au mercredi 12 avril.
Jeudi 6 avril : Blocages multiples en différents lieux sur la ville dès 7h, puis regroupement en manif sauvage jusqu’à 1 000 personnes environ, dispersée à coups de lacrymo vers 13h, rue Félix Poulat. Dans l’après-midi, des étudiant-e-s font une action dans un supermarché, non loin du campus.
Vendredi 7 avril : Manif contre la répression policière et judiciaire.
Samedi 8 avril  : Coordination nationale étudiante à Lyon.
Lundi 10 avril  : Jacques Chirac annonce le "remplacement" de l’article sur le CPE dans la loi sur "l’égalité des chances". Les principaux syndicats crient victoire.
Mardi 11 avril : 2 000 personnes manifestent contre la loi sur "l’égalité des chances" et pour la continuation de la lutte. Plus de 150 personnes occupent les locaux de la radio France Bleu Isère pendant près de 3 heures.
Mercredi 12 avril : L’AG étudiante vote le déblocage, par 2 500 voix contre 1 700.
Vendredi 14 avril : Durant l’après-midi, procès de personnes interpellées lors de la manif anti-CPE du 28 mars, au TGI de Grenoble. Dernière soirée à la galerie des amphis encore occupée…
Samedi 15 avril : La galerie des amphis est débloquée par ses occupant-e-s, qui en sortent "définitivement". Coordination unitaire (ex "nationale étudiante") à Nancy.
Mardi 18 avril : Des journalistes de France 3 se font sortir de l’assemblée générale de 200 personnes qui s’est tenue dans la galerie des amphis.
Samedi 22 avril : Coordination unitaire à Bordeaux.
Lundi 1er mai : Pendant la manif "traditionnelle" (2 000 à 3 000 personnes), un leader local de l’UNEF est entarté par des étudiant-e-s.



Récits des luttes « anti-CPE » à Grenoble

[Vous trouverez ci-dessous tous les récits publiés dans la brochure, ainsi que quelques autres qui au dernier moment n’ont pas été retenus dans la version papier, par manque de place.]


Mardi 7 février 2006

Répression de la manif anti CPE
écrit le 7 février 2006 à 21h18 par sale merdeuse

Grenoble serait-elle en passe de devenir la capitale des violences policières ? Le texte qui suit relate de façon succinte et subjective la manif de ce mardi 7 février.

Passons rapidement sur l’habituel défilé moutonnier qui a déambulé dans les rues de la ville. Parmi les nombreuses banderoles et pancartes, rien de bien exceptionnel, si ce n’est la présence d’une pancarte dissidente ("Ni CPE ni CDI, le travail c’est l’oppression, insurrection contre les patrons") et un entrain légèrement supérieur à la normale, probablement dû à la présence de nombreux lycéens. Quelques slogans beaufisants plus tard (du type "Sarko au cachot, Villepin au tapin" ou encore "Villepin on t’encule"), le joyeux cortège atteignait la place de Verdun, tradition oblige.

Autour de la voiture du syndicat Sud, un groupe de jeunes s’était formé de façon spontanée pour danser et brailler sur la musique diffusée par la sono du véhicule. Une proposition fût lancée d’envahir le parvis de la préfecture, et plusieurs dizaines de jeunes étudiants et lycéens se lancèrent à l’assaut de la façade pompeuse du bâtiment, fichant une trouille bleue aux trois pauvres flics postés devant l’entrée, qui n’avaient pas prévu le coup et s’empressèrent d’appeler des renforts.

La CGT et l’UNEF, en grands fossoyeurs de grèves, étaient bien dégoûtés de perdre leurs moutons et rappliquèrent illico avec sono et discours d’appel au calme. Ils furent chahutés par des personnes leur criant qu’il ne représentaient personne et qu’ils n’étaient que des récupérateurs. Leurs efforts pour faire rentrer les gens chez eux furent vains.

Les renforts de police arrivèrent nombreux et visiblement remontés, encerclant les gens présents sur le parking de la préfecture. La charge des CRS fut lancée et les coups de pieds et de matraques commencèrent à voler. La BAC multiplia les provocations (insultes racistes et sexistes, etc.) et procéda à au moins une arrestation pour le moins violente sous la protection de plusieurs flashballs.

N’étant pas resté plus longtemps, je ne sais pas comment s’est déroulée la suite, si ce n’est qu’une assemblée générale a été fixée demain mardi 8 février sur le campus à 12h, mais cette info est à vérifier. Il serait intéressant de ne pas laisser les syndicats gérer la colère qui nous envahit face à cette énième démonstration de la brutalité de la police. Nous ne laisserons pas les flics faire de Grenoble (et de toutes les villes et banlieues) des camps d’entraînements fascisants !

Organisons la riposte !

La répression policière à Grenoble, une fois de plus...
Le 8 février 2006 à 04h10 par Daedalus

Aujourd’hui, 7 Février 2006 j’ai la haine.
Je suis allé à une manif’ à Grenoble avec des amis pour dire non au CPE. Jusque là tout va bien.
Nous avons défilé dans les rues, de manière bon enfant, sans débordements. Jusque là tout va bien.
Le service d’ordre faisait son boulot et les manifestants se tenaient bien. Jusque là tout va bien.
On arrive à la fin de la manif’, devant la préfecture. Jusque là tout va bien.
Il y a de la musique, on chante, on danse, on s’amuse... Jusque là tout va bien.
Puis, pour manifester de façon symbolique notre désaccord, on se met debout sur une balustrade devant la préfecture. Jusque là tout va bien.
On continue de chanter et de scander des slogans libertaires. Je descends le drapeau français du mât. Jusque là tout va bien.
Je le remplace par un drapeau noir, le seul que je puisse supporter, un autre du PCF est hissé. Jusque là tout va bien.
L’ambiance est bonne, il n’y a pas d’accroches, ni de provocations nulle part. Jusque là tout va bien.

Puis la police investit la balustrade et se place derrière nous, matraque ou flashball au poing, casque bien enfoncé sur la tête. Ils tentent de nous faire sauter. Je ne bouge pas et j’incite les autres à rester. Je me mets debout sur le rebord, face à eux. Je pense qu’ils n’oseront pas nous charger en risquant que l’on se fracasse en bas devant tous les photographes et les milliers de manifestants. Ils restent sans bouger. On chante. (…) Peu à peu la balustrade est remplie de flics. Puis sur la place on voit arriver les cars de CRS. Certains partent. Je reste, j’irai jusqu’au bout. Les CRS cernent la place, se mettent en formation. La foule se disperse. On reste. Sommations. "Nous allons faire usage de la force". En effet. Dès l’ordre de charge donné, le flic qui était derrière moi me pousse du haut de la balustrade avec toute la force et la violence possible, je m’écrase au sol comme une merde. Les autres aussi. Ma cheville me fait mal. Les manifestants encore présents tentent d’amortir la chute des autres. Puis le troupeau de casques et boucliers avance vers nous, marchant sur ceux au sol, insultant à tout va, matraquant pour faire place nette. Mon tibia s’en rappelle encore. Ils nous repoussent, nous bloquant contre une haie. "Recule connard, allez dégage". Même si on avait voulu on aurait pas pu, la haie est infranchissable. Alors à coups de tonfa et de boucliers ils nous poussent dedans ou au-dessus. On est refoulés sur la route. Ils nous encerclent. On s’allonge sur le sol. On chante encore (les bisounours et autres). Puis ils reviennent et nous refoulent jusqu’au parc, nous encerclant, on ne peut même pas rentrer chez nous. Puis, arrivés dans le parc on a cru que c’était fini. Certains s’allument des clopes, discutent, etc. Je me pose sur un banc. Un CRS arrive vers moi. "Dégage allez" Je lui réponds avec infiniment plus de politesse que lui. "Qu’est ce que je fais de mal ? Je suis assis sur un banc !" Et là il me colle deux coups de poings dans la gueule. Je commence à m’énerver. Son chef le sermonne. J’exulte. "A la niche pauvre type". J’enchaîne. "T’aimes pas quand ton patron tire sur la laisse hein ?" Si nous avions été seuls il m’aurait tué avec joie. Peu à peu des divisions de CRS repartent. Je me mets à chanter "Hé ho, hé ho... On rentre du boulot..." Puis je prends plaisir à pousser un petit "Ce n’est qu’un au revoir..." Nous sommes maintenant au carrefour. Ils ne nous lâchent pas. Ils sont encore une cinquantaine à rester et nous sommes à peine vingt. Ils sont presque ridicules avec leurs casques à visière, leur boucliers en plexiglas, leurs matraques, leurs lacrymos... Puis, les chefs lancent une dernière charge sur plusieurs d’entre nous qui sont plaqués au sol. Les derniers manifestants s’évaporent dans la nature. J’ai pris un tram et je suis rentré en boitant.

Et là, ça va pas du tout...

Police partout, Justice nulle part.

Manif contre le CPE à quand l’unité ?!
écrit le 8 février 2006 à 12h32 par Cleo

Hier la manif contre le CPE réunissait entre 10 000 et 15 000 personnes à Grenoble (6 000 selon la police mais si on commence à croire la flicaille...).

Une joyeuse manif donc, premier pas vers une vraie mobilisation/riposte contre notre gouvernement de casse sociale !
Oui mais... entre la direction de l’Unef étudiants et une partie des électrons libres de Sud... dissidence et infos contradictoires, bien joué !

Y’en a vraiment ras le bol... On est plusieurs à essayer de bosser ensemble pour enfin mobiliser les étudiants (quitte à aller casser du flic après quand il faudra !) et là on se retrouve encore avec des vieilles oppositions à la con !
D’une part avec la direction (et pas les militants de base !) de l’Unef à fond logique d’appareil qui repousse l’AG du 7 au lendemain (alors que les gens sont mobilisés enfin) et d’autre part un certes fort sympathique étudiant (mais quand même) qui se met à gérer une manif tout seul alors qu’il fait lui même partie d’une orga (Sud en l’occurrence) !
Résultat ce matin (et les interv’ sur ce site en sont la preuve) des gens qui se questionnent sur quelle AG sur le campus... normal puisqu’il y en a deux (vive les boulettes !).

Enfin bon... quoi qu’il en soit, rendez-vous à 14h devant la BU droit lettres pour la seconde AG (spécial lèves tard !).
A quand une vraie riposte unitaire qui permettra ensuite de renverser les caciques des orgas, puis d’aller vers un "droit à la paresse" comme disait un certain Paul Lafargue...

Mais rappelons que construire un mouvement ça prend du temps et que ce n’est pas en la jouant chacun pour soit et 10 contre tous qu’on y arrivera !

Commentaire :

S’unir avec qui ? écrit le 9 février 2006 par white riot

Personnellement, je me fous bien de l’unité. 10 personnes résolues à agir seront toujours plus efficaces que la totalité des représentants syndicaux de France. Destot était dans la manif. L’UNEF et la CGT (entre autres) brisent les grèves depuis des décennies. S’unir pour abdiquer, non merci !


14 février 2006

Manif de mardi 14...
écrit le 15 février 2006 à 03h55 par tilia

J’écris un petit texte qui j’espère en intéressera certain-e-s concernant les évènements de mardi après-midi à Grenoble survenus lors de la manif anti-CPE.

Cette manif, où je suis avec la seule ambition de croiser quelques personnes voulant autre chose que la ridicule mascarade qu’elle est vouée à être, démarre à la gare.
Peu de gens comparé au mardi précédent car pas de présence de nos centrales syndicales adorées exceptés quelques gens de la CGT et FO.
Evidemment nos merveilleux syndicats étudiants sont là motivés motivés (l’horreur) pour scander des débilités dont ils n’auront jamais honte et qu’ils ne sont même pas capables de renouveler tout les 10 ans.
La manif avance jusqu’au lycée Champollion sans originalités particulières. Les concours de la musique la plus ignoble et du cortège le plus lobotomisé battent leur plein.
Les flics sont partout, nous sommes en sécurité, c’est la fête.
Une personne est tout de même là pour piquer le micro d’une des sonos et scander un slogan anti travail-exploitation, on n’ose pas trop la taper, ce qui lui laisse quelques instants pour mettre dans l’embarras les gérants de troupeau.
Je me demande si la manif va passer place Verdun devant la préfecture vu les évènements du mardi précédent et comme lorsque j’y suis passé le matin, j’ai vu les flics en train de bricoler un cordon sanitaire assez large devant le bâtiment, crainte de la grippe aviaire sans doute...
Sous estimant la profonde connerie des syndicats et apprenti-e-s dicta-trices-teurs, je pense qu’il est prévu d’y passer et que tout a été organisé pour que les débordements si regrettables et préjudiciables soient évités. Au lycée Champollion, des gens tentent une incursion dans l’établissement par une porte annexe, c’est là que les choses se révèlent plus clairement.
Le service d’ordre, des lycéens pour l’essentiel, panique, essaie de barrer l’accès à l’intérieur du lycée, certain-e-s qui ont réussi à entrer frappent une porte de métal pour faire du vacarme, plus de la déconne qu’une véritable volonté de mettre à sac cet établissement qui nous est si cher. Pas que des lycéen-ne-s, l’inénarrable Unef vient à la rescousse mais aussi les stalinien-ne-s du parti de la refondation communiste de France qui dans un appréciable excès de franchise me promettent ma future déportation. Inespéré...
La manif se fait plus tendue, on forme des cordons à droite, à gauche pour parquer le bétail. J’ai rarement vu cela à un tel degré.
Ces cordons sont plus des passoires que des murs puisque lorsqu’on avance rapidement en leur direction ils s’ouvrent devant vous sans même qu’on soit muni d’un sticker police ou d’un brassard de l’Unef (pardon j’ai inversé).
Nous arrivons sur une avenue allant place Verdun, plus fliqué-e-s que jamais mais par les services d’ordre.
La manif semble être destinée à aller au parc Mistral et à éviter la place Verdun, elle est orientée dans une rue sur la droite. Seulement, là, petit problème, des personnes excédées par l’ambiance affreuse qui règne se couchent devant une voiture sono, le défilé est bloqué.
Des gros bras de la CGT arrivent et tentent de casser la gueule aux gens qui refusent d’être interdits d’aller défiler où ils veulent, coups de poings, insultes et Manu Chao...
Des gens partent en direction de la place Verdun, j’en suis, derrière ça suit un peu.
Devant la préfecture, le comité d’accueil en bleu est là, fringant...
On se fait insulter par des manifestant-e-s dociles qui nous traitent de fouteurs de merde, de castagneurs de flics (armés comme ils sont c’est bien sûr nous qui allons leur casser la gueule...).
J’y vais parce que je me pense entièrement capable de ne pas donner de prétextes aux CRS de charger et parce que je vais dans la rue ou sur la place que je veux.
Une bonne partie de la manif va à Mistral après un bon quart d’heure (peut-être plus) d’immobilisation, pour une fabuleuse assemblée générale, j’ai cru comprendre. Au revoir.
Devant la préfecture, quelques centaines de gens se massent sur la partie centrale, la situation est plutôt calme. Ça grouille de RG déguisés en manifestants, en rien et de discrétion relative comme à l’accoutumée. Des manifestant-e-s s’approchent de la barrière, la circulation est en partie coupée.
En arrière, les hooligans de la Bac (brigade anti-criminalité, pour ceux qui ne connaîtraient pas encore) sont là, prêts pour la corrida rituelle. Les lycéen-ne-s naifs l’ignorent pour la plupart et narguent les CRS. Certains passent la barrière, ce qui entraîne une charge de ces derniers.
La situation n’évolue guère pendant une certain temps, quelques petites charges. Au centre de la place, ça discute, ça observe, ça picole dans les coins.
Quelques objets volent, sac de farine, terre (…).
La Bac court après les lanceu-ses-rs qui se font arrêter comme des terroristes, rugby et menottes. Mais on ne tabasse pas il y’a trop de gens qui regardent. C’est tout de même évidemment horrible, on se croirait à une ratonnade.
Certains se font embarquer, d’autres libérer grâce à l’aide de manifestant-e-s.
Les CRS et consorts évacuent la place quelques temps après. Je m’en vais accompagné bien que je n’aie aujourd’hui commis aucun autre crime que celui de m’être un peu servi de mon cerveau.
Les gens peuvent à nouveau circuler, rentrer du boulot en bagnole en passant par la place, c’est l’heure d’aller regarder la télé...

Manif anti-CPE : récupération et suivisme
écrit le 14 février 2006 à 22h54 par anonyme

Un cortège plus jeune que mardi dernier composé d’environ 2 500 personnes, avec en tête du cortège des étudiants et ensuite beaucoup de lycéens. Il n’y avait pratiquement pas de salariés et les plus âgés étaient presque tous encartés ou permanents syndicaux.

La manifestation était bien encadrée par un service d’ordre qui formait des chaînes humaines pour diriger les manifestants là où il fallait. Ce qui me choqua le plus n’était pas la face policière des services d’ordre et de la plupart des syndicats venus récupérer et étouffer le mouvement mais le suivisme et la soumission de la plupart des manifestants à ces services d’ordre et aux voitures sono.

Ainsi un mec dans une voiture dit "asseyez-vous" et tous de s’asseoir sagement puis "levez-vous" et tous se levèrent... Les étudiants/lycéens récitaient aussi des slogans assez bêtes qui sortaient d’un animateur près d’une voiture "budget voté, éducation sacrifiée", "machin, si tu savais ta réforme où on se la met"...

En passant devant le lycée Champollion, beaucoup d’élèves étaient encore en classe ou en examens. Certains essayèrent quand même de rentrer dans le lycée mais le SO était là pour éviter tout débordement... Les lycéens à l’intérieur ne sortirent même pas de leurs poulaillers (désolé mais le préfa dehors il me fait vraiment penser à ça). Et l’un des membres du SO (un vieux permanent syndical ?) de répliquer "ah oui ils sont en DS c’est important les examens". Bien sûr que c’est très important de perdre son temps et sa vie en DS pour plus tard avoir après un beau diplôme bac+x et finir facteur ou caissier en CPE.

On peut légitiment se poser la question du rôle des écoles dans cette attitude de soumission. Les dockers et les paysans n’ont pas passé des années à l’école ou à l’université... Les écoles forment des consommateurs (sur ce point, lire par exemple "Une société sans école" d’Ivan Illich, c’est très instructif) et des producteurs salariés. Il est donc très important de leur inculquer cette soumission (le contrat salarial est d’abord un contrat de subordination entre un salarié et un patron)... d’autant plus qu’avec le CPE et les réformes de demain, ils devront s’écraser et faire ce qu’on leur dira. Les profs, les flics et les services d’ordre préparent le terrain pour les patrons.

A la fin de la manifestation, les syndicats irresponsables (UNEF, CGT, UNL) cherchèrent à envoyer la manifestation vers une petite rue pour éviter la préfecture avant d’appeler à la dispersion : la voiture de la sono fut bloquée par quelques énervés, et la manifestation s’arrêta... Sans sono pour dire où aller, les manifestants étaient presque perdus. D’autant plus que le SO leur disait de ne pas aller vers la préfecture... Après une demi-heure à lutter contre leurs envies et leurs désirs, ils finirent par se retrouver devant la préfecture où quelques flics gardaient la préfecture pour éviter qu’on leur refasse la blague de la semaine dernière. Je suis parti ensuite car il ne se passait pas grand chose...

Lire aussi :
Service d’ordre et BAC : le mouvement anti-CPE cerné par la flicaille
écrit le 14 février 2006 à 19h16 par Zack


15 et 16 février 2006

Blocage de l’UPMF
écrit le 17 février 2006 à 15h57 par Militant Sudiste

Du mercredi au jeudi 16 février, les batiments de l’ARSH et du BSHM ont été bloqués par une cinquantaine d’étudiants (contrairement à ce que dit France 3 comme quoi on était 300).

Bref, la première journée il a plu et la seconde aussi !

Le premier jour on a bloqué les portes avec des barrières des travaux de la TAG, le second (l’université nous ayant supprimé les barrières) on a vidé les salles de TD de leurs chaises et tables pour les empiler (type barricade) dans les couloirs et devant les portes.

La mobilisation de la part des étudiants bloqués n’a pas été très forte mais tout ça nous a permis de montrer qu’il y’a un vrai problème dans cette putain de société !

L’arrêt du blocage a été voté en AG jeudi midi avec environ 100 étudiantEs.

L’université PMF à prévu de porté de plainte !

Bref, maintenant qu’on est dans la rue, on y reste, on amplifie ! Ça va chier !


Jeudi 16 février 2006

Manif sauvage
écrit le 18 février 2006 à 02h38 par anonyme

Un récit de la troisième manif anti-CPE est déjà dispo, en voilà un deuxième histoire de multiplier les points de vue :

Environ une centaine de personnes s’étaient réunies à la gare, profitant d’une accalmie météorologique bienvenue. Un rapide coup d’oeil sur la place prouve que les flics sont vraiment sur leurs gardes puisqu’on peut dénombrer au moins une dizaine de RG (pour 100 manifestants c’est beaucoup !).

Le mince cortège s’ébranle vers 14h30 pour rejoindre le cours Jean Jaurès. Les motards de la police, contrairement à d’habitude, n’ont pas le parcours de la manif scotché sur leur réservoir et improvisent le contrôle de la circulation. On n’est pas nombreux mais on dérange, c’est déjà ça.

On atteint le carrefour Vallier / Jaurès et un mégaphone à dreadlocks nous enjoint de le bloquer, ce qui ne se fera pas sans mal vu la taille du truc, le nombre de personnes et le sale caractère d’automobilistes pressés qui n’hésitent pas à accélérer au milieu des manifestants. On aperçoit au loin quelques CRS qui protègent l’entrée du MEDEF, puis une unité plus nombreuse se pointe pour nous faire dégager du carrefour. On dégage et les CRS nous encerclent plus ou moins en nous suivant, sympa de se joindre au cortège ! Une voiture de police, stationnant sur Vallier, est contrainte de reculer devant l’avancée des manifestants, contents de "faire reculer la police". Une voiture de police banalisée prend la tête du cortège, certains la doublent en courant pendant que d’autres la retiennent derrière en marchant à deux à l’heure. Marrant.

On continue sur Vallier. Au carrefour suivant les CRS nous attendent. On fait deux tours et demi de carrefour, ce qui les fait moyennement rire puisqu’ils nous empêchent d’en entamer un troisième, dommage, j’allais attraper le pompon et gagner un tour gratuit.

On passe ensuite devant l’ex flamme olympique, décidément très fréquentée par les uniformes en ce moment. A Chavant les CRS bourrent un peu. On poursuit jusque devant les locaux de l’UMP, volets clos, personne devant, mais 5/6 CRS rappliquent vite fait : c’est quand même le chef de l’UMP qui les a arrosés d’augmentations pour leur attitude irréprochable pendant les émeutes !

On continue jusque devant la mairie, encore une fois les CRS rappliquent en quatrième vitesse (enfin tout est relatif : pas facile de taper un sprint déguisé en robocop), on donne un bonjour symbolique à Michel D. qui ne doit pas être dans son bureau mais dans une énième réception de l’ambassadeur et on finit au parc Paul Mistral, ce qui rappelle de bons souvenirs à tout le monde (manifestants et CRS).

Bilan : on a bien ri de voir les flics à la ramasse, obligés de ne pas trop sortir les matraques sur les grands axes devant tant de témoins et de nous courir après à droite à gauche... A quand la prochaine manif sauvage ?

Lire aussi :
Manif illégale à Grenoble
écrit le 17 février 2006 à 15h47 par Militant Sudiste


Jeudi 23 février 2006

L’Assemblée Générale du 23 février
écrit le 23 février 2006 à 21h16 par étudiantE

Cette fois, les étudiant-e-s syndiqué-e-s et mobilisé-e-s avaient mis le paquet pour informer l’ensemble du campus et plus largement tou-te-s les jeunes grenoblois-es par rapports aux précédentes mobilisations !

* Distribution massive de tracts
* Collage d’affiches dans toutes les universités, mais aussi les lycées, les IUT, les abribus...
* Fléchage de l’itinéraire jusqu’à l’amphi
* Mise en place de grandes banderoles au terminus du tram et à l’entrée de Stendhal...

Le résultat est en demi-teinte... Au dernier moment, nous apprenons que l’amphi 1 de Stendhal, réservé de longue date pourtant, n’est pas disponible... Donc on se rabat sur l’amphi 3, d’une capacité nettement moindre (200 places au lieu de 400). Evidemment, l’amphi était rempli, pas seulement les bancs, mais aussi les marches, toute la rangée du fond, les bords, l’entrée, etc. 350 étudiant-e-s selon l’UNEF, à vue de nez je dirais environ 300 effectivement dans un amphi de 200 ! Malheureusement, certain-e-s sont parti-e-s ou même n’ont pas osé rentrer tellement l’amphi était plein !

Nous avons voté l’appel à la grève de l’université de Rennes, le soutien au étudiant-e-s de Staps. Une délégation de Grenoble se rendra au prochain comité de mobilisation à Toulouse. Les autres actions décidées lors de cette AG :

* Demande aux présidents des universités grenobloises d’annuler les cours le mardi 7 mars 2006 pour la manif
* Décision prise de bloquer tous les amphis où les cours n’auront pas été annulés
* Diffusion directe d’appels à la manifestation et renforcement de la campagne d’affichage
* Point info permanent CPE à l’Université Pierre Mendès France

Contrairement aux précédentes, cette Assemblée Générale s’est très bien déroulée, grâce à la limitation du temps de parole à 3 minutes par intervention.

Prochain rendez-vous :
MANIF DU 7 MARS A GRENOBLE
10 H place de la GARE


Mardi 7 mars 2006

Récit de la manif contre le CPE du 7 mars
écrit le 8 mars 2006 à 02h02 par Pommier

De 10h à 15h30, ça a bien bougé dans les rues de Grenoble ce mardi 7 mars !

"Tout est à nous, rien n’est à eux, tout ce qu’ils ont ils l’ont volé, ils l’ont volé ! Partage des richesses, partage du temps de travail, ou alors ça va péter, ça va péter !" crient les syndicalistes de tout poil, la bande à Unef, Unl et compagnie. Mais surtout, surtout, que ça ne pète pas. Que tout le monde reste bien en rang. Voilà ce que j’ai retenu de la première partie de la manif... Et ça n’est qu’une répétition des habituelles manifs encadrées (souvenez-vous du comportement de ces mêmes syndicalistes lors des manifs des 7 et 14 février).

De la gare jusqu’à l’étonnante fin de manif prévue par les UNEF, CGT et consorts, de 7 000 à 20 000 personnes (selon RMC) ont défilé dans le calme. Les lycéen-ne-s et les étudiant-e-s étaient devant, avec les salarié-e-s à la suite. Grosse présence de la CGT, comme d’hab’. J’ai constaté avec plaisir que tout un tas de jeunes (lycéen-ne-s, étudiant-e-s et autres) ont doublé la banderole de tête "unitaire" (intersyndicale) et ont marché en tête de manif pendant un moment, jusqu’à "l’arrivée" au jardin Hoche (pour nous faire oublier la préf’ bien sûr). Il y a eu un moment de flottement de plusieurs minutes, le temps que tout le monde comprenne que la manif était "officiellement" terminée, ce qui a eu le don de mettre en colère une grande majorité des lycéen-ne-s et étudiant-e-s.

Plusieurs milliers de personnes ont alors repris la rue, empruntant la rue Hoche en direction de la préfecture (en passant par la place de Metz). Une énergie collective se faisait sentir, et les quelques tentatives de barrages par des jeunes syndiqués de l’UNL (et FIDL) ont échoué lamentablement. Ces apprentis démocrates essayaient bien entendu d’empêcher les manifestant-e-s d’accéder à la place de Verdun, où quelques dizaines de flics armés protégeaient leur préfecture chérie (de nombreux cars de CRS se trouvaient notamment rue Haxo).

La place de Verdun s’est rapidement remplie de monde. Une bonne ambiance y régnait, même si beaucoup de monde se sentait désemparé, sans savoir que faire, maintenant que l’objectif de la préf’ était atteint.

Plusieurs dizaines de minutes plus tard, alors qu’une bonne partie des manifestant-e-s étaient reparti-e-s, le bruit a commencé à courir qu’une occupation de la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) allait être tentée. Retour vers la rue Hoche, donc : de 500 à 1 000 jeunes s’approchent de la CCI, mais des CRS bloquaient l’entrée, avec des renforts aux alentours. Le parking d’accès à la CCI était ouvert. Comme l’entrée principale était bloquée, certain-e-s ont tenté de s’engouffrer dans ce parking, pour pouvoir occuper la CCI. Mais le reste de la foule a trop tergiversé, et une poignée de CRS est intervenue à coups de matraques pour faire dégager les premier-e-s occupant-e-s. Quelques personnes sont dans un premier temps restées bloquées dans le parking, mais ont finalement réussi à s’échapper. En tout cas, l’occupation n’a pas pu avoir lieu, faute de mobilité coordonnée (l’intelligence collective spontanée, ça se travaille).

Les manifestant-e-s ont alors décidé de repartir en cortège et de bloquer les rues de Grenoble au fur et à mesure de leur avancée, stoppant parfois lors de croisements stratégiques... Un arrêt prolongé a été effectué place Hubert Dubedout et le pont de la porte de France fut bloqué. Peu de temps après, les CRS sont arrivés en nombre. Une tentative de percée vers la gare et Europole a échoué à ce moment là, les CRS réussissant à bloquer la rue Casimir Brenier au dernier moment. Les manifestant-e-s ont alors reflué vers le boulevard Gambetta, suivi-e-s de près par les CRS sur quelques dizaines de mètres.

La manif, devenue de plus en plus sauvage, s’est alors dirigée vers le centre-ville. Quelques poubelles sont déplacées, mais aucune n’est renversée ou posée en travers de la rue, d’après ce que j’ai vu.

Un flic en civil est pris à partie par quelques manifestant-e-s et éjecté de la manif sans heurts. Mais les civils sont assez nombreux, et se regroupent alors. Une espèce de tension règne toutefois des deux côtés...

Au fil de la manif, de nombreux-euses grenoblois-es (des travailleurs de chantier, des riverain-e-s, des passant-e-s) montrent ouvertement de la sympathie aux manifestant-e-s, ce qui redonne de l’énergie à tou-te-s, même si ce n’est pas ce qui manquait de toute façon.

Suivi-e-s par de nombreux fourgons de police, les manifestant-e-s s’engagent dans les rues piétonnes du centre-ville, et s’arrêtent plus loin devant le bureau grenoblois de l’UMP (le parti au pouvoir, pour celles et ceux qui ne suivent pas). Un CRS garde l’entrée. Une pomme vole en sa direction. Il se la serait prise sur la tête ("Mangez des pommes !" disait Chirac il y a plus de dix ans je crois). Un sit-in s’en est suivi, puis la dispersion de la manif n’a plus trop tardé. Il était environ 15h30, ça faisait plus de cinq heures que la manif avait commencé.

Bien sûr, le CPE tient toujours, "De Villepin n’a pas l’intention de fléchir" entendait-on sur RMC (tandis que France-Info était en grève) malgré les "plusieurs centaines de milliers de manifestants en France" (toujours selon RMC).
La lutte contre le CPE et son monde doit donc nécessairement s’intensifier pour en arriver à annuler ce projet (déjà voté par l’Assemblée Nationale et le Sénat, faut-il le rappeler ?). Et plus, si affinités...

"ou alors ça va péter, ça va péter !"
De la théorie à la pratique, il n’y a qu’un pas. N’attendons ni l’UNEF ni la CGT pour le franchir, ou nous risquons d’attendre longtemps ces beaux parleurs...

Ce mardi, la fac était entièrement bloquée ou presque. Cette nuit (du mardi ou mercredi), la galerie des amphis est occupée, tandis que le reste de la fac reste fermé. Que la grève continue !

Commentaire :

Le paternalisme du service d’ordre écrit le 8 mars 2006 par Jean-Pierre

J’étais à l’avant du cortège à son arrivée au parc Hoche, où les organisateurs/ices officiel-le-s de la manif voulaient la voir s’enterrer. Pas mal de frictions ont alors opposé des lycéen-ne-s aux services d’ordre qui tentaient, sans succès, de parquer tout le monde dans cette espèce de non-lieu à merguez qu’Hoche promettait d’être.

Le service d’ordre, glaçant de paternalisme, essayait d’encadrer tou-te-s ces jeunes un peu trop enthousiastes : "allez, les jeunes, faites pas les cons"... La situation était éloquente : des hommes de 40-50 ans tentent de calmer des personnes qui pourraient être leurs mômes. Merde alors. Même dans les manifs, encore et partout, il y a des gens qui se prennent pour des profs ou des pères.

Le pire, c’est qu’une poignée de jeunes-à-brassard-rouge jouaient eux aussi aux petits chefs trop tristes que tout ne rentre pas dans l’ordre. La raison invoquée ? "Il faut éviter d’envoyer au carton des jeunes lycéens inexpérimentés". Aïe aïe aïe, ce souci tyrannique de protéger les gens malgré eux... A ce que je sache, les faits ont donné tort à ce service d’ordre si préoccupé pour ses troupes : aucune arrestation, aucun-e blessé-e, tout au long d’une manif sauvage absolument pas encadrée, de peut-être deux ou trois heures...

Contre flics ou services d’ordre, reprenons les rues !!

Lire aussi :
Manif à Grenoble contre le CPE
écrit le 7 mars 2006 à 23h17 par Caro
et :
La manif du mardi 7 mars trépassa
écrit le 12 mars 2006 à 06h26 par Charly


Lundi 13 mars 2006

Occupation de la galerie des amphis
écrit le 13 mars 2006 à 09h40 par un autonome enragé

Libérer un espace public, le rendre autonome, libre de toute contrainte, travailler à l’émergence d’une zone libre, un espace ouvert où d’autres valeurs circulent, où l’on construit un autre monde.

Libérer un espace public, comme l’occupation de la galerie des amphis depuis jeudi soir dernier, c’est accepter de lâcher prise, de sortir du contrôle, de sortir des jeux de rôles et des statuts, c’est redevenir soi-même.

Libérer un espace public c’est l’investir, le rendre autre que son utilité première, ou le rendre plus proche de son utilité nouvelle, c’est oublier les murs, les portes, les limites.

Libérer un espace public c’est y construire cette île appelée utopie, c’est ne pas rester bloqué sur cette île mais créer des ponts avec l’extérieur, ce fameux espace ouvert ou open space, le rendre accessible, accueillant.

Libérer un espace public, c’est oublier durant quelques jours que si les murs sont blancs c’est à cause de notre manque d’imagination (Murs blanc, Peuple muet).

Certain(e)s ont souhaité construire une nouvelle police interne qui déciderait ce qui se ferait ou non, qui voterait ou non la peinture sur les murs, qui voterait ou non la charte d’occupation, qui continuerait de négocier avec le président de l’université sur les conditions d’occupation, qui souhaite occuper mais pas tout à fait, qui pense à hier et à demain, quand tout sera rentré dans l’ordre... qui pense au regard des autres "mais que vont-ils dire ?"

Alors, autonome enragé, j’exprime mon désaccord, car je crois que la révolution est ici et maintenant sans penser à quand tout sera.


Mardi 14 mars 2006

CPE et INPG : la misère "asyndicale"
écrit le 14 mars 2006 à 12h09 par Pierrot

Ces derniers jours, parcourir le campus du Sud au Nord offre un contraste politique saisissant.

Au sud et au centre du campus, les facs : banderoles contre le CPE, entrées bloquées, panneaux de pub détournés, occupation créative et autogérée de la galerie de l’UMPF, un journal de la grève : un bouillonnement politique !

Au nord, les écoles d’ingénieurs de l’INPG : là aussi, des banderoles, une effervescence... la lutte contre le CPE ? Hé non, les campagnes des listes BDE. Au programme : concours de paintball, sucreries, jeux débiles, slogans crétins. Là aussi, un journal gratuit : "le Brainstorminpg". Le "Grand Cercle" (Bureau des élèves de l’INPG) présente son programme pour les élections du CROUS. Accrochez-vous : "Nous voulons encore une fois défendre nos valeurs : l’apolitisme, l’asyndicalisme et la laïcité".

L’apolitisme, l’asyndicalisme... Il faut quand même peu réfléchir pour sortir des bêtises pareilles. Actuellement, personne n’est neutre. Quiconque ne prend pas position contre le CPE fait le jeu du gouvernement, c’est ainsi, c’est une loi politique incontournable. Alors réveillez-vous étudiant-e-s en école d’ingénieurs ! Vous aussi vous êtes concerné-e-s par le CPE ! Venez rencontrer les grévistes de la fac, venez visiter la galerie de l’UPMF, tisser des liens et des solidarités !

Non au cloisonnement du campus, non à l’autisme des écoles d’ingénieurs, vive la convergence des luttes !

Un mardi sur le campus en lutte
écrit le 15 mars 2006 à 02h44 par anonyme

Récit à plusieurs voix, excusez les échos et les éventuelles approximations :

Le campus est agité par une contestation anti-CPE qui ne cesse de s’accroître. Enfin, y’a de la vie sur le campus étendu de Grenoble (même si certaines parties du campus sont plus vivantes que d’autres...). Le point névralgique de ce fourmillement de réflexions, d’intensité et de luttes se situe dans la galerie des amphis, entièrement occupée depuis la semaine dernière.

Mardi 14 mars, dès, 10 heures, l’amphi Weil (plus grand amphi du campus avec environ 1 000 places) s’est trouvé trop étroit pour accueillir l’Assemblée Générale qui devait (ou non) reconduire le blocage de la fac et décider des modalités de la suite du mouvement contre la loi sur "l’égalité des chances". C’est donc sur la place, devant la Bibliothèque Universitaire des sciences que 3 000 à 4 000 étudiant-e-s ont voté pour la poursuite du blocage jusqu’à mardi prochain (à peu près 70% des voix "pour").

En début d’après-midi, plus de 2 000 personnes sont parties en manif (contre le CPE et plus). Dans le même temps, deux grévistes se faisaient péter la gueule sur le campus, par deux espèces de nazis équipés de gazeuses lacrymogènes (les deux grévistes sont à l’hôpital, mais où sont leurs agresseurs ?). Mis au courant de cette nouvelle, la plupart des manifestant-e-s retournent sur le campus...

Une certaine colère envahit nombre d’étudiant-e-s en grève, et nous apprenons qu’un rassemblement est prévu à Eve (sur le campus) CONTRE le blocage ! Une rumeur court que ceux-ci prévoient de débloquer par la force le campus, malgré la décision du matin prise en démocratie directe avec toutes les personnes présentes...

Des centaines de personnes se regroupent sur le campus pour accueillir des éventuels assaillants, qui ne vinrent jamais... En effet, ceux-ci se limitaient à une petite vingtaine de personnes rassemblées devant Eve et qui se contenteront finalement d’assister à Eve au pseudo-débat diffusé en direct sur TéléGrenoble depuis cet endroit fourre-tout.
Au moins, tout cela aura permis à de nombreuses-nombreux étudiant-e-s grévistes de se préparer à riposter en cas d’attaque anti-gréviste ! La plupart sont désormais prêt-e-s à cette éventualité.

Du côté d’Eve, les anti-grévistes se cachent à moitié et s’assoient sur les sièges réservés au public par TéléGrenoble. Illes essaient de s’accaparer toutes les places, mais ce n’est pas simple vu qu’illes sont peu nombreux-nombreuses. Illes y déroulent tout de même deux banderoles : "Non au blocage" et "Libérons nos facs", tandis que des bureaucrates de la fac et de partis moisis (dont un mec de droite et le chef local de l’UNEF, qui fait de la peine à entendre) prennent place autour du journaliste "modérateur" du "débat". Le tout ressemble à un débat merdique sur France 3 ou 2, enfin vous voyez le genre, c’est pas d’la politique, c’est de la langue de bois et du verbiage politicien...

Durant l’émission (diffusée en direct sur une chaîne que personne ne regarde, heureusement, hé hé), la banderole "Non aux blocages" est subtilisée. A côté de la banderole "Libérons nos facs" fleurissent des pancartes "Non au CPE et à son monde", "Ni CPE ni CDI, Autogestion" et "Le CPE résiste, nous aussi". La banderole des anti-grévistes se met à ressembler à une banderole de grévistes, puisqu’avec l’occupation des locaux nous libérons en effet la fac !
Quelques personnes (des grévistes uniquement) prennent la parole lorsque la parole est laissée au "public", mais bon, tout ça c’est pour la bonne image de débat démocratique...

Après la fin de l’émission, alors qu’une journaliste présente en direct les actualités locales, deux personnes plus ou moins masquées et cagoulées l’interrompent gentiment en s’asseyant autour d’elle, munies de la pancarte "Ni CPE ni CDI, Autogestion". L’une d’entre elles lui fait quelques bisous, et la journaliste enchaîne du CPE au hockey sur glace pour parler de l’équipe grenobloise, les "brûleurs". A ce moment là, l’autre saboteur d’émission prend le micro et annonce que c’est la mairie qu’il faut "brûler", ainsi que l’Etat...
Les journalistes sont sur le cul (assis-es, donc ça va) et l’un d’entre eux dit "bon, on va passer à la météo". L’incident est clos. TéléGrenoble semble presque content de l’interruption, qui lui fera peut-être un minimum de publicité, et vu que quasi personne regarde leurs émissions, illes en ont sûrement besoin !

Pendant ce temps, l’occupation de la galerie des amphis continue, plein d’étudiant-e-s et autres y passent, ne serait-ce que pour exprimer leur solidarité pour celles et ceux qui ne participent pas directement au blocage.

Depuis dimanche soir, des films sont diffusés en amphi 1 (zone autonome). Le docu "Alerte à Babylone" a été diffusé devant une vingtaine de personnes dimanche soir, l’excellent docu auto-produit des "Lascars du LEP électronique" (sur le mouvement lycéen/étudiant de 1986) a été diffusé lundi soir (avec 80 à 100 personnes dans la salle) et ce mardi soir, "Danger travail" a été vu par plus de 50 personnes. D’autres films passent aussi dans la journée et seront programmés ces prochains jours (notamment "Ni héros ni martyr" qui est passé dimanche et lundi soir, à télécharger sur http://grenoble.squat.net/videos/).

Mais c’est surtout pour rencontrer des gens et participer activement à la lutte contre le CPE et son monde qu’il faut passer à la galerie des amphis ! L’ambiance y est bonne, même si les réus incessantes sont parfois désemparantes...

Tout cela doit continuer et se radicaliser jusqu’au retrait du CPE, jusqu’à la chute de Villepin, Sarkozy, Chirac et consorts ! Et nous ne voulons pas non plus de Hollande, Royal ou qui que ce soit d’autre. Qu’ils s’en aillent tous ! Que se vayan todos ! comme disent les argentin-e-s rebelles !

Nous voulons l’autogestion généralisée et nous commençons à la mettre en pratique !
A bas l’Etat, à bas l’argent, à bas l’exploitation !
Vive les pratiques communistes anti-autoritaires !
Vive l’anarchie dans la bonne humeur !
(Si vous vous posez des questions, posez-vous en d’autres à travers des discussions et sur http://infokiosques.net/ et sur http://grenoble.indymedia.org/ par exemple, nous trouverons les réponses ensemble !)


Mercredi 15 mars 2006

Grenoble : les actions de mercredi
écrit le 16 mars 2006 à 00h45 par Raoul V.

Un petit topo rapide sur les actions menées ce mercredi 15 mars.

Alors que l’occupation de la galerie de amphis se poursuit, avec son lot de récupérations (organisons-nous pour remettre un peu de verve dans le mouvement !), il semble que le débat autour de la précarité en présence d’économistes, sociologues etc. ait eu pas mal de succès. Les caméras de France 3 étaient là. Chic alors.

Vers 14h a eu lieu l’occupation de l’ANPE. Des tracts ont été distribués. La police s’est pointée pour foutre tout le monde dehors. La distribution de tracts s’est poursuivie dans la rue.

Vers 16h, un cortège d’une cinquantaine de personnes a déambulé dans le centre-ville. La plupart étaient déguisées en "esclaves" (enchaînés, habillés de sacs poubelle, menés par des "maîtres" équipés de "fouets" leur gueulant dessus). La joyeuse troupe, théâtrale à souhait, entonnait des chants du type "nous les esclaves / nous sommes condamnés / au CPE / à la précarité". Beaucoup de passants ont souri, certains ont applaudi. En ralentissant le trafic du tram et des bagnoles, le cortège s’est dirigé vers la gare afin d’atteindre le fameux "World trade center". Un petit comité de policiers les ont empêché de passer "sous la gare". Le cortège s’est alors dirigé vers l’IUT 2, et a pénétré dans le bâtiment pour inviter les étudiants à rejoindre la manif de demain. Ensuite le carrefour de la place Dubedout a été bloqué quelques secondes. Il me semble que ça s’est terminé place Félix Poulat en brûlant un code du travail factice.

A 19h30 sur le campus, TéléGrignoble remettait le couvert pour un direct sur le CPE. Perturbations ou pas comme la veille ? J’y étais pas...

A suivre.


Jeudi 16 mars 2006

Manifestation du jeudi 16 mars
écrit le 16 mars 2006 à 18h44 par elvirolo

Après un blocage particulièrement efficace au lycée de Vizille un grand nombre de lycéens s’est rendu devant la gare de Grenoble aux alentours de dix heures afin de former un groupe indépendant et asyndical dans la manif.

Nous nous sommes d’emblée placés en tête de ce cortège plat et formaté, précédés de près par nos chers camarades de la CGT, dont le service d’ordre a tenté pendant un bon quart d’heure de nous déloger à coup de "Une manif, ça doit être organisé" (qu’il faut traduire par "Mais ?! Ma visibilité médiatique va en prendre un sacré coup ! Comment je vais faire si je ne passe pas au JT pour manipuler et instrumentaliser la lutte de lycéens et d’étudiants autonomes ?" ou encore par "La préfecture et l’État, dont je suis le bras droit, va me faire les gros yeux si je laisse ces nihilisto-révolutionnaires foutre la pagaille et m’empêcher de paralyser la lutte !"). Nous avons rapidement été rejoints par de nombreux nouveaux arrivants armés de vilaines bannières noires (en arborer une m’a ailleurs valu d’être traité de "bushiste" par une brave cégétiste) et certains camarades de SUD ou de la CNT-Vignoles. Quelques signes de la main aux RG plus tard, nous arrivions devant de la Préfecture (le terminus de toute manif-promenade cégétiste qui se respecte), où le mouvement s’est dissous.

La vue du symbole du pouvoir étatiste a suffi pour calmer les plus tendus de chez FO et la CGT : "Oui, nous avons été de bons élèves, nous n’avons rien à nous reprocher, nous gardons notre place bien au chaud au service du pouvoir", se sont-ils dit, en achevant de scander leurs mélodieux et inventifs slogans de lutte pour "plus de CDI"…

Commentaire :

Après la manif "officielle", ça a continué... écrit le 16 mars 2006 à 20h47 par anonyme

Il semble que ça ait continué après la préf’, plus de 200 personnes seraient parties en manif sauvage...

Illes auraient notamment occupé brièvement l’INPG, non loin de la gare, avant de traverser les voies de chemin de fer et de s’y faire accueillir par un bon paquet de flics. Une vingtaine de personnes se seraient alors trouvées séparées du reste de la manif et trois d’entre eux et elles auraient été arrêté-e-s par la BAC (pour port de masque à gaz, jet d’oeuf et je ne sais pas quoi pour la troisième personne).

La lutte continue, harcelons le pouvoir partout où il se trouve !

Ce serait chouette qu’un autre compte-rendu de la manif soit publié, notamment avec un récit plus précis du déroulement de la manif sauvage...

Manif sauvage cet après-midi
écrit le 16 mars 2006 à 21h35 par anonyme

Je suis arrivé à la préfecture vers midi pour soutenir les lycéens et les étudiants contre le CPE.

Une manif sauvage d’environ 200 personnes est partie de la préfecture vers 13h pour traverser Grenoble et exprimer notre rejet du CPE et de son monde. Les manifestants étaient assez hétéroclites, des syndicalistes de Sud et de la Cnt, des autonomes, des lycéens, des étudiants. Après avoir un peu marché et couru, nous sommes rentrés dans le collège/lycée Champo : la porte était ouverte. Nous avons salué les cuistos et traversé la cantine où des collégiens déjeunaient paisiblement. Ils étaient plutôt surpris et contents de ce changement dans la routine scolaire. Nous avons proposé à plusieurs de venir continuer à manifester avec nous : car ils sont aussi très concernés par le CPE... les portes étaient ouvertes mais ils risquaient d’avoir des heures de colle et/ou des renvois et ils n’osèrent pas transgresser ces interdits.

Nous avons ensuite couru sur les boulevards direction la gare ; malgré plusieurs tentatives, nous n’avons pas totalement réussi à bloquer les voies. Plusieurs camions de CRS se sont ramenés… et nous avons décidé d’aller ailleurs. Apparemment, il y a eu une interpellation à la gare mais je n’ai rien vu.

Nous avons entrepris d’aller exiger leur libération... passage devant l’IUT, certains savent qu’il y a des partiels à l’IUT donc on hésite à le bloquer. Finalement nous décidons de rentrer dans la cour de l’INPG : la porte est ouverte et les étudiants ingénieurs apparemment ne se sentent pas concernés par le CPE. Environ une centaine de personnes rentrent dans la cour, les autres restent dehors.

Ensuite départ direction porte de France, nous décidons de bloquer le carrefour. Les CRS de la gare rappliquent et la situation se tend doucement. Ils jouent de l’intimidation, mettent leurs casques, ils font joujou avec leurs matraques et leurs flashballs... mais ne chargent pas. Côté manifestants, on s’assoit tranquillement et une jeune fille fait des bisous à l’un des CRS : ses collègues ne sont pas contents mais comme le chef n’a rien dit ils ne peuvent rien faire. Bon, finalement, départ le long des quais, il règne un climat sympa, les meneurs ne mènent plus depuis quelques temps déjà et on décide collectivement et spontanément l’itinéraire de notre manifestation. Certains lycéens et étudiants sont surpris de ce fonctionnement "il n’y a pas de meneur" mais se prennent au jeu et apprécient d’avoir enfin un contrôle sur leurs actions.

Parcours dans les ruelles autour de place du trib’ puis place Notre dame... les gens sont plutôt très solidaires des manifestants. Direction hôtel de police pour libérer nos camarades interpellés. J’ai pas vu la fin...

En tous les cas, une manif sympa et spontanée qui m’a bien plu.

Récit des actions de jeudi
écrit le 17 mars 2006 à 02h15 par Mustapha K.

A priori, deux articles concernant les manifs de jeudi sur Grenoble ont déjà été publiés mais il restent vagues et assez incomplets. Voici une version un peu plus argumentée :

Dès le départ de la manif depuis la gare, en ce jeudi matin, une cinquantaine de personnes avaient pris la tête du cortège pour ne pas piétiner derrière les sonos des syndicats, leurs musiques criardes et insipides et... leur service d’ordre. Dès les premières centaines de mètres, le cortège "officiel" fut ralenti à de nombreuses reprises par ce service d’ordre afin de nettement séparer les gentils réformistes des méchants anarchistes (j’ai entendu à la radio que la CGT était venue prêter main forte aux étudiants et que des services d’ordre particulièrement zélés avaient été mis en place dans toute la France pour protéger les cortèges d’éventuels "casseurs"). En l’occurrence, c’est le service d’ordre qui a commencé à devenir brutal en repoussant violemment les gens qui essayaient de passer d’un côté et de l’autre du "cordon sanitaire" (c’est à dire qui voulaient simplement pouvoir se déplacer librement dans la rue, quoi). Très lentement, le cortège a atteint la préfecture (…).

J’allais m’assoupir, allongé sur le goudron de la place de Verdun, quand un appel à une manif sauvage a retenti. Nous sommes partis à environ 200 personnes (environ, hein, chui pas expert en comptage, pour ça y’a les caméras intelligentes de chez Blue Eye Video, rue Ampère). On a pénétré dans le lycée Champollion à l’heure du repas. La traversée du réfectoire a permis à certain de chiper un petit casse dalle pour la route. Puis on s’est dirigés vers la gare. Dommage que quelques syndicalistes mégaphonés nous aient rejoint pour quémander "un emploi stable pour tous". On a joué au chat avec la police en changeant de direction au dernier moment pour les semer un peu. Arrivés à la gare, comité d’accueil de robocops, mais peu nombreux. Les entrées sont fermées, on essaye d’emprunter le passage sous la gare mais il est gardé par quelques CRS accompagnés de leurs acolytes de la milice de la SNCF, tout paniqués et admiratifs de leurs collègues, qui eux, ont réussi le concours d’entrée dans la police. En courant un peu, on trouve un passage vers les quais, près de la gare routière et on s’y engouffre. Les CRS arrivent en courant, la tension monte, quelques projectiles volent dans leur direction. Entre 10 et 20 personnes atteignent un quai en traversant une voie, mais nous ne pouvons les rejoindre, bloqués par les CRS ; enfin "bloqués", ils n’étaient que 6/7, on était 200, il aurait suffi d’avancer sur eux pour désenclaver les copains de l’autre quai, qui pendant ce temps se sont fait tomber dessus par la BAC : trois arrestations ont lieu. En apprenant ça on décide d’aller à l’hôtel de police pour exiger leur libération. On fait un détour par la cour de l’INPG (vous savez, cet endroit où on forme des gens pour nous inonder de nanobidules et nous biomaîtriser...) mais le cortège se coupe en deux : on préfère rejoindre l’avant pour ne pas réitérer l’expérience de la gare. On bloque quelques minutes le carrefour de la porte de France, les CRS nous virent en bourrant sans conviction. Je suis un peu agacé par les chants "bisounours" et les appels au calme et au sit-in des néo-hippies non violents : trois personnes viennent de se faire molester par la BAC, j’ai moyennement envie de rire. On poursuit ensuite de façon molassonne jusqu’à l’hôtel de police accompagnés de quelques coups de klaxons d’encouragement de la part d’automobilistes embouchonnés. On s’assoit devant ce chouette bâtiment, et on se rend compte que les policiers ont une sensibilité artistique méconnue : des photographes immortalisent l’instant en se dissimulant à peine depuis l’intérieur de leurs bureaux. Au bout d’une demi-heure, un collègue est libéré (après une prise d’ADN, moult intimidations et provocations, ainsi qu’une interdiction de manif). On décide de bouger car les deux autres sont en garde à vue et ne seront pas libérés avant le soir ou le lendemain. Je ne sais pas ce qu’il est advenu d’eux depuis.

A ce propos, il serait indispensable de faire un suivi de toutes les personnes interpellées depuis le début des manifs anti-CPE afin de pouvoir aller soutenir ceux qui passent au tribunal. A bon entendeur...

La manif de samedi, qui passe sur les grands boulevards, risque de ramener du monde, mais aussi un service d’ordre conséquent. Organisons-nous pour que ce raoult ne soit pas une procession de somnambules de plus !

Manif du 16, coup de gueule
écrit le 17 mars 2006 à 18h28 par allys

Je faisais partie de la manifestation de jeudi.

Comme pas mal de lycéens et étudiants anti-CPE (et anti-gouvernement), je ne fait partie d’aucun syndicat et donc ne veut pas manifester sous leur drapeaux, derrière leurs bannières et en criant leurs slogans (qui, en passant, sont d’une naïveté ahurissante : "si t’es contre le CPE, saute en l’air !"). Passons, je me suis donc dirigée naturellement vers la manif autonome à l’avant du cortège. Seulement, cela n’a pas du tout plu à quelques sympathiques membres du service d’ordre.

Il y a vraiment un problème quand un service d’ordre empêche des manifestants de sortir du rang et d’exprimer leurs opinions, vous ne trouvez pas ? Mais vous comprenez, c’est leur manif, c’est leur action politique donc il faut les suivre bien gentiment. Ils s’en foutent du CPE, ce qui compte c’est de montrer qu’ils ont des gens derrière eux, alors forcément quand y en a devant, ça plait pas ! Et jeudi, ça ne leur plaisait pas du tout, y en a même qui nous ont dit qu’ils allaient appeler les flics parce qu’on dérangeait la manif. En résumé : si tu fais pas partie de notre syndicat, dégage ! C’est ce qu’ils nous ont répété quand ils ont lancé une info bidon au micro pour nous faire dégager : "y a un groupe anti-blocage à la fac, allez les aider !". Paniqués, on appelle des potes restés à la fac et on apprend que c’est de l’intox. Sympa. Et après ça on crie : "tous ensemble, tous ensemble, ouais, ouais !". Oui bien sûr, mais tous ensemble en pensant tous la même chose.

Bref, on essaye de rejoindre l’avant et là pour passer le cordon du service d’ordre c’est plus violent qu’avec les CRS l’après-midi (pendant la manif sauvage). Moi, j’me suis pris un coup dans les seins, j’ai une pote qui s’est fait à moitié étranglée, un pote qui s’est pris des coups de pompes... et aucun dialogue possible, "de toute façon vous êtes là pour foutre la merde". Faudrait que les syndicats fassent attention à ne pas ramasser des nazillons dans leur rang ! En tout cas, si c’était pour qu’il n’y ait pas de débordement qu’ils tapaient les autonomes ou ceux qui voulaient les rejoindre, c’est une super politique ! Frappe d’abord, comme ça il n’y a pas de problème ! Un peu totalitaire, non ? En tout cas, ces abrutis m’ont assez dégoûtée, surtout quand, après la manif, en parlant avec une fille du service d’ordre (qui était aussi dégoûtée que nous), j’ai appris que certains étaient partisans d’armer les services d’ordre ! Mais ne vous inquiétez pas, juste avec des matraques ! Histoire d’éviter les problèmes... C’est du délire, comme si les CRS ne suffisaient pas !

Bref, je trouve que c’est vraiment de la connerie pure et je tenais à le dire.

Mais bon ça n’empêche pas que samedi je serai là, à l’avant, ou à l’arrière, en fin de compte c’est pareil, mais avec les autonomes et certainement pas avec les syndicats. Car après tout, cette "bande de casseurs anarchistes", elle, elle n’a tapé sur personne mais a juste montré sa faculté de s’autogérer.

Les manifs sauvages ont de beaux jours devant elles... en attendant la grève générale et tant qu’a faire insurrectionnelle !


Vendredi 17 mars 2006

Occupation du campus : le fin, les moyens et la cohabitation
écrit le 17 mars 2006 à 16h04 par Rosalux

Voilà 2 petites semaines que le campus est occupé.
Après des débuts un peu bordéliques, ça y est ça commence à ressembler à un truc un peu constructif.
Au programme, diverses initiatives organisées par les étudiants grévistes : conférences/débats avec des intervenants extérieurs (salariés, précaires, profs), diff’ de tracts dans les lycées, entreprises, diffusion de films... N’hésitez pas à venir jeter un coup d’oeil, il y a des trucs à faire tous les jours !
En bref, alors que De Villepin et les médias tentent de donner une image pourrie du mouvement, force est de constater que le campus de Grenoble est au contraire un vrai lieu de réflexion, de débat et d’actions. Par exemple, la conférence sur la précarité de mercredi a ainsi réuni entre 300 et 400 personnes, des actions ont été menées au centre-ville (manif en deuil, etc).

Même si tous les occupants ne revendiquent pas les même moyens d’actions, même si certains sont plus frileux que d’autres, même si d’autres pensent que c’est déjà la révolution (si seulement c’était vrai), quoi qu’il en soit cette occupation c’est d’abord la preuve qu’à 200 ont est beaucoup plus efficaces qu’à 30 !
Et que chacun peut apporter sa contribution dans l’objectif de faire avancer la lutte !


Samedi 18 mars 2006

Récit de la manif grenobloise du 18 mars 2006
écrit le 18 mars 2006 à 21h01 par Asger J.

La manif est partie plus tôt que prévu aujourd’hui, il se dit qu’il y avait 35 000 personnes. Il y en avait peut-être même plus. Sur la fin, des cortèges entiers de la manifestation ont fait un détour pour sortir des embouteillages de manif en direction de la préf’ !

Très grosse manif, donc, de la gare jusqu’à la préf’, en passant par les grands boulevards (Maréchal Foch, Maréchal Joffre, à bas l’armée). Plein de travailleur-euse-s, de chômeureuses, d’étudiant-e-s, de lycéen-n-es, de syndicalistes et de non-syndiqué-e-s étaient là.

Assez rapidement, sur le cours Jean Jaurès, des "autonomes" (au sens d’individus non-encartés, quelle que soit leur tendance politique) ont doublé l’habituelle banderole de tête intersyndicale "Retrait du CPE" avec tous ses logos de syndicats réformistes. D’une trentaine de personnes au devant de cette banderole, il y a vite eu de plus en plus de monde, jusqu’à plus d’un millier de personnes...

Quelques CRS protégeaient l’entrée du MEDEF sur le boulevard du Maréchal Foch. Ils se sont fait huer et quelques oeufs leur sont tombés dessus (ainsi que sur la façade du MEDEF). Continuant dans une ambiance plutôt détendue, de nombreuses personnes de la tête de la manif se sont mises à bloquer une partie des rues adjacentes aux boulevards Foch et Joffre ainsi que certains carrefours avec du matériel de protection du chantier de la nouvelle ligne de tram. La BAC (Brigade Anti-Criminalité), bien qu’arrivée en trombe, n’a pas osé intervenir (trop de monde face à eux).

Sur la place de la préf’, qui a mis du temps à se remplir, la sono de la CGT nous broyait les oreilles à coups de "Retrait, retrait, retrait du CPE" (certain-e-s leur ont répondu à coups de "Retrait, retrait, retrait de la CGT"). On l’avait déjà beaucoup entendu en cours de manif, le slogan de base de la cégète... ainsi que d’autres slogans, moins réformistes, en tête de manif : "Ni CPE ni CDI, autogestion !" ou "CPE, CDI, on s’en fout, on veut pas bosser du tout" (en référence au mouvement des chômeur-euse-s parisien-ne-s de 1998).

Place de la préf’, il y a quelques personnes assez vénères. Des étudiant-e-s et des lycéen-ne-s bien sûr, mais aussi des anarchistes, des jeunes des tiécars, et même des supporters de foot (pas des fachos, plutôt des supporters d’extrême-gauche, même s’ils ont dû venir sur les bons conseils de Sarko, qui a accusé les "casseurs" de Paris de ne pas être des vrais "manifestants" mais des "voyous" et des "hooligans", ha ! ha !).

Un mec passe les buissons de la préf’ et se fait attraper par les CRS de l’autre côté (forcément). La plupart des jeunes réagissent activement, des canettes et des pétards volent vers les CRS, ça gueule dans tous les sens et la BAC repère qui fait quoi, etc. L’interpellé est relâché peu après.

L’ambiance se tend peu à peu, des renforts de CRS sur-armés arrivent (bonjour les cagoules des flics, on croirait le GIGN caché sous des uniformes de CRS). La BAC s’active, ils sont au moins douze dont une meuf, on les sent prêts à choper des isolé-e-s, ils se croient tout permis et paradent au milieu de tout le monde. Mais ils vont le regretter...

La place se vide de la plupart de ses manifestant-e-s mais quelques centaines de personnes restent. Un petit groupe joue de la musique et malgré la tension, il y a comme un esprit de fête dans l’air. La route continue d’être bloquée et des motards accompagnés de CRS et de la BAC essaient d’ouvrir une brèche pour laisser passer des bus. Tant bien que mal, ça marche. Quelques projectiles volent à nouveau vers les CRS et la BAC saute sur un mec, peut-être pas suffisamment blanc à leur goût, je ne sais pas, en tout cas il n’avait rien fait du tout mais s’est fait embarquer malgré les protestations des manifestant-e-s. D’autres de la BAC chopent un autre gars un peu plus loin, pas blanc non plus (justice raciste, justice coloniale, il n’y a pas qu’avec le CPE qu’on doit en finir). Là, de nombreuses personnes se jettent sur les mecs de la BAC, qui se mettent à flipper et à sortir flash-balls et tonfas pour faire reculer tout le monde. Malheureusement, les manifestant-e-s ne réussissent pas à libérer la personne arrêtée (pourquoi cette arrestation ? je ne sais pas). A ce moment, ça dégénère complètement, et ça se comprend. Ces arrestations mettent le feu aux poudres et de nombreuses canettes (et autres trucs) volent en direction de la BAC, qui fuit sous les huées. Des canettes volent aussi vers les CRS, qui ripostent en balançant des lacrymos. D’autres canettes volent, un mec de la BAC s’est même mangé un truc en pleine face. Tout le monde avait pas mal la rage contre ces salauds, peut-être la prochaine fois ils se croiront moins tout permis.

Les lacrymos dispersent une partie de la place. Après s’être d’abord replié-e-s dans les petites rues aux alentours, les manifestant-e-s se regroupent à l’entrée de la rue Lesdiguières, sur la place de la préf’. La présence policière est massive, les mecs de la BAC sont revenus casqués. La dispersion est progressive, je ne sais pas trop ce qui s’est passé tout à la fin mais on a vu des gens se faire courser par des flics alors que tout semblait s’être calmé.

Restez groupé-e-s quand vous quittez les manifs ! Refusez les comparutions immédiates si vous vous faites arrêter. Mettez des ami-e-s aux courants de vos soucis avec la justice et prévenez du monde sur le campus (par exemple), les personnes arrêtées ne doivent pas rester seules face à la répression !

Un rassemblement de gens a d’ailleurs eu lieu spontanément après la manif, pour demander la libération des deux personnes interpellées.

En tout cas la colère et bien là et dépasse le refus du CPE...

Ailleurs aussi, la mobilisation a dépassé celle du 7 mars. Largement plus d’un million de personnes étaient dans les rues aujourd’hui en France pour gueuler contre le gouvernement. Des débordements ont eu lieu à Grenoble, mais aussi à Rennes, Lille, Clermont-Ferrand, Marseille, Nancy, Paris et sûrement ailleurs également.

Commentaires :

7 interpellations ! écrit le 18 mars 2006 par Asger J.

Il y aurait finalement eu 7 personnes arrêtées ! Peut-être que tout à la fin sur la place de la préf’ les flics se sont lâchés...

Selon une correspondante de l’AFP :

"Dépêches de l’Education du samedi 18 mars 2006
CPE : incidents en fin de manifestation à Grenoble, sept interpellations
Sept personnes ont été interpellées samedi à Grenoble lors de la manifestation contre le contrat première embauche, a-t-on appris de source policière.
Les sept personnes, pour la plupart de jeunes marginaux, ont été mises en garde à vue pour des violences contre des policiers, selon la même source.
Une dizaine de jeunes faisaient toujours face aux forces de l’ordre devant la préfecture samedi soir, selon une correspondante de l’AFP."

Bon, c’est de source policière, donc le contenu politique est merdique, forcément ("marginaux", blabla, c’est les flics et l’Etat qu’on marginalise par notre contestation massive, oui !).

Libérez toutes les personnes interpellées !

Six personnes en procès à l’automne prochain écrit le 20 mars 2006 par anonyme

Info parue sur http://www.vousnousils.fr/

On notera la persistance à indiquer que les personnes arrêtées étaient des "marginaux", cela légitimant probablement aux yeux de "l’opinion publique" la répression policière et judiciaire...
POLICE PARTOUT, JUSTICE PARTOUT AUSSI ! Les prisons vont manquer, monsieur Sarkozy !

"Dépêches de l’Education du lundi 20 mars 2006
Incidents samedi à Grenoble : six jeunes convoqués devant le tribunal

Six jeunes, dont un mineur, interpellés samedi à Grenoble en marge de la manifestation contre le CPE, ont été remis en liberté dimanche mais seront convoqués devant le tribunal correctionnel à l’automne prochain, a-t-on appris de source policière.

Ces six personnes sont poursuivies pour "violences envers agent de la force publique", selon la même source.

Samedi soir, en marge de la manifestation contre le contrat première embauche (CPE), sept personnes au total, pour la plupart de jeunes marginaux, avaient été arrêtées et mises en garde à vue pour des violences contre des policiers. L’une d’elles avait été relâchée peu de temps après."

Décision du tribunal administratif de Grenoble écrit le 20 mars 2006 par une mère de gréviste

Aujourd’hui le tribunal administratif de Grenoble intime l’ordre de "déboquer" les universités sans quoi les contrevenants se verront condamnés à payer 50 € par jour. Le président des universités a désormais le droit de faire intervenir la force publique !

Soyons tous derrière les étudiants-grévistes pour les aider !

Quand mon genou heurte la matraque d’un idéaliste
écrit le 18 mars 2006 à 19h32 par Richbool

En manifestant benoîtement à la préfecture contre le CPE, en écoutant d’une oreille mal lavée le secrétaire de la CGT prendre en otage un micro que la foule ne lui a jamais donné, mon genou est venu malencontreusement heurter la délicieuse matraque d’un policier en civil.

C’était à la fin. Je regardais les fines tactiques des hérauts de l’Etat pour prélever dans la foule un échantillon ou deux de jeunesse basanée, histoire de se donner une raison d’être là – c’est épatant, ce travail, j’en recommande l’observation : scinder un groupe, une petite diversion, puis hop, une sorte d’éjaculation policière qui s’abat sur un type vaguement arabe (s’entend, si on ne sait pas pourquoi on l’arrête, lui il le sait certainement, enfin voyons, il est arabe, quoi, quelle idée aussi). C’est très émouvant. J’ai eu les larmes aux yeux, mais je n’ai pas de mérite, le gaz lacrymal m’y a aidé - là, donc, en essayant de communiquer ma désapprobation aux miliciens, mon genou est venu cogner dans un ralenti fondu enchaîné la matraque du monsieur.
Alors j’ai voulu m’excuser. Mais magnanime, il a feint de ne pas entendre. Quelle pudeur.

Rentrant chez moi d’un boitillement altier et un peu coupable, je réfléchissais à cet homme. Jo (je l’appellerai Jo, parce qu’il me rappelle un Dalton, mais je ne sais plus lequel). Brave type que ce monsieur Jo le brigadier : nous aurions pu certainement dans un autre contexte échanger quelques verres de pastis au camping Les Ecureuils, près de Palavas, lui en slip de champion, moi en pantalon écru, devant un crépuscule saignant, avec la Carioca en musique de fond….. Mais non, hélas, nous fîmes connaissance cet après midi, il y a une heure. Et si sa pudeur me désarma, lui non.

Une intime conviction m’emplit alors : les gens de la BAC étant en général des footballeurs sans talent ou des champions de ski sans carrière n’ayant pas le courage d’aller à la Légion, ils manquent parfois de mots ; je fus soudain convaincu qu’à défaut de délivrer le pauvre hère, Jo délivra un message. Restait à savoir lequel. Et j’ai trouvé.

Je pense qu’il a voulu me dire merci. Si si.
Merci parce que sans l’argent public, - donc le mien -, jamais il n’aurait pu s’équiper comme il l’est, avec son beau blouson d’un beige soumission, son talkie patiné par le devoir et sa si jolie, si avenante matraque. Alors je suppose qu’il a voulu montrer à travers son action, que son matériel était solide. Et il a du se dire, en compilant ses maigres neurones non encore équarris à l’ordre dit "public", que c’était l’occasion de donner du travail aux infirmiers des Urgences, qui sont paresseux, tout le monde le sait. Au fond, comme ça, si je sautille tranquillement jusqu’à l’hosto, je légitimerai un peu ce service encore un peu public de santé. Ce n’est pas idiot, en soi. Je me rends compte que Jo est un défenseur du service public : il permet à tout un chacun, sur demande ou non, d’aller illico visiter nos biens publics de santé. Et sur demande ou non, nous fait tester son matériel que nous lui avons payé.

En clair, Jo, de la BAC, est un idéaliste. Cet été, j’irai aux 3 écureuils, près de Palavas. Je mettrai la Carioca et je l’attendrai. Je suis sûr qu’il sera là, où voulez-vous que Jo de la Bac, ancien champion de ski qui n’a pas eu le courage d’aller à la Légion aille en vacances ? J’achèterai aussi une matraque, je mettrai un slip de champion, je serai en simple appareil. Et j’achèterai une matraque pour lui rendre. L’appareil. Entre idéalistes.

...? ou la matraque
écrit le 19 mars 2006 à 13h23 par Marion

Grenoble.

Fin de rassemblement. La place se déserte petit à petit. Je discute avec un ami et sommes très attenti-fs-ves à la manière dont circulent les gens, les flics et les malheureuses merguez...

18h... comme un signal de fin de journée, d’habitués, le défilé commence : les flics rentrent leurs képis et sortent les casques. Font durcir leur visage, passent sur les haies, nous bousculent en lançant à l’ami "allez pousse-toi, maintenant laisse-nous faire notre travail" et se ruent sur la foule en face. La BAC s’en mêle, lacrymo, dispersion... Mon regard s’affère... où sont les visages connus ? Je rejoins alors la foule. Observe. Cherche.

Et là encore un gars qui se fait prendre... un autre se place face aux flics, crie "honteux, baveux, ce n’est qu’un jeune" et paf les galeux se ruent sur lui, le tapent. Je me précipite parce que c’est pas possible autrement, nous sommes 3 ou 4 filles devant et je vois le regard d’un galeux qui zigzague, je croise le mâle. Rien. Comme si là, ils ne pouvaient plus rien.

Puis un autre plus entraîné peut-être tend sa matraque, la pointe sur ma poitrine et dit : "maintenant tu dégages, sinon pour toi c’est pareil" et me désigne l’homme qui se fait toujours tabasser.
Instant. Je me retrouve éjectée. Ça y est ça pleure, mes yeux.

 ? ou la matraque… Ce point d’interrogation m’assaille.


Lundi 20 mars 2006

Compte-rendu du Lundi 20 Mars
écrit le 21 mars 2006 à 08h08 par anonyme

A 8h, on a bloqué le lycée Argouges.
A 8h30, Assemblée Générale à Argouges.
A 9h30, on a rejoint le lycée Mounier où on a débrayé les cours.
A 10h, on a bloqué le lycée Mounier pour qu’on soit un maximum à partir débrayer d’autres lycées.
A 10h30, on a débrayé le lycée Guynemer.
A 11h, on a débrayé le lycée du Clos d’Or.
A 12h, le cortège s’est divisé en deux groupes, un groupe qui est retourné manger et aider au blocage d’Argouges et un groupe qui partait pour Mounier en voulant le bloquer.
A 13h, le lycée Mounier est bloqué et il ferme ses portes pour toute l’après-midi.
A 14h, les personnes mobilisées le matin se retrouvent à Marie Curie pour débrayer les cours.
A 15h, on est parti débrayer le lycée Thomas Edison et on a tenté de bloquer la rocade Sud.
A 16h, nous sommes partis vers Grand Place où nous sommes allés bloquer l’école d’architecture.
A 17h, le cortège s’est dispersé après une journée de manifestation... La jeunesse se réveille, ça fait plaisir !


Mardi 21 mars 2006

News de Grenoble...
écrit le 21 mars 2006 à 19h29 par anonyme

Ce matin mardi 21 mars à Grenoble, l’AG étudiante qui regroupait environ 6000 personnes a voté la reconduite du blocage du campus à une très large majorité : environ 4000 voix pour et 1700 voix contre.

La lutte continue.
(…)

Résumé de la journée du mardi 21 mars
écrit le 22 mars 2006 à 04h20 par Beuzinette

Bon je vais vous résumer cette journée agitée pour les pieds (certains sont restés plus de 9h sous la pluie à marcher dans Grenoble)... pour ma part je n’y suis allée qu’à partir de midi... je vous raconte...

8h30 = je passe devant Mounier = bloqué depuis lundi aprèm’ pour raisons de sécurité (les "casseurs" - j’me marre - ont défoncé l’alarme incendie) donc tout le monde est dehors !
Bon moi j’vais un peu en cours vu que ça fait super longtemps que j’y suis pas allée...

11h30 = des manifestants entrent dans mon lycée (Champo, le bahut par excellence qui bouge pas), font sonner l’alarme incendie... chui la 1ère dehors hophophop on rejoint les copains !

12h20 = bon, pitite pause déjeuner après s’être donnés tous Rdv place Félix Poulat à 14h

14h = tout le monde est là, même la pluie ! c’est parti direction Champollion "on va passer dire bonjour à Champo !" puis nous on voulait rentrer dedans et tout et en fait non c’était pas possible... les flics ne sont jamais loin... donc on va vers les eaux claires ! et c’est parti pour du bruit pendant près de 2h jusqu’à ce qu’on arrive... pis là j’sais pas trop c’qui s’est passé mais y’avait plus beaucoup d’ambiance... on a emmené avec nous une petite cinquantaine de personnes (un peu la déception quand même)...

Maintenant = direction Porte de France !!! 2, 3 sit-ins, on prend les 4 voies du boulevard Alsace-Lorraine et on chante on danse sur notre hymne !

Et pis... attention tenez-vous bien... ils étaient là ! tous avec leur lacrymos grenades matraques... une bonne trentaine...

Bon, on ne se décourage pas (nous étions 750 environ) et on court tous à la gare ! en pagaille silvouplé ! et à la gare pareil ! mais ils avaient l’air plus gentils, en tout cas ils nous ont pas tapé dessus ! "Des calins ! des bisous !" Bon, c’est pas qu’ils s’impatientaient mais ils étaient un peu énervés quand même, on n’a pas insisté... et direction la Préfecture ! on chante on danse... on boit... on fume ?? et pis c’était tout tranquille super calme... les CRS ont même souri ! c’est dire !

On en voyait quand même qui avaient envie de danser sur du Bob ! Et pis voilà, dispersion... je ne suis pas restée (cours de musique c’est super important ! lol). Voilà voilà, c’était vraiment une journée tranquille sans incidents majeurs (ah si, la voiture est tombée en panne ! pour ceux qui étaient là samedi : après la sono, la voiture ! donc on
a tous poussé comme des dingues ! c’était de la dynamite !). Bisous à tous, Rdv jeudi à 14h à la gare !

Commentaire :

Compte-rendu du Mardi 21 Mars écrit le 09 avril 2006 à 16h34 par John

8h : Blocage des lycées Mounier, Argouge et Marie Curie.
9h : Argouges part débrayer Guynemer.
11h : Marie Curie rejoint Mounier pour partir en cortège débrayer Champollion.
13h : Blocage et appel à la manifestation à l’externat Notre-Dame. Les lycéen(ne)s de l’externat partent en cortège vers la place Felix Poulat.
13h30 : La voiture sono vient chercher les lycéen(ne)s de Louise Michel et de Vaucanson qui partent en cortège jusqu’à la place Felix Poulat sous la pluie.
14h30 : Départ de la manifestation. Plus d’un millier de manifestants. La manifestation passe à côté de Champollion pour faire du bruit et leur montrer qu’on est toujours mobilisé. Après le cortège se dirige vers le lycée des Eaux-Claires pour débrayer le lycée mais on ne rentre pas dans le lycée. Ensuite, nous partons pour la Porte de France mais la route étant barré par les CRS, nous partons (en courant) vers la gare. Les CRS sont là mais nous restons un peu avec les sonos devant la gare. Puis nous décidons de repartir, en passant par la place Felix Poulat.
17h30 : On finit la manifestation à la place de Verdun (lieu symbolique : cf. Préfecture) où nous appelons à la dispersion et à se retrouver Jeudi à 14h à la Gare pour la prochaine manifestation.


Mercredi 22 mars 2006

R(A)GE ou le scandale minime
écrit le 22 mars 2006 à 17h18 par enragé

Pour les tags, appelez le numéro vert 49.3, où branchez-vous sur la fréquence…

Nous vivons une prise de conscience collective. Le laboratoires des utopies a remplacé l’ancienne "Galerie des Amphis", ce symbole du monde ancien à abolir, et du monde nouveau en train de naître.

L’ancien monde, celui où un pouvoir autoritaire nous dictait les lois du marché international, afin de l’adapter à nos vies futures, celles de notre génération. Le monde était lisible, il est devenu complexe et les fils connectés et autres portables ont remplacé le fil d’Ariane. Le Minotaure, ce monstre mondial, OMC ou FMI, s’est perdu dans le labyrinthe créé par l’homme.

Devant la bibliothèque universitaire, un potager est né. Malgré la pollution du sol, nous récupérerons mètres par mètres le terrain qu’ils nous ont confisqué. Ce fameux territoire qui réduit notre espace jusqu’à abolir le moindre lieu de vie. Regardez avec quelle violence les CRS cherchent à nous faire reculer jusqu’à nos retranchements ?

Oh, un tag sur un mur est tellement choquant que le laboratoire des utopies est en passe de devenir un lieu d’étonnement, ou détonnant, au choix. Quelles exclamations devant ces nombreuses inscriptions dans cet espace libéré, pensez-vous un instant à toute cette Rage accumulée au fil des années qui est en train de ressurgir ?

Restez quelques heures, laissez-vous emmener à travers les couleurs, à travers les espoirs de nuit comme de jour. Participez aux actions, vous verrez combien est important qu’une génération, consciente du chaos mondial, rétablisse un rapport de force que nous avons déjà gagné. Nous ne nous laisserons plus imposer un avenir qui exclut 80% de la planète. Nous voulons une mondialisation des peuples et des luttes.

Les médias du monde entier ont les yeux sur la situation française, 3 mois après la révolte des quartiers populaires de novembre 2005. La France a une responsabilité qu’elle doit assumer dans ce vieux monde, nous devrons sortir du colonialisme d’Etat que nous perpétuons, et participer à la construction du monde pluriel, polycentrique.

Pour que le 29 mai 2005, Novembre 2005 et Mars (et Avril, Mai) 2006 ne restent pas sans voix, détruisons pierre par pierre le mur de la honte qui s’est dressé entre nos vies, nos peuples. Puis reconstruisons autre chose de plus horizontal qui ne s’appellera pas "mur" mais un autre mot à inventer, un autre monde à construire.

Grenoble, 22 Mars 2006, laboratoire des utopies, R(A)GE


Jeudi 23 mars 2006

La suite de la manif du 23
écrit le 24 mars 2006 à 01h07 par Dany C-B

Comme le disent d’autres articles, la manif de jeudi fut très tranquille pour son parcours normal, c’est-à-dire jusqu’à Verdun.

Ensuite, c’est à dire à partir de 17h et jusqu’à environ 20h, c’était plutôt "chaud patate". Voici un petit récapitulatif subjectif des faits marquants d’une fin d’après-midi comme il n’y en avait pas eu depuis longtemps à Grenoble.

1) Une demi-heure après la manif, 2-3 choses commencent à voler place de Verdun en direction des CRS : réaction immédiate de la BAC qui embarque 3 ou 4 personnes plus ou moins au hasard : réaction immédiate des manifestant-e-s qui protestent et donc qui, comme à l’accoutumée, se font gazer (vous verrez ça ne fait que commencer). S’en suit une dispersion partielle de la place ; pendant quelques minutes, les gens tenteront de revenir avant de se refaire gazer. On s’aperçoit tout de suite que l’ambiance n’est pas tout à fait comme les dernières manifs, de par la présence massive de "gens des tiéquars" (autrement appelés kailleras) qui sont plutôt très motivé-e-s. Une voiture est renversée à côté de la place, ce qui suscite l’indignation de plusieurs baba cools "peace and love" ; ça commence à se prendre la tête entre manifestants avant qu’une charge de CRS finisse de régler les conflits internes.

2) Une des charges réussit à virer plus ou moins tout le monde hors de la place. Les manifestant-e-s se retrouvent dispersé-e-s, quelques un-e-s partent mais beaucoup restent, regroupé-e-s (à mon avis) à environ trois endroits différents, sans savoir trop ce qui se passait dans les autres endroits. Rue Lesdiguières (à 200), on tente de regagner la place, on se fait gazer plusieurs fois ; puis on rejoint pas mal de gens rue de la liberté. Au bout de quelques minutes de scandages "CRS=SS" et "police partout = justice nulle part" devant une dizaine de CRS et BAC, on se refait gazer et on se retrouve progressivement place Vaucanson, en étant somme toute pas mal éparpillés. Plusieurs fois, des gens de la BAC, assez discrets de l’autre côté des manifestant-e-s, profitent de la panique de la fuite suite à un gazage pour arrêter une personne, bien entendu basanée.

3) A noter qu’en fait, à part les tensions du début, l’ambiance est bonne entre gauchistes et kailleras ; tout le monde est uni contre les flics.

4) Pas mal de gens se retrouvent pas loin de l’arrêt Hubert Dubedout, on se regroupe, on essaye de recommencer à avancer, certain-e-s se tenant par les bras, jusqu’à un nouveau gazage, qui lui a lieu devant la Fnac en plein centre-ville, devant beaucoup de gens "normaux" revenant du shopping. On assiste alors à une nouvelle technique : des bagnoles de "police nationale" remplies de CRS fonçant dans le tas à toute allure avec la portière ouverte et un CRS à moitié dehors prêt à mordre ; technique qui, il faut bien le reconnaître, a une certaine efficacité.
Une nouvelle fois on se regroupe, on est alors environ, allez au pif 400, et s’en suit un moment assez "beau" : on se remet à avancer vers Hubert Dub’ avec vraiment beaucoup d’énergie colllective en scandant des slogans, en dehors des classiques, comme "la rue, la rue, est à nous" ou "l’Etat assassine, assassinons l’Etat". Ensuite
nouveau gazage
fuite puis regroupement
nouveau gazage
les flics ont l’air de partir de la place Grenette.

5) Donc on se regroupe encore, à disons 250, et on se dirige vers Verdun. Aucun flic ne nous empêche d’y arriver. Par contre là-bas devant la préf, il y a autant de flics que de gros lourds à un spectacle de Jean-Marie Bigard. Ils ne tardent donc pas à charger, alors on se replie un peu dans la rue du tram, une barricade est érigée, les CRS gazent, mais visent mal, et la lacrymo pète la fenêtre d’un appart pour atterrir dedans (par la suite, les voisin-e-s sortent et disent qu’els vont porter plainte contre les flics). La barricade est enflammée, les flics chargent (...), on se retrouve place Félix Poulat où a lieu la charge ultime qui finit de disperser les gens (en tous cas à ce que je sais).

6) Pendant tout ce moment, le feu a été mis à plusieurs poubelles, des pubs ont été enlevées, des terrasses, comme celle du Quick, un peu déménagées et beaucoup de projectiles divers lancés en direction des flics. Il y a eu plusieurs blessés et au moins dix arrestations.

7) Quand on était en centre-ville, la situation faisait réagir beaucoup de gens assez diversement ; mais à mon grand étonnement pas mal de gens se ralliaient à la cause des manifestant-e-s, évoquaient Mai 68, et disaient que de toute façon il fallait bien en passer par là... (bien entendu il y avait aussi plein de réacs).

8) Pour finir un petit truc marrant : selon une brève de l’AFP Grenoble, un mec de la BAC serait grièvement blessé parce qu’il aurait reçu accidentellement un tir de flash ball à bout portant de la part d’un de ses collègues...

Commentaires :

Provocation policière écrit le 24 mars 2006 par Jean-Pierre

Selon plusieurs témoins oculaires, le point de départ des affrontements ne sont pas des projectiles lancés sur les forces de l’ordre, mais une tentative ratée de la BAC d’attraper une personne place de Verdun (des rumeurs parlent de shit comme prétexte). Etrange stratégie policière, quand encore des milliers de personnes étaient présentes sur place... D’habitude, les arrestations-éclair de la BAC ont lieu en toute fin de manif, quand il ne reste plus que quelques centaines d’individus...

Signalons que cette première interpellation a été un magnifique échec, puisque de nombreux-ses manifestant-e-s motivé-e-s ont réussi à reprendre le "jeune" en question des griffes de la police. Mais le temps de répit fut court : une deuxième personne était vite embarquée par la BAC, criant sans relâche "mais j’ai rien fait !".

La colère des manifestant-e-s autour s’est alors déchaînée contre la BAC et autres "forces de l’ordre", insultes, canettes et bouteilles ont volé. C’était le début d’une tornade surréaliste en plein centre, odeur constante de gaz lacrymo, bandes de flics dans tous les sens, courses-poursuites dans les rues piétonnes entre CRS et manifestant-e-s, arrestations discrètes et isolées. De 17h à 20h, il n’y avait plus rien d’autre que les affrontements, le trafic était détourné, les trams et les bus bloqués, et les passant-e-s hallucinaient. Etrange, aussi, comme les autorités n’ont eu aucun scrupule à déployer leur violence la plus crue dans les rues les plus fréquentées.

Faites gaffe aux amalgames écrit le 24 mars 2006 par le grand lapin

Beaucoup de gens notamment d’extrême-gauche attendaient impatiemment l’alliance avec les banlieusards et les "émeutiers de novembre" (émeutiers dont on ne connaît d’ailleurs toujours pas l’identité). Serait-ce chose faite ? L’élargissement du mouvement nous permettrait-il de gagner ? Mais quel élargissement ? et pour gagner quoi ? Est-ce que des mini intifada (je pense aux jeters de pierres) vont nous faire avancer ? Je crois que nombreux étaient venus et sont restés pour s’amuser, profiter d’un film d’action auquel ils pouvaient participer. Mais à ceux qui croient à d’improbables alliances, je ferai remarquer que les jets de pierre mal orientés avaient tendance à devenir menaçants pour les manifestants. Alors soit c’est tous ensemble et de manière ciblée (on tente de prendre d’assaut un bâtiment public par exemple) soit, c’est chacun pour sa peau et là on gagne l’opportunité de se faire taper de tous les côtés, dans la tenaille jeunesse déchainée / CRS surmotivés. Voilà.

Réponse au grand lapin... écrit le 26 mars 2006 par Daffy le canard noir

Mon lapinou...

Sur Grenoble, entre la fin de manif du samedi 18 mars et l’émeute partie de la place de Verdun le jeudi 23 mars, il y a deux souvenirs :

1- Samedi, les flics de la BAC arrêtent deux personnes, a priori sans "raison", délit de faciès (deux "maghrébins") ! De nombreux-euses manifestant-e-s réagissent et tentent (en vain) de les libérer. Des projectiles volent en direction des CRS et de la BAC, qui dira qu’ils ne l’ont pas cherché ?! Tout le monde semble uni, des "lascars" sont là, des anars aussi, certain-e-s d’entre elles-eux sont étudiant-e-s, ou lycéen-ne-s, ou pas, et de nombreuses autres personnes qui réagissent activement ne sont ni des lascars ni des anars... Et c’est très bien comme ça, à ce moment là on est ensemble ! Et la division va venir d’un ou deux mecs violemment anti-violents qui gueulent contre quelques manifestant-e-s lanceur-euse-s de projectiles ! Elle est là, la division ! Dans le pacifisme lamentable et idéologique de certaines personnes qui mettent plus d’énergie à lutter contre la riposte des manifestant-e-s que contre les brutalités policières !

2- Jeudi, des fameux "lascars des cités" étaient sur la place de Verdun. S’ils font "peur" à certain-e-s manifestant-e-s, pour d’autres ils ne sont pas "différents" et ce sont des manifestants comme les autres. Quand des "lascars" aident des manifestant-e-s à terre et leur donnent du sérum physiologique quand celles-ci/ceux-ci ont les yeux plein de gaz lacrymo, faut-il encore se demander si nous sommes tou-te-s là pour les mêmes raisons ? Jeudi, les projectiles sont partis en direction des forces de l’ordre des mains de tou-te-s les manifestant-e-s sur place qui ont osé.

 Certains manifestants sont pacifistes. Pas tous.
 Certains manifestants ont des pratiques d’action directe. Pas tous.
 Certains manifestants sont blancs. Pas tous.
 Certains manifestants sont noirs. Pas tous.
 Certains manifestants ne sont ni blancs ni noirs. Pas tous.
 Certains manifestants sont des mecs. Pas tous.
 Certains manifestants sont des filles. Pas tous.
 Certains manifestants ne sont ni des mecs ni des filles. Hé ouais, ça t’étonne ?
 Les manifestants pacifistes ne se comportent pas tous de la même façon.
 Les manifestants qui ont des pratiques d’action directe ne se comportent pas tous de la même façon.
 Les blancs ne se comportent pas tous de la même façon.
 Les noirs ne se comportent pas tous de la même façon.
 Les ni blancs ni noirs ne se comportent pas tous de la même façon.
 Les mecs ne se comportent pas tous de la même façon.
 Les filles ne se comportent pas tous de la même façon.
 Etc.

Alors ARRETONS AVEC LES AMALGAMES !
Soyons solidaires, jusqu’au bout, quels que soient nos modes d’action !
"Nous sommes tous des casseurs"

Lire aussi :
Aujourd’hui à Grenoble
écrit le 23 mars 2006 à 18h33 par anonyme


Samedi 25 mars 2006

Prison avec sursis pour 13 manifestants interpellés jeudi 23
écrit le 26 mars 2006 à 05h04 par clown furieux

Le 25 mars 2006, le Palais de Justice de Grenoble ouvrait exceptionnellement ses portes un samedi. Après 40 heures de garde-à-vue, 13 jeunes hommes y étaient jugés en comparution immédiate. Long de 8 heures, le procès s’est terminé sur leur condamnation à plusieurs mois d’emprisonnement avec sursis.

Ils étaient accusés d’avoir, jeudi 23 mars durant les affrontements qui ont suivi la manifestation grenobloise anti-CPE :
 participé à un attroupement (c’est-à-dire à un rassemblement non autorisé)
 lancé vers la police un ou plusieurs projectiles (pierres, bouteilles, canettes, boules de terre)
 porté une "arme" (par exemple, une pierre dans sa main)
 incendié le contenu de poubelles vertes
 brisé une vitrine (celle d’un coiffeur Jean-Louis David)
 pris la fuite et donné un coup de poing à une policière (qui est venue témoigner et qui a obtenu un euro symbolique)
 dégradé une porte cochère en voulant l’ouvrir pour se réfugier derrière (la police a constaté "un certain jeu dans la partie basse de la porte").
 ... (j’en oublie peut-être, et l’intitulé des délits était plutôt en jargon juridique)

La plupart des prévenus étaient accusés au moins des deux premiers délits, à quelques nuances près, et ont pris 4 mois de prison avec sursis. Le garçon qui a donné le coup de poing (en se débattant durant son interpellation) est le seul à avoir pris 5 mois avec sursis.

Etonné sur le moment par la brutalité de la police, un garçon a déclaré s’être dit qu’il "n’y avait pas de justice". Il restait dans le gros du groupe émeutier parce qu’il craignait de rentrer seul chez lui en voyant toutes les arrestations arbitraires qui avaient lieu dans les rues alentour. Apparemment il a fini par se trouver un peu trop près d’une poubelle en flammes.

Beaucoup d’autres reconnaissaient avoir lancé des projectiles vers les forces de l’ordre dans un geste de rage ou de dépit, sans chercher particulièrement à blesser quelqu’un, manquant parfois largement leur cible.

Agés de 18 à 22 ans, la plupart des prévenus avaient un casier vierge. L’un prépare un CAP paysagiste, l’autre les concours d’entrée d’écoles d’ingénieurs. L’un a son diplôme d’animateur BAFA, l’autre est SDF depuis trois semaines...

Le tribunal a été particulièrement sévère, suivant de près les réquisitions du procureur, qui demandait, lui, 4 mois de prison dont 3 avec sursis pour la plupart des accusés.

Comme souvent, le juge s’est adressé aux prévenus sur un ton extrêmement paternaliste et moralisateur. Quand ils avaient terminé de raconter leur délit, il leur demandait "alors, qu’est-ce que vous en pensez ? qu’est-ce que vous en dites ?". Il n’obtenait en réponse qu’un silence gêné d’écolier grondé, ou alors un "j’ai eu le temps d’y réfléchir en garde-à-vue" qui évoque bien la machine à culpabiliser que constituent les geôles froides et mornes de l’hôtel de police. Quand les accusés avaient des échéances importantes devant eux (une naturalisation française, des partiels...), le juge enfonçait le couteau en leur demandant s’ils réalisaient ce qu’ils avaient compromis pour leur avenir en agissant comme ils avaient agi. Et quand il leur annonçait le verdict, le même refrain lancinant revenait : "cette peine est un sursis simple, c’est-à-dire qu’elle ne sera pas exécutée si vous ne commettez pas d’autre délit dans les 5 prochaines années. J’espère que cela vous fera réfléchir." Courbez la tête, et restez tranquilles.

(To be continued... compte-rendu rédigé à la va-vite en rentrant du tribunal, il y aurait plein de choses à rajouter, n’hésitez pas à le faire au moyen des commentaires)


28 mars 2006

Manif et émeutes du mardi 28 mars
écrit le 29 mars 2006 à 08h43 par Morgan

A 10h ce matin, mardi 28, sous la pluie, une énorme manifestation anti-CPE partait de la gare en direction du Palais des Sports (au parc Mistral). 60 000 personnes disent les syndicats, ce qui paraît crédible tant il y avait de monde.

De gros cortèges lycéens et étudiants, mais les travailleur-euse-s se sont aussi mobilisé-e-s en masse ! On dirait que tout le monde est là, même le Parti Socialiste, dont on se serait bien passé (quand est-ce qu’on fait dégager ces salauds de nos manifs ?). Rapidement, des centaines de personnes se regroupent en tête de cortège, devançant la banderole intersyndicale "Retrait du CPE" censée ouvrir la manif. Des drapeaux noirs et des tas de manifestant-e-s affluent ainsi en tête de manif, avec derrière eux-elles un service d’ordre (S.O.) tout aussi intersyndical que la banderole, mais beaucoup moins marrant (pourtant la banderole n’est pas spécialement drôle). Un S.O. tendu, qui fait la chaîne de façon permanente, histoire de bien se dissocier du bon millier de personnes qui marche en tête de manif. Les manifestant-e-s peuvent lire des graffiti "Nous sommes tous des casseurs" sur les murs au fur et à mesure de l’avancée de la manif. A sa tête, ça parle de faire dévier le cortège en direction de la préf’, de façon à ne pas tomber dans le piège du concert-buvette proposé à l’arrivée par la CGT, mais à partir des grands boulevards, les rues menant à la préfecture sont bloquées par des cordons de CRS ou de gardes mobiles, de nombreux mecs de la BAC surveillant en groupe les abords du parc Mistral.

Sur le boulevard Clémenceau, la manif stagne un peu, puis finit par rejoindre vers 12h le concert-buvette de la CGT sur le parc Mistral. Le même cégétiste que d’habitude s’empare du micro de la sono et gueule sans conviction "Retrait, retrait, retrait du CPE" et annonce la bonne nouvelle censée nous endormir : "on est 60 000 à Grenoble !". Au programme : merguez, bières, groupes de rock et prises de parole contrôlées et limitées. Des manifestant-e-s demandent à prendre la parole et se font rembarrer par le S.O. de la CGT, qui encercle la scène de façon à ce que personne n’y accède. Des barrières de "sécurité" en métal entourent aussi la scène, c’est très accueillant tout ça, ça donne très envie de faire la fête...

Des manifestant-e-s commencent alors à harceler les abords de la scène du concert, en criant notamment "Grève générale" tandis que le MC de la CGT gueule "Retrait du CPE" (faut bien les remettre à leur place ces jeunes révolutionnaires !). Lors des concerts, il règne une ambiance assez moisie, un membre d’un groupe de rock fait part de sa surprise quant au fait que les cégétistes lui aient demandé de ne pas s’exprimer entre les morceaux...

Un peu plus tard, la sono est sauvagement débranchée. Une fille en profite pour prendre un mégaphone et appeler à repartir en manif (en rappelant que "l’heure n’est pas au divertissement"), en direction de la préfecture. Le temps que tout le monde se rassemble, et voici que vers 13h, un ou deux milliers de personnes traversent le parc Mistral jusqu’à la rue Haxo, bloquée rapidement par de nombreux flics au niveau de la préf’. Nous apercevons alors une énorme banderole anti-CPE déployée sur la Bastille, sur les hauteurs de la Chartreuse.
La manifestation devient sauvage et s’engage dans la rue Jean Bocq, jusqu’à la place Paul Vallier, où se trouve le local de l’UMP ! Quelques dizaines de personnes s’engouffrent dans l’entrée d’immeuble où se trouve le local, tentent d’en défoncer la porte d’entrée, puis finissent par ressortir suite aux menaces d’intervention policière. Les plaques de présentation de l’UMP (et de l’UDF, ils font local commun, faut croire) sont graffitées. Des volets du local de l’UMP sont ouverts, les fenêtres brisées.

A ce moment là, la confrontation entre flics et manifestant-e-s commence vraiment, et ne s’arrêtera pas avant de longues heures. Une ou deux grenades lacrymogènes sont lancées et une première dispersion a lieu.

La majeure partie des manifestant-e-s se retrouvent non loin de la Chambre de Commerce et d’Industrie, au coin du boulevard du Maréchal Lyautey et de la rue Hoche. Les flics se ramènent, de plus en plus nombreux. Nous sommes déjà moins nombreux, et nous avançons sans conviction dans la rue Hoche. Des tas de flics gardent les entrées de la CCI (après que celles-ci aient été forcées, en vain, par quelques manifestant-e-s).

Rue Hoche, une voiture de police nationale est à l’arrêt, face à nous. Il n’y a qu’un policier à son bord, mais la manif n’est pas encore chaude, ça observe avant tout. La moitié des manifestant-e-s doublent la voiture de police, puis celle-ci est caillassée et bousculée. Le flic sort et balance en vrac deux trois grenades lacrymos, aidé dans la foulée par les CRS qui gardent la CCI un peu plus loin. Nouvelle séparation de la manif, tout le monde court, une moitié a le temps de s’engager sur la gauche, boulevard Gambetta (je me trouve dans ce groupe, si d’autres veulent raconter un peu comment ça s’est passé dans l’autre groupe...). Des CRS coupent la rue à ce moment là et l’autre partie de la manif part de l’autre côté.

Nous prenons donc le Boulevard Gambetta jusqu’à la place Gustave Rivet, les flics aux trousses : nouvelle dispersion. Je fais partie de celles et ceux qui se sauvent par l’avenue Albert 1er de Belgique. Les flics ne sont pas loin derrière, on est de moins en moins nombreux, plusieurs d’entre nous trouvant des planques en attendant de se retrouver, plus tard...

Nous arrivons essoufflé-e-s dans le parc Mistral en passant à côté de la Halle Clémenceau, et nous nous apercevons que deux motards de la police nationale nous suivent de près ! Ils arrêtent l’un d’entre nous, et entre l’épuisement et notre faible nombre, nous ne pouvons réagir. Dégoûté-e-s, mais pas abattu-e-s, nous rejoignons la "fête" cégétiste, et là, on s’aperçoit qu’il n’y a plus personne, à part quelques zélés du S.O. ! On peut dire que sur les 60 000 personnes susceptibles d’assister au fameux concert, pas grand monde n’a jugé intéressant de le faire (pourtant, la sono avait été remise en état de marche). Quelques autres manifestant-e-s arrivent sur le parc, on discute un peu de la suite, on se refile des conseils et des infos. Puis on se dirige en petits groupes vers la préf’, le centre-ville... On y croise d’abord des tas de flics, puis pas mal de manifestant-e-s éparpillé-e-s. Il se passe quelque chose en même temps, c’est sûr, mais on ne sait pas bien quoi encore.

Nous rejoignons un important groupe de manifestant-e-s avenue Alsace-Lorraine. Des odeurs de lacrymos, ça a chargé, caillassé, lacrymogéné, du côté de la gare, puis sur le cours Berriat. Avenue Alsace-Lorraine aussi. Nous bloquons le croisement Alsace-Lorraine / Jean Jaurès, mais la flicaille arrive de tous les côtés, notamment la BAC qui déboule du nord du cours Jean Jaurès. Nous filons vers le boulevard Gambetta par des petites rues. Là, l’ambiance est déjà bien chaude, et c’est loin d’être fini !

Tout le monde se rassemble au fur et à mesure sur la place Victor Hugo, qui devient spontanément le point de ralliement des manifestant-e-s. Toutes les issues n’y sont pas bloquées. A chaque fois que les flics s’y pointeront, ils seront caillassés avec divers projectiles trouvés sur place. L’ambiance est plus que bonne entre les manifestant-e-s, ça discute de partout, on s’encourage, on s’entraide (le sérum phy’ et le citron, contre les lacrymos - lacrymos dont les flics ont fait grand usage ce jour là).

Des affrontements sporadiques ont lieu entre la place Victor Hugo et les petites rues du centre-ville. Les flics ripostent à la lacrymo et en chargeant. Un groupe important de manifestant-e-s s’éloigne sur le boulevard Agutte Sembat en direction de la CCI. Des poubelles sont renversées en travers de la route ainsi que toute sorte de mobilier urbain, pour bloquer la circulation, car pendant tout ce temps de confrontation, les voitures circulent tant bien que mal, et c’est parfois dangereux... Arrivé-e-s au coin de la CCI, les manifestant-e-s continuent de mettre un max de trucs en travers de la route. Un automobiliste fait son show et agresse quelqu’un qui mettait une barrière de chantier sur la route. L’agression est de courte durée car tou-te-s les manifestant-e-s alors présent-e-s soutiennent l’action du blocage. Quelques minutes plus tard, des flics arrivent en masse et coursent tout le monde. Nouvelle dispersion. Je me réfugie dans un immeuble, ouvert par un manifestant, qui y cache quelques personnes pendant un moment. Rencontres, discussions, on veut tou-te-s continuer, on est chaud-e-s !

Nous retournons vers la place Victor Hugo, qui se remplit de monde à nouveau. Les flics sont là, armés jusqu’aux dents. La rage est là, "c’est la guerre", ça parle guérilla urbaine et dépassement de la question du CPE. On apprend qu’il y a déjà eu un paquet d’interpellations, que la plupart des personnes arrêtées sont des jeunes maghrébins, ça parle haine de la police et de la justice raciste.

Les lacrymos volent par dizaines, mais la place ne se vide pas. Les projectiles volent également nombreux vers la flicaille. Une dizaine de mecs de la BAC font parfois de courtes apparitions, flashballés et casqués, sortant de la rue du Dr Mazet, mais n’interviennent pas. On se demande à un moment s’ils viennent protéger le magasin d’Air France parce qu’ils bloquent devant pendant quelques minutes, mais finissent par le quitter en marche arrière, pas vraiment rassurés.

A force de charges et d’incessants ballets de lacrymos, les esprits s’échauffent. Quelques voitures en subissent les conséquences. Les vitrines du Quick tremblent, mais ne cèdent pas. Lors d’une salve de lacrymos, une grenade atterrit sur le toit du chapiteau d’une patisserie, qui s’embrase. Par ailleurs, une vitrine de magasin serait tombée en se prenant une balle de flashball. Après la grenade lancée par erreur jeudi dernier chez des particuliers du côté de la préf’, ça fait des bonnes bourdes à l’actif de la police (rires).

L’heure avance, au fil des affrontements, la place Victor Hugo se remplit, puis se vide, puis se remplit. Fatigués de balancer des lacrymos en vain, les flics jouent le jeu de l’apaisement et de nombreux cars de CRS se retirent. Deux ou trois élu-e-s se ramènent avec leurs écharpes bleu-blanc-rouge. A part quelques citoyen-ne-s, tout le monde s’en fout. En tout cas, on sent que des syndicalistes et autres gauchistes sont arrivé-e-s, puisque des "Retrait, retrait, retrait du CPE" sont entonnés. Auparavant, les quelques slogans criés pendant la manif sauvage étaient plutôt "La rue, la rue nous appartient" ou "L’Etat assassine, assassinons l’Etat".

Les syndicalistes (Sud, essentiellement) et les élu-e-s poussent pour partir en manif "tranquille", ça suit, mais les manifestant-e-s restent dans l’ensemble très énervé-e-s. Non seulement rien n’assure que le CPE sera retiré, mais il est clair pour tou-te-s que nous ne sommes pas là seulement contre le CPE. Nous sommes là pour exprimer un ras-le-bol bien plus global, que même la démission d’un gouvernement ne calmera pas. "On va tout niquer, sérieux !"
Des poubelles sont renversées à nouveau sur le boulevard Agutte Sembat mais des manifestant-e-s citoyen-ne-s insistent pour les ramasser et les remettre sur le trottoir. Des discussions s’engagent dans le cortège sur l’intérêt ou non de caillasser les flics, de mettre du bordel dans les rues, etc. mais ce n’est pas toujours le bon moment, des flics en civil pouvant se balader dans la manif avec une oreille indiscrète...

Arrivé-e-s au croisement du tram Chavant, des barricades de fortune sont installées avec les barrières de chantier qui s’y trouvent. La plupart des voies sont bloquées, laissant des espaces pour pouvoir passer à pieds. Un moment d’hésitation divise la foule. La bande à syndicalistes et pacifistes (LCR et autres citoyen-ne-s) veulent nous emmener jusqu’au parc Mistral, on se demande pourquoi (un nouveau stand bière-merguez ?)... Une rumeur dit que les élu-e-s voulaient négocier avec les flics la libération des personnes interpellées, mais personne ne captait bien avec qui illes allaient bien pouvoir négocier dans un parc. Négociations ou pas, la plupart des manifestant-e-s (jeunes des cités, anarchistes, autonomes, révolutionnaires de tous poils, et autres !) appellent à se diriger vers le commissariat, parce que c’est bien là que nos potes sont enfermé-e-s.
"Police partout, justice nulle part", ou justice de classe et justice raciste partout aussi...

Deux bons tiers des manifestant-e-s se dirigent donc vers le comico en prenant par le boulevard Jean Pain, mais la flicaille bloque. Quelques pierres volent vers les flics, qui ripostent assez vite à la lacrymo, en inondant le croisement jusque dans la rue Jean Bistési et l’avenue Jean Perrot, toutes deux empruntées par différents groupes de manifestant-e-s.

La place Pasteur est barricadée vite fait avec du mobilier urbain. les flics se ramènent peu à peu, chargent ou feignent de charger, ça se disperse peu à peu vers le sud, direction le lycée Mounier pour certain-e-s, place Gustave Rivet pour d’autres, sous la menace de la BAC, arrivée en force de l’autre côté du boulevard du Maréchal Joffre. La dispersion paraît définitive à ce moment là, il était 18h30, mais franchement, je n’en suis pas sûr... Peut-être que ça a continué du côté de Mounier ?

Ce qui est sûr, c’est que la ville entière pue la lacrymo, que la ville est jonchée de débris de grenades lacrymo, de cartouches et de balles de flashball, de canettes et d’autres projectiles, ainsi que de poubelles et de leurs déchets déversés, de barrages routiers improvisés avec du mobilier urbain, etc. D’après une dépêche de l’Associated Press, "au moins une voiture* a été renversée et plusieurs autres ont eu leurs vitres cassées. Des incidents moins violents ont également eu lieu en centre-ville où deux vitrines ont été brisées ainsi que dans le secteur de la gare". La violence n’aura pas été extrême mais Grenoble a vécu aujourd’hui une série de petites émeutes, dans toute la ville. Les caillassages et les blocages de rue ont été très fréquents, l’impunité policière a pris un coup sur sa sale gueule, ce qui n’est pas une fin en soi, mais si on veut en finir avec ce monde de merde, il va falloir de toute façon en finir avec sa police (entre autres).

Autre aspect et non des moindres, la plupart des grenoblois-es qui nous croisaient faisaient part parfois d’une rage envers les flics similaire à la nôtre. Petite anecdote, une fille rentrait chez elle cet après-m’ et les CRS lui ont balancé de la lacrymo. Elle a gueulé et ils lui ont répondu "vote à droite !" (rires). La lutte contre le CPE focalise pas mal de mécontentement contre le gouvernement, ou plus largement contre l’Etat et l’organisation sociale du système dont nous sommes dépendant-e-s (notons que la gauche ne sera pas non plus une solution à ces problèmes).

Ce que j’ai trouvé génial et que je tiens à signaler pour contredire les rumeurs sur les "casseurs" et les "cailleras" qui terroriseraient les "gentil-le-s étudiant-e-s", c’est l’excellente ambiance entre tou-te-s les manifestant-e-s (ou entre tou-te-s les "casseur-euse-s", si vous préférez). On était des centaines, des milliers, même, pendant cinq heures on a bougé tou-te-s ensemble, au-delà de nos clivages et de nos statuts ("cailleras, keupons, même combat !"), uni-e-s contre les flics et l’Etat, avec un peu de temps pour avoir de bonnes conversations et, surtout, beaucoup de plaisir à agir ensemble. Il n’y a eu aucune agression entre manifestant-e-s. Il y a eu beaucoup d’entraide. Et il faudra encore plus d’entraide et de luttes communes pour briser la séparation qui existe entre nous, nos vécus, nos parcours, selon qu’on est étudiant-e ou déscolarisé-e, blanc-he ou maghrébin-e ou reunoi-e ou autre. Ce qui est sûr, c’est que dans ces moments ces différences sont invisibilisées entre nous, mais pas aux yeux des flics, qui conservent une mentalité et des réflexes racistes permanents.

La solidarité active doit s’accroître !
La lutte continue !

Ni l’Etat ni la municipalité ne nous feront taire,
NI SARKO NI DESTOT, INSURRECTION !

Ailleurs, les manifs ont mobilisé par millions puisque plus de trois millions de personnes auraient manifesté aujourd’hui !
http://auvergne-indymedia.org/IMG/j...

Apparemment il y a eu des débordements également à Paris, en banlieue parisienne, à Rennes, Lille, Caen, Toulouse, Rouen, Dijon, etc.

— 
* Une voiture de police ? il se dit qu’une voiture de flics a été retournée. Bon, moi je l’ai pas vue, hein. C’était impossible de tout voir, de toute façon.

Commentaires :

Voitures sens dessus dessous écrit le 29 mars 2006 par anonyme

Il y a effectivement au moins 3 voitures qui ont été retournées et des vitres brisées, sur le parking de l’Hôtel de ville. Ça s’est passé après qu’un groupe ait décidé de se diriger vers le commissariat. Après quelques mètres, des caillasses ont été lancées en direction des CRS qui protégeaient le local de l’UMP. Lacrymos. Des minots ont alors détalé dans le parc et retourné des voitures pour faire comme à la télé. Ce qui est vraiment bien, c’est qu’à ce moment là, il n’y a pas eu de violences entre manifestants (violents vs pacifistes). Quelques dégâts matériels, c’est tout ! Pour celles et ceux qui n’y voient que vandalisme et aucun intérêt politique, tant pis. Mais c’est dommage de ne retenir que ça. Dans tous les cas ça ôte un argument aux gens (à gauche notamment) qui voyaient des les "émeutes" de novembre des choses inadmissibles. Souvenez-vous de "la voiture du prolo". Si des gens étaient scandalisés par les feu de voitures qui touchaient les pauvres gens du peuple (entre parenthèses ça reste du matériel !), ils ne trouveront donc rien à redire sur le déplacement des "émeutiers" vers le centre-ville. Ce sont les voitures des bourgeois du centre qui sont maintenant visées. Faudra trouver d’autres arguments...

Quant à la voiture de flics qui aurait été retournée... je crois qu’il ne faut pas trop s’enflammer. Toujours est-il que j’ai rien vu de cela !

Quelques précisions sur les affrontements de la gare... écrit le 29 mars 2006 par Jordan

Bon, déjà je crois bien qu’il y avait DEUX flics dans la voiture caillassée rue Hoche... Bref.

Après la dispersion de la place Gustave Rivet, certains sont remontés vers le centre-ville. Un bon millier de personnes s’est spontanément rassemblé place Grenette et Félix Poulat, entourés par les CRS. Les manifestants sont partis vers la gare en renversant quelques poubelles et en déplaçant ou en emportant un peu de matos de chantier type grilles métalliques.

Arrivés sur la place de la gare, on a vu arriver en trombe plusieurs véhicules de police et de CRS. Le gros du cortège était encore sur Alsace-Lorraine quand les premières lacrymos ont volé. Mais les gens présents étaient bien remontés et éteignaient ou renvoyaient les lacrymos, en ré-avançant sur la place pour narguer les keufs et balancer quelques projectiles dans leur direction.

Un papy avançant péniblement avec sa canne s’est fait copieusement gazer, y compris quand des manifestants ont essayé de le mettre à l’abri dans un café.

Un grand nombre de personnes ont reflué vers le cours Berriat, et on sentait effectivement que tout le monde (banlieusards et blancs becs anarchistes) était prêt à en découdre et à rester solidaires.

Des lacrymos et une charge ont fait reculer les manifestants (émeutiers ?) vers Jean Jaurès. A ce moment plusieurs cars de CRS arrivant sur l’avenue ont tenté de nous encercler. Je crois qu’alors beaucoup se sont dispersés dans les petites rues adjacentes pour se planquer... Il n’était alors qu’environ 15h30, ça ne faisait que commencer !

Des flics voltigeurs à Grenoble écrit le 30 mars 2006 par anonyme

Durant les affrontements de ce mardi j’ai pu voir de mes propres yeux des flics voltigeurs c’est à dire un motard et assis derrière lui un CRS avec l’équipement qui va avec. Ils sont chargés d’arréter les gens notamment en les fauchant au passage avec leur matraque grâce à la vitesse de la moto. Cela leur permet de se faufiler dans la foule et d’être ultra mobile. D’habitude ils se déplacent à plusieurs mais il n’y avait que deux motos hier à Grenoble. Ce qui est étrange c’est que cette technique anti-émeutes a été crée en 86 puis interdite la même année après la mort de Malik Oussekine, un étudiant parisien qui s’est fait tuer par des voltigeurs. Cette technique étant jugée trop dangereuse.

Si quelqu’un a pris des photos, je pense que ça peut être intéressant de les envoyer à Indymedia.

Lire aussi :
Grenoble : 5h de Rage urbaine
écrit le 29 mars 2006 à 13h22 par autonom enragé
et :
Manif de Grenoble
écrit le 28 mars 2006 à 22h06 par ...
et :
Récit à chaud : Mardi anti-CPE à Grignoble
écrit le 28 mars 2006 à 15h46 par anonyme
et :
La chasse aux manifestants
écrit le 30 mars 2006 à 13h01 par Cédric


Jeudi 30 mars 2006

Echec du blocage, deux interpellations et pseudo manif encadrée par des dizaines de gendarmes mobiles
écrit le 30 mars 2006 à 09h01 par Pablo

Le rendez-vous était donné à 6h30 au parc Paul Mistral, plusieurs centaines de personnes avaient répondu à l’appel. Quelques groupes se sont formés pour aller renforcer les blocages des lycées. Le gros de la troupe se dirige vers la place de la Nef Chavant. Les gendarmes se tiennent boulevard du maréchal Lyautey, entre autres. Il sont matinaux, première, deuxième sommations, nous descendons en rangs serrés vers la place Pasteur, suivis de près par quatre fourgons. Puis la place Gustave Rivet devant le Beaulieu où nous sommes encerclés de très près par les gendarmes. Nous décidons de faire un sit in pour bloquer le carrefour. C’est à ce moment qu’intervient la première charge pour prélever deux militants sûrement préalablement choisis. La tension monte, nous restons sur nos positions, un cordon humain est chargé de protéger les personnes assises. Deuxième charge par derrière. Quelques coups de matraque, on serait un peu frustrés sinon, et on pousse, on pousse pour dégager le carrefour. Nous restons ensemble pour se diriger en cortège sous bonne escorte, des gendarmes à gauche à droite devant derrière, la BAC à peine discrète, vers le cours Jean Jaurès, nous empruntons le boulevard maréchal Foch.
Fin provisoire (vous pouvez raconter la suite).

Ce n’est qu’un début, continuons le combat.
Et n’oublions pas : "Qui aime bien châtie bien !"

Et enfin, citation de l’espèce de colonel Kurtz robocopisé qui dirigeait l’opération : "si vous voyez des casseurs, vous les expulsez." Alors que nous étions gentiment encadrés de tous les côtés.

Manif au ralenti en remplacement des blocages prévus...
écrit le 30 mars 2006 à 10h36 par Max

J’étais au rendez-vous ce matin au parc Mistral, dans l’objectif d’aller bloquer des axes de circulation.
Voir l’appel de la coordination nationale étudiante.

Le récit ci-dessous répond partiellement à celui de Pablo. Récit dans lequel je me retrouve bien, mais je voulais y ajouter quelques précisions...

En effet, j’ai senti tout le monde assez soumis et résigné malgré les slogans du type “tous ensemble, tous ensemble, grève générale !”... Comme Pablo, je ne suis pas resté jusqu’au bout. Je n’ai pas pu tenir. Pourtant, mardi dernier, j’y étais de 10h à 18h30 !

Arrivé vers 7h moins des brouettes, j’ai suivi un groupe de blocage vers 7h et des brouettes tandis que deux ou trois autres groupes partaient aider des lycéen-ne-s dans leur blocage face aux menaces de déblocage policier depuis les propos du ministre Robien et son vieux style gaulliste qui peut rappeler la fermeté de Papon entre autres bons souvenirs réactionnaires...

Du parc Mistral, nous avons immédiatement rejoint le carrefour de la Nef Chavant pour le bloquer. Les flics étaient au coin et sont venus faire les premières sommations nous imposant de dégager vite fait. Le rapport de force était posé, directement. Qu’allait-il se passer ? Allions-nous désobéir ? Non, en tout cas pas tout de suite. Nous prenons la rue Bistési puis les grands boulevards en direction du pont de Catane. Nous marchons très lentement et les flics nous encadrent très vite, avec un garde-mobile tous les 2m50 environ, genre flicage à l’allemande...

Lorsque nous nous arrêtons, des "charges" sont déclenchées par la police. Deux personnes sont arrêtées sans raison lors de la première tentative policière de faire déguerpir tout le monde du boulevard. Des coups sont assenés par les flics aux étudiant-e-s et lycéen-ne-s "pacifistes". Coups de matraque et coups de poing dans la gueule sont donnés gratuitement par les flics, sans réaction autre que des slogans niais du type “Non-violence !”, “On est pacifistes”, ou encore pire... “On n’est pas des casseurs”. Les flics cassent des gueules, et nous tendons l’autre joue. Si j’avais su que j’allais à une manif catho, je serais resté dormir dans la galerie des amphis. Je peux apprécier la pertinence de slogans du style “Des calins, des bisous” lorsque ceux-ci sont criés à des fins stratégiques pour calmer les CRS ou les gardes-mobiles, mais de là à se dissocier des “casseurs” (dis papa-flic, c’est quoi un casseur ?) ou à me/nous faire passer pour ce qu’on n’est pas, devant les caméras de surcroît... Il est certain qu’encadrés de tous les côtés par de nombreux gendarmes mobiles + la BAC (Brigade Anti-Criminalité), le rapport de force n’était pas en notre faveur. Mais nous étions facilement 200 (sûrement plus), et eux nettement moins nombreux, même si cinq camions de gendarmes mobiles nous suivaient, ainsi que quelques fourgonnettes de la police nationale. Les flics se sont sentis tout heureux, à mon avis, de pouvoir frapper sur des gens sans aucune réaction. Assez vite, suite aux coups, nous avons continué à marcher, assez lentement toujours, scandant quelques “Police partout, justice nulle part”, mais surtout des slogans inoffensifs genre “Un pas en avant, trois pas en arrièreuh, c’est la politique du gouvernement”...

L’espèce d’inertie et l’absence d’intelligence collective de tout ce groupe s’explique en partie par l’omniprésence d’étudiant-e-s réformistes mous et molles, et par le noyautage de l’action par la bande de l’UNEF, dont certain-e-s étaient muni-e-s de talkie-walkies (ce qui peut être pratique quand tout le monde profite des infos qui circulent à travers eux, mais là c’était plutôt ambiance leadership et suivisme).

Nous nous sommes donc laissé-e-s encercler par les gendarmes mobiles, et cet état de fait n’allait pas cesser. Au bout du boulevard Foch, nous avons pris le cours Jean Jaurès, en direction de la porte de France. La petite manifestation a continué et je suis parti vers 9h40 au croisement de la ligne de tram, au niveau de l’avenue Alsace-Lorraine. Tout cela était dépitant. Vivement le retour des manifestations sauvages, libres et non-encadrées !

(Alors, ça s’est terminé comment cette manif pseudo-blocage ? Finalement tout l’monde s’est réveillé et révolté, ou quoi ?)

France-Info annonçait vers 10h que des blocages avaient (eu) lieu à Amiens, Dunkerque, Aix-en-Provence et Chambéry (où des palettes ont été brûlées sur une route). D’après la même radio de propagande gouvernementale, le blocus de lycées continuait, notamment à Lille, Nantes, Rennes... et Grenoble ! Selon le journaliste, ces blocages rendaient "la situation inquiétante". Il est vrai que tout cela est très dangereux et violent. Beaucoup plus qu’une matraque policière, que l’enferment carcéral ou que la mise au travail forcé permanente (le salariat ou la mort).

Commentaires :

Fin du blocage écrit le 30 mars 2006 par anonyme

Nous avons continué à marcher sur le cours Jean Jaurès jusqu’au croisement avec Berriat. Là, des CRS nous attendaient pour nous empêcher de bloquer le carrefour de la Porte de France.
Les "meneurs" ont commencé à négocier avec les flics. Une fille a ensuite pris le mégaphone pour dire qu’on "pouvait" rester encore un quart d’heure au carrefour avant de se disperser. C’était surréaliste ! Heureusement quelques personnes sont intervenues pour protester contre ce confinement. Nous sommes restés un moment en face à face avec les flics.
La foule s’est dispersée progressivement. Puis quelqu’un a appelé à rejoindre les bloqueurs de lycées rassemblés place Victor Hugo pour décider de la suite des évènements.
Un rendez-vous a été donné devant la CCI à 14h pour partir en manif jusqu’au tribunal en soutien aux inculpés qui passent en comparution immédiate aujourd’hui.

Bref, c’est un échec navrant. La prochaine fois il faudra mieux s’organiser si on veut avoir un impact. Et, quand on vient faire ce genre d’actions, on sait à quoi s’attendre par rapport aux flics. Reculer devant la moindre menace n’a aucun intérêt. Alors que ceux qui ont peur des lacrymos restent chez eux !

Récit de la fin de "manif"
écrit le 30 mars 2006 à 17h11 par Marie

En réponse (et complément) à l’article de Max :

Au croisement Jaurès-Alsace Lorraine, les cordons de gendarmes se sont brusquement retirés vers l’arrière, en fait pour remonter dans leurs fourgonnettes et rejoindre leurs quelques copains CRS qui nous attendaient déjà porte de France. Donc, au croisement Jaurès-Viallet, on s’est retrouvés tout cons devant cinq fourgonnettes et quelques dizaines de tortues ninjas. En même temps c’était prévisible.
Après quelques minutes de flottement où les militants de l’UNEF semblaient complètement perdus, où pas mal de manifestants trouvaient ça scandaleux qu’on reste là sans rien faire (déjà qu’on s’était laissés diriger comme des moutons), les organisateurs ont demandé la dispersion, en invitant tout le monde à se rejoindre à 14h au palais de justice pour soutenir les manifestants jugés cet après-midi. Manière de dire "On fait quand même quelque chose".

Sachant qu’au carrefour du Beaulieu, quelques flics et mecs de la BAC sont arrivés sur nous alors que nous étions assis, ont chopé trois mecs, accessoirement foutu un pain à un autre qui pissait le sang du nez [nez cassé], je ne comprends pas qu’on se soit ensuite tous laissés faire ; j’entendais, plus loin dans le trajet, un mec derrière qui racontait que c’était sa première manif depuis qu’il était sorti de garde à vue, et qu’il était "dégoûté de voir ça" ; je pense aussi aux deux mecs qui ont été embarqués ce matin ; et à tous ceux qui, interpellés ou non, se sont pris des coups de matraque, des lacrymos dans la gueule et autre joyeusetés depuis le début du mouvement ; bref, je pense à tous ces gens et je comprends parfaitement que quand tu vis ça ou que tu vois ça, t’as du mal à ne pas avoir envie de lancer, à la prochaine confrontation avec la police, des insultes et des bouteilles.
Je suis écoeurée par la police française, dont la fonction est, il me semble, de protéger les citoyens, et qui au lieu de ça les fait taire par la violence. Et aussi très déçue par la mollesse de réaction des manifestants face à ces injustices.

PS : au passage, quand on s’est fait charger par les CRS pendant le sit-in, un des CRS a dit "j’vais tous vous niquer, un par un !". Je pense que ça se passe de commentaires.

Commentaires :

Des calins et des bisous écrit le 30 mars 2006 par Lauralina

Beh ouais, et honnêtement, je ne l’aurais pas cru si je ne l’avais pas vu et vécu mardi dernier... J’ai vu des jeunes et des moins jeunes se faire charger par les CRS quand ils "chantaient" "des bisous" ou "faites l’amour"... Qu’on ne vienne pas me dire que ce qu’on a fait c’était de la provocation...

Rôle de la police écrit le 31 mars 2006 par Maatt

Comme je le lis écrit naïvement dans cet article, le rôle de la police n’est pas de protéger les citoyens... historiquement, et sans même avoir besoin de remonter au XIXème siècle, le rôle de la police n’a jamais été de protéger les citoyens, mais de maintenir l’ordre... et qu’est-ce l’ordre ? c’est l’ordre de la bourgeoisie, de la propriété et du capital ; résultat : ce qui empêche la bourgeoisie de continuer à accroître ses profits est une atteinte à l’ordre et la police intervient, au besoin par la force... Ne vous y trompez pas, les violences policières vont s’amplifier... Il n’y a qu’une mobilisation déterminée à aller jusqu’au bout qui puisse faire plier le gouvernement...


Vendredi 31 mars 2006

Récit de la manif de nuit du 31 mars
écrit le 1er avril 2006 à 03h42 par un ami en pyjama

Au soir de la décision par notre Président de la République, monsieur Jacques Chirac, de promulguer la loi sur le CPE, une manifestation spontanée a eu lieu à Grenoble. 1 000 à 3 000 personnes se sont rassemblées sur la place Victor Hugo vers 20h30 / 21h : beaucoup de non-encarté-e-s, des étudiant-e-s, des lycéen-ne-s, des jeunes de partout (cailleras, punks ou j’sais pas quoi), des autonomes, des anarchistes, ainsi que des membres de groupes politiques réformistes (CGT, PCF, UNEF, ...).

Très vite nous nous sommes mis-es à bloquer le croisement situé entre la place Victor Hugo et la place Félix Poulat, entonnant l’habituel "Retrait retrait retrait du CPE". Une cinquantaine de personnes de l’UNEF (ou proches) se sont assises et on demandé à tout le monde de faire de même. Mais il n’y avait pas de répondant... Pas grand monde n’avait envie de s’asseoir. Avec leurs habituelles menaces en l’air sous formes de slogans "Retrait du CPE, ou alors ça va péter, ça va péter !", la bande à l’UNEF nous fait bien marrer. C’est les premier-e-s à calmer le jeu quand ça déborde, les premier-e-s à quitter les manifs au moment de la fin "officielle", ils feraient mieux de chanter "Retrait du CPE, ou alors on va s’asseoir, on va s’asseoir !"

L’UNEF incitait fortement a rester sur place, à ne pas faire de remous, à faire dans le "symbolique, pour les caméras"... Ce qui n’était pas vraiment du goût de la vaste majorité des personnes présentes. Nous sommes donc parti-e-s en manif après un petit tour de place, en direction de la préfecture. "Ni CPE ni CDI, Autogestion (ou Autonomie)", les slogans commençaient à se diversifier, ce qui n’était pas plus mal. L’ennui, c’est que si des "On est tous des casseurs" étaient repris, on entendait aussi des plus regrettables "Chirac en prison !" (toujours plus de répression, à quand le thème de l’insécurité dans les slogans ?) que des "A bas les prisons" ou "Les prisons au feu, les matons au milieu" avaient bien du mal à recouvrir.

Toutefois, l’ambiance était plutôt agréable, pas hyper dynamique, et à peine gâchée par les tentatives de manipulation de l’UNEF (dont les leaders locaux étaient présents en force, la prochaine fois ils pourront rester chez eux hein - de les voir discuter avec les keufs en civil sur le côté de la manif nous a bien foutu la gerbe, même si ce n’est pas vraiment surprenant). Sur le boulevard Agutte Sembat, un des leaders s’est mis devant pour pousser les manifestant-e-s à se diriger vers le parc Mistral, mais ça a été un bide complet. Tout le monde a pris la rue Lesdiguières en direction de la place de Verdun (préfecture).

Le cortège était alors gros de plus de 2 000 personnes à mon avis. Des étudiant-e-s de l’UNEF se sont mis à faire la chaîne en tête de manif, comme pour empêcher ce dont illes redoutent le plus : que ça pète ("... ou alors ça va péter, ça va péter !"), mais tout de suite de nombreuses personnes les ont doublé, et se sont mises à leur chourrer leurs drapeaux UNEF qui commençaient à donner une teneur réformiste que la manif n’avait pas vraiment.

Sur la place de la préf’, tout le monde se tasse au niveau des buissons qui séparent les manifestant-e-s des CRS, qui font profil bas (ils sont très calmes, la BAC n’est pas là, les camions / renforts sont bien cachés quelques rues plus loin). Des slogans comme "Liberté pour tous les émeutiers" sont entonnés.

De longues minutes passent sans que rien ne bouge. Des manifestant-e-s impulsent un nouveau départ en manif, vers l’hôtel de police. "La rue, la rue nous appartient".

Devant le commissariat, la tension monte encore d’un cran après la tension ressentie déjà devant la préf’. Mais une espèce de sérénité semble régner au sein de la manif. Des prises de parole au mégaphone se succèdent. Les mecs de l’UNEF la mettent en veilleuse. Ils font bien. Une femme explique son ras-le-bol des médias qui tentent toujours de séparer les manifestant-e-s en gentil-le-s étudiant-e-s ou lycéen-ne-s d’un côté et de vilains casseurs (forcément au masculin d’après les médias) de l’autre. Elle rappelle que dans les manifs, quels que soient nos modes d’action, ce qui nous rassemble, c’est une colère commune (et ce, jeunes ou moins jeunes, d’ailleurs). D’autres interventions suivent, et bizarrement c’est plutôt sympa. On se fout de la gueule des flics, on sent que la lutte continue, pas de discours politicard, ça change des sonos de la CGT en fin de manifs officielles...

Plusieurs minutes après, tandis que des "Police partout, justice nulle part" sont lancés à la flicaille, nous repartons en manif, passant devant le Musée de Grenoble et traversant le centre-ville jusqu’à la place Victor Hugo, en faisant un sacré boucan mais sans mettre trop de bordel non plus (du mobilier urbain à peine bousculé, quelques affiches publicitaires arrachées ou détournées, ...).

Place Victor Hugo, la manif a déjà pas mal dégorgé. Nous sommes alors moins d’un millier, mais l’ambiance est toujours bonne. Quelques manifestant-e-s s’assoient par terre, d’autres empruntent (sans autorisation, faut pas rêver) une quinzaine de chaises au "Quick" d’en face pour s’asseoir plus confortablement, ça discute des tous les côtés et ça se termine plutôt tranquillement.

Vers minuit et quelques, il restait une ou deux centaines de personnes au milieu de la route entre les places Victor Hugo et Félix Poulat. La dispersion se faisait progressivement.

La manif n’a pas pu être encadrée par les syndicats (l’UNEF a échoué dans son entreprise pas discrète du tout), mais tout s’est passé sans débordements. Au moins, on ne pourra pas dire que ça dégénère forcément quand les manifs sont prises en main par des anarchistes, des étudiant-e-s radicaux-radicales et leurs ami-e-s punks et cailleras ! Les "casseur-e-s" se sont tenu-e-s tranquilles.

Une fois n’est pas coutume. Mardi 4 avril, ça risque d’être chaud à nouveau. L’Etat n’entend pas la colère qui se généralise, une "Union pour un mouvement populaire" est pourtant clairement constituée à travers le pays... pour en finir avec l’UMP, et le reste.

Post-scriptum : Pour celles et ceux qui voudraient réfléchir plus sur la question de la prison, de la justice, de l’enfermement, je conseille (parmi tant d’autres) deux textes :
 "Lettre à mon assassin - Quelques réflexions peu citoyennes sur l’idée de justice", texte anonyme
 "Pourquoi faudrait-il punir ? Sur l’abolition du système pénal" de Catherine Baker


4 avril 2006

Récit à quatre voix de la journée du 4 avril
écrit le 5 avril 2006 à 04h27 par Ecriture collective

Voix E

De 10h à un peu plus de 12h, plus de 60 000 personnes (selon la CGT) ont défilé de la gare jusqu ’à la place de Verdun, ce mardi 4 avril 2006. C’est au moins autant que la semaine dernière, et surtout : c’est énorme. Comme d’habitude, la banderole intersyndicale (censée être en tête de manif puisque les syndicats en sont les « organisateurs » - drôle de logique quand on sait que la plupart des manifestant-e-s sont lycéen-ne-s ou étudiant-e-s, majoritairement non-syndiqué-e-s) a été submergée par des tas de manifestant-e-s « indépendant-e-s », « autonomes », agissant hors des orgas et de leurs cortèges souvent moribonds. Cette fois, il y avait plus de monde que jamais en tête chaotique de manif : plusieurs milliers de manifestant-e-s, dans la joie et la bonne humeur malgré les pressions du service d’ordre intersyndical, submergé lui aussi. Dans le cortège de tête de manif, il y avait cette fois quelques banderoles : « Tou-te-s uni-e-s contre l’Etat et ses flics », « La carotte ou le bâton ? » (avec des graffs et des dessins), « Vizille en colère », etc.

A noter que la tête joyeusement chaotique de manif a bifurqué entre le cours Gambetta et le boulevard Agutte Sembat, pour finalement attendre tranquillement l’arrivée du reste de la manif (à peine quelques minutes, en fait). Par ailleurs, des pétards ont été lancés au milieu des petits cortèges du Parti Socialiste et d’Attac, histoire de les dynamiser / dynamiter un peu...

Arrivé-e-s devant la préf’, place de Verdun, ça stagne, la sono cégétiste retentit comme à son habitude, se targuant du nombre de manifestant-e-s ici et ailleurs (dans les rares villes qui ont la mauvaise idée comme ici de faire des manifs le matin), et gueulant poussivement « Retrait, retrait, retrait du CPE » (quelques camions-sono lors de la manif, notamment ceux de la CGT, de FO ou de la CFDT, faisaient aussi de la peine à entendre, dans un style proche de la beauferie des animations de mariage...). Cette fixation sur le CPE n’en finit pas d’étonner la plupart des manifestant-e-s vu que nous sommes quasiment tou-te-s là pour protester contre bien plus que le CPE (le CNE, l’ensemble de la loi dite de « l’égalité des chances », le gouvernement, etc.).

Peu après 13h, environ 500 personnes quittent la place (déjà bien éclaircie), par la rue Beyle Stendhal : « Ni CPE ni CDI, autonomie ! ». Sur le boulevard du Maréchal Lyautey, nous prenons à droite en direction de la porte de France. Sur le chemin, jusqu’au bout du boulevard Edouard Rey, des poubelles sont renversées, des barrières de chantier mises en travers de la route. Un blocage de l’entrée du pont de la porte de France est improvisé pendant une quinzaine de minutes, au bout desquelles des flics déboulent en masse. Ils divisent la manif en deux parties, quelques dizaines d’entre nous se retrouvant de l’autre côté de l’Isère. Mais il reste au moins un millier des personnes pour repartir sur le cours Gambetta, passant devant une bonne quinzaine de flics de la BAC (déjà casqués, cagoulés, armés). « Police partout, justice nulle part ».

Nous prenons à droite sur le cours Berriat, l’ambiance est bonne, jusqu’à ce que nous croisions un notoire magasin de fachos (Terres celtiques), devant lequel trônaient trois fachos à l’air patibulaire, dont l’un d’entre eux habillé dans un style « nazi-skinhead » propre à éveiller le combat antifasciste. Un groupe de personnes se met à les insulter, à leur dire de dégager, mais ils ne bronchent pas. L’un d’entre eux sort sa matraque téléscopique, se fait bousculer. C’est à peine s’il ne sort pas ses grosses couilles en faisant mine de ne pas avoir peur alors qu’on est des milliers et qu’ils sont trois ! Il se prend des coups, se retrouve à terre et manque de se faire lyncher ! Des manifestant-e-s interviennent pour stopper l’échauffourée, une espèce de confusion s’en suit, les nazis flippent vraiment, là, ils se font caillasser (toujours à côté de leur magasin de merde) et heureusement pour eux les flics arrivent en trombe pour les protéger (la BAC, surtout).

La manif suit son cours et s’engage sur le cours Jean Jaurès en direction du sud. Je me retourne et j’hallucine : nous sommes plusieurs milliers ! Au moins 5 000 ! Il y a du soleil, l’ambiance est au beau fixe, le Mc Donald’s prend des coups et des graffitis (« Mort au capitalisme, feu au Mc Do »). Un mec escalade le mur et brise l’enseigne du Mc Do. La foule semble heureuse et continue d’avancer. « Ni Etat ni patron, autogestion ! ».

Plus loin, nous retrouvons le cours Gambetta, les flics se font discrets, mais nous ne sommes pas dupes : ils jouent l’apaisement... et le quadrillage ! Ils sont partout dans la ville (combien sont-ils, d’ailleurs ?). En entrant sur la place Victor Hugo, j’apprends qu’en fin de manif il y a sept voitures de keufs (de la BAC, encore) qui suivent de près la gigantesque manif sauvage.

Nous nous enfonçons dans les petites rues du centre-ville. La tension monte d’un cran. La plupart des manifestant-e-s rejoignent la place Grenette et la rue Félix Poulat, où un car et sept camions de CRS font face au Mc Do (encore, hé oui). Plus loin, la vitrine d’un magasin Bouygues tremble, mais les coups de pieds ne suffisent pas à la faire céder. Des milliers de personnes font face aux nombreux flics sur la rue Félix Poulat. La situation est très étrange car tout le monde est très près des flics, mais ça ne dégénère pas. Des fumigènes, des pétards et quelques canettes volent sur les flics et leurs véhicules à l’arrêt, mais ils ont ordre de ne pas répondre. Des flics plus discrets prennent des tas de photos... Après de longues minutes passées en plein soleil face aux flics, la manifestation sauvage reprend son cours (mais une bonne partie des gens ne s’en aperçoit pas nécéssairement, nous ne sommes « plus que » 1 000 à 3 000 personnes). Nous reprenons le boulevard Edouard Rey (des barrières de chantier sont à nouveau mises en travers de la route), puis la rue du Dr Mazet, pour nous trouver à nouveau à l’entrée du pont de la porte de France... Il est environ 15h30 et nous traversons le pont.

*****

Voix F

15h30. On traverse le Pont de la Porte de France, direction l’autoroute. Ben oui, parce que « l’autoroute, l’autoroute, nous appartient ! »... On est 3 000 peut-être, et on envahit le bitume brûlant, forçant les voitures à s’immobiliser. Mais au bout de quelques centaines de mètres, un barrage de gardes mobiles de la gendarmerie est là qui nous attend. Ils ne sont vraiment pas nombreux, mais comme trop souvent nous ne croyons pas dans cette force du nombre, et nous nous arrêtons. Les premiers gaz sont lancés peu après, au milieu des voitures à l’arrêt. Après environ 20 minutes de « résistance » au milieu des voitures, nous assistons au retrait des flics. Oui, oui, ils s’en vont et nous laissent planté-e-s là, sous le soleil sur l’autoroute déserte (ben oui, la circulation a été coupée en amont). Ah ben ça alors... Et alors là, les mystères des mouvements de foule font que la masse des manifestant-e-s, criant victoire (heu ouais...), fait demi tour et s’en repart vers le pont de la porte de France. Bon. Je crois pas trop à la victoire en question, hein, mais je suis le mouvement, parce que bon, je vais quand même pas rester toute seule au milieu de l’autoroute, ce serait dommage... Nous revoilà donc quelques minutes plus tard sur le fameux pont, mais qui c’est qui nous attend de l’autre côté, bloquant l’accès au rond point de l’Europe ? Ben oui, c’est eux, là, les méchants CRS. Ah bon, on n’avait pas vraiment gagné, alors ? Oooh... Et puis là on se rend compte qu’en plus ils bloquent tous les ponts sur l’Isère, nous interdisant tout accès à la ville. Pendant plusieurs minutes, la foule va rester massée sur le pont. Et puis à un moment, va savoir comment tout commence, y’a une, deux, puis trois fusées rouges qui partent, c’est les sommations de dispersion. Et puis là ils se mettent à gazer comme des oufs, j’avais jamais vu ça, je sais pas combien de lacrymos ils ont balancé, mais plein, en tous cas. Y’a même une des grenades « défensives-explosives » qui a mis le feu aux vêtements d’un manifestant. Moi, au moment de la charge, je suis partie en courant vers les quais, avec plein d’autres gens. On est allé-e-s jusqu’au pont suivant en espérant pouvoir passer, mais un cordon de CRS nous y attendait. « Allez jusqu’au pont suivant », qu’ils nous disent. Ben, un peu bêtes, on y va. Et puis c’est pareil, cordon de CRS, « Allez jusqu’au pont suivant ». Ouais. Bon. On essaie de leur mettre la pression, on se fout un peu de leur gueule, histoire de se détendre, mais ça fait pas avancer le schmilblick (oui, oui, ça s’écrit comme ça). Et puis tout d’un coup sur le dernier pont (le pont provisoire, qu’ils l’appellent), les manifestant-e-s groupé-e-s réussissent une percée, et le cordon de CRS recule progressivement jusqu’à laisser passer complètement les manifestant-e-s. Cool. Nous revoilà du « bon côté » de la ville. Il est entre 17h30 et 18h. Reste à tenter de se regrouper...

*****

Voix G

Moi, en fait, j’étais de l’autre côté du pont, côté ville, parce que je suis arrivée après que les CRS aient bloqué le pont et j’ai pas pu rejoindre le gros de la manif. On était pas mal dans ce cas-là, et y’avait aussi des gens qui au retour du blocage de l’autoroute avaient eu le temps de traverser le pont avant qu’il soit pris par les flics. Alors on était au première loges, on a bien vu tout ce qui s’est passé pendant cette horrible charge. J’ai vu d’abord un petit groupe de gens qui se trouvait sous le pont, lancer des trucs sur les flics pendant que ceux-ci gazaient les manifestant-e-s ; j’ai vu les flics se rendre compte de l’origine des projectiles, j’ai vu un flic se pencher, viser une des personnes avec son flash ball, et tirer. J’ai vu la personne tomber à terre. J’ai vu les flics envoyer des lacrymos dans cette direction. J’ai vu les autres personnes qui étaient autour de la victime, résister comme elles pouvaient aux gaz et transporter la personne, toujours à terre, pour la sortir du nuage de lacrymo. J’ai vu une personne, au même moment, aveuglée par les fumées des gaz, sauter de trois mètres de haut par dessus un muret pour échapper aux lacrymos. J’ai vu les secours arriver, de trop longues minutes plus tard, et devoir venir à pied jusqu’aux victimes puisque les CRS bloquaient le pont. J’ai vu les flics charger les personnes qui se trouvaient au milieu des victimes, pendant que les pompiers essayaient de les secourir. J’ai vu les pompiers transporter la personne qui avait été touchée par le flash ball dans leurs bras jusqu’au camion, j’ai vu cette personne inconsciente... J’ai aussi vu comment, au moment de la charge sur le pont, les équipes de la BAC coursaient les gens dans le parc des trois dauphins au-dessus du pont, et matraquaient ceux qu’ils arrêtaient.

*****

Voix H

Sur l’autoroute. Nous sommes des centaines, là, un peu désemparé-e-s. On tient cet espace, cet énorme lieu de transit de biens, de travailleuses, de travailleurs. Et qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Longues minutes d’attente. Je cause avec tonne de gens que je ne connais pas. Forcément vu que je suis pas trop accompagné à ce moment. Avec des étudiant-e-s, des lascars et d’autres, on se dit que c’est un peu stupide cette affaire, qu’on serait plus à l’aise au centre-ville, qu’on perd un peu notre énergie, isolé-e-s sur cette route. Les flics à 200m se regroupent, sur notre droite les forains du parc d’attractions posé sur l’esplanade se protègent des éventuelles lacrymos et commentent la situation, ils sont pas trop potes avec les flics dans la vie. Ils nous disent qu’ils viennent de jeter un groupe de gendarmes mobiles qui voulaient se positionner en ligne tout le long de leurs caravanes juste à côté de nous sur la route, mais sans qu’on puisse les voir, pour bloquer celleux qui voudraient fuir par là. Les forains avec qui je cause disent qu’ils veulent bien nous couvrir si on doit fuir par là, « sauf les racailles ». Super... Petite embrouille qui commence avec eux, lorsque les flics chauffés par les canettes qu’ils commencent à se prendre envoient les lacrymos, et on reflue, foule toute affolée, sous un feu pas si nourri. J’ai du citron et du sérum et en refiler aux gens me permet de causer, rencontrer, c’est bien. On revient et tous les ponts sont bloqués. L’énergie s’en va au soleil, tout le monde est crevé, aucune cible sur laquelle se défouler, on traîne, on circule, puis on se masse sur le premier pont, la tension monte, deux flics en civil qui se cachent pas sont là. Quelques « gentils manifestants », bien raisonnables et qui désirent se différencier des casseurs (euh vous êtes tout seuls les gars), cherchent à négocier. À peine ils ont commencé à parler avec les keufs, et les flics à répondre, qu’on est tou-te-s massé-e-s autour des deux flics en train de hurler « casse-toi, casse-toi » aux flics, qui commencent à se sentir moyen vu qu’ils sont tout isolés, qu’ils se font cracher dessus, qu’on leur dit qu’on nique leur république. Ils parviennent à se tirer, un peu plus et ils finissaient par terre. Dès qu’ils sont passés derrière les CRS qui nous bloquent le pont, les canettes volent, les sommations aussi, et les gaz se déchaînent, et tout le monde s’enfuit, d’ailleurs on fait pas trop gaffe dans l’ensemble à si on se marche dessus ou pas, on sauve sa peau. On passe à l’autre pont, même jeu de la tension, les canettes, les gaz.

Un autre pont, le pont piéton, le trafic bloqué, on rigole à grimper sur les voitures à l’arrêt, les flics sont pas si nombreux à tenir ce passage, mais j’ai pas envie d’haranguer la foule, que si on n’arrive pas à avoir des réflexes collectifs d’enfoncer un barrage, de se mettre à courir, on n’arrivera pas à provoquer ça avec un discours. Alors la tension, puis les flics qui bloquaient le pont précédent se ramènent sur notre droite, en rangs serrés. On est sur cette place avec ce lion sculpté dans la pierre, des marches pour monter à la bastille, une petite rue qui part dans Saint-Laurent, l’autre sur le quai avec des tonnes de voitures et de conducteurs à l’arrêt. Et les keufs chargent, n’importe comment. En essayant de canaliser les gens, de mater si personne se fait coincer, on se retrouve bloqués contre le tabac-presse, à 2 mètres du mur avec deux issues étroites à droite et à gauche où les gens se bousculent pour passer. On voit les gens qui se prennent noir de lacrymo sur les marches qui montent à la bastille. Les CRS sont à 3 mètres de nous, et tirent leurs grenades défensives. Y en a une qui m’éclate à côté du mollet. Je ravale et prends le quai avec mon binôme improvisé. Les flics nous talonnent, ça court, renverse des poubelles entre les voitures, grimpe sur les véhicules à l’arrêt pour bouger plus vite, on rigole bien quand même. Arrivée au pont provisoire, sans flics, on se presse, enfin on est revenus à Grrrnoble centre-ville. Mais tout le monde est éclaté de fatigue et dispersé, on voit les derniers qui passent le pont se faire courser à fond, puis on prend le jardin du musée, on se retrouve place Notre-Dame, trois minots de douze ans viennent me demander de l’eau, du citron, on cause, ils se marrent bien, même si « aujourd’hui ça brasse pas assez », ils ont pas de masque, aucun équipement, mais ils sont surexcités, on court avec eux place Notre-Dame, et là c’est un peu la fin. En tout cas la fin de la manif sauvage et (un peu) offensive. On ne comprend plus rien. Tout le monde semble désemparé, nous y compris, traîne en petits groupes peu actifs sauf pour s’enfuir, les flics déboulent de partout, nous menacent au flashball, on prend le centre piéton, on court où on peut, on se planque dans des magasins.

Pour nous ça se calme ici. Impression qu’on s’est laissé épuiser, enfermés sur cette rive étroite de Grignoble, avec aucune cible intéressante à part l’autoroute. Et qu’ensuite, les flics ont joué là-dessus, et autant ils étaient restés tranquilles pendant notre déambulation en centre-ville entre les deux tours à la porte de fRance (pas de réponses aux caillassages place Grenette...), autant ils ont capté qu’après l’épisode à Saint-Laurent on était tous crevés, il était tard, alors ils nous ont traqués pour nous disperser.

Pour finir, on repasse place Victor Hugo où on était censés tous se rassembler. Mêmes groupes éclatés, lacrymos, course-poursuites dans tous les sens, fatigue et rien ne se passe de positif, d’excitant, de collectif. Alors on s’en va.

Un petit goût amer de ce qu’on aurait pu faire, si nombreux et sauvages. Impression que tout s’est joué dans le centre-ville, qu’en étant ces quelques milliers on aurait pu partir en occupation, se servir dans les gros magasins, se mettre à courir pour les surprendre, laisser libre cours à notre soif de déchirer le vernis du gentil centre-ville commerçant (même si l’ambiance état de siège y a contribué), y agir ensemble, s’y déchaîner. La prochaine fois ?

*****

Voix E

Vers 17h30-18h, la plus grosse partie des manifestant-e-s est du bon côté de l’Isère... Le regroupement se fait peu à peu, pour le plus grand déplaisir de la flicaille, qui tente de disperser préventivement à coups de lacrymos au niveau de la place de Lavalette (face au Musée de Grenoble). Quelques projectiles sont envoyés en riposte, mais tout le monde se rue vers la place Notre-Dame. Les flics grouillent de partout, les manifestant-e-s aussi, ainsi que les passant-e-s, soi dit en passant... L’ennui, c’est que si les manifestant-e-s sont bien plus nombreux que les flics, illes sont aussi bien moins organisé-e-s et bien moins armé-e-s ! Les flics tentent d’encercler la place Notre-Dame, des courses-poursuites s’engagent dans les petites rue du centre-ville, entre Notre-Dame et la place Victor Hugo, où une bonne partie des manifestant-e-s finiront par se retrouver, pour spontanément bloquer la circulation.

Les flics sont présents en masse, on sait depuis un moment que leur « laisser-faire » des premières heures de la manif sauvage n’est plus à l’ordre du jour. Des CRS refont le coup des sommations (après l’avoir oublié les semaines précédentes, ils en jouent aujourd’hui), envoient plusieurs lourdes salves de lacrymos aux quatre coins de la place Victor Hugo, se reçoivent quelques rares projectiles en retour, et les manifestant-e-s s’éparpillent dans différentes rues. Une partie de la place est déjà bien quadrillée par les flics. Quelques minutes plus tard, quelques centaines de manifestant-e-s rejoignent à nouveau la place Victor Hugo. Mais très vite, une vingtaine de mecs de la BAC, sur-armés et casqués, arrivent par le boulevard Agutte Sembat, tandis que des rangées de CRS déboulent en quelques endroits de la place. Des lacrymos volent de partout, la dispersion est générale et les course-poursuites reprennent. On s’échappe par où on peut, des grenades assourdissantes et des grenades « défensives » (en réalité utilisées offensivement, ces grenades projettent violemment des morceaux compacts de caoutchouc en explosant) sont lancées et les tirs de flashball fusent.

Alors que la plupart des manifestant-e-s sont soit trop fatigué-e-s soit paumé-e-s en ville soit démotivé-e-s par le rapport de force défavorable dans lequel nous nous trouvons alors, certain-e-s se regroupent malgré tout à nouveau sur la place Victor Hugo, où le quadrillage policier est moins présent que juste avant. La place reste toutefois infestée de flics en civil, dont certains sont jeunes et « passe partout » (à noter que plusieurs flics en civil se sont fait jeter de la manif aujourd’hui – cette pratique a tout à gagner à se généraliser, n’oublions pas qu’ils sont là pour nous dénoncer et plus globalement pour informer leurs supérieurs de la situation en vue de stratégies anti-manif’ plus efficaces).

Dans ce climat assez malsain, une bonne partie des manifestant-e-s décident de bouger vers la gare et de bloquer le croisement de l’avenue Alsace-Lorraine et du cours Jean Jaurès. Quelques minutes plus tard, la BAC débarque en force par derrière (côté place Victor Hugo) et des CRS arrivent par l’autre côté de l’avenue Alsace-Lorraine. Ensemble, ils se mettent à charger, ça repart en courses-poursuites dans les rues alentours, des petits groupes se font courser pendant un bon moment, parfois avec l’aide de motards de la police nationale (un peu flippés, les motards, sans les rangées de CRS à 50 mètres derrière ils ne se la joueraient pas comme ça).
Il est alors entre 19h30 et 20h. Tout le monde semble sur les dents (les flics aussi), la dispersion paraît totale.

Pourtant, vers 21h-21h30, une cinquantaine d’irréductibles continuaient à déambuler dans le centre, bloquant les voitures notamment sur le boulevard Agutte Sembat, se posant sur la place Victor Hugo aux cris de « Mais ils sont où les CRS ? ». Tout cela sous l’oeil malveillant de deux voitures de la BAC...

Et après ? Après, je ne sais pas.
L’Olympique lyonnais s’est fait éliminer par le Milan AC (en coupe d’Europe de foot), quelques rares coups de klaxon résonnaient dans la ville pour fêter ça (bien moins que tou-te-s les automobilistes encourageant les manifestant-e-s pendant la journée), ainsi que « Milan, va fancullo ! » d’une teneur politique peu passionnante, mais les médias finissaient à l’unisson par parler plus de ça que des luttes qui ont une fois de plus mobilisé tout le pays contre le CPE et l’ensemble de la loi dite de « l’égalité des chances », contre ce gouvernement et contre l’Etat en général...
« La rue nous appartient ! ».

Commentaires :

De la rage ailleurs aussi... écrit le 5 avril 2006 par anonyme

Les médias bourgeois (Euronews, Skyrock, ...) signalent que des "incidents" (autrement dit des manifs sauvages, des attaques envers l’Etat et le capital) ont eu lieu à Paris (bien sûr), à Grenoble, Rennes, Nantes, Lorient, Caen...

Flics fascistes = une caisse retournée au musée... écrit le 5 avril 2006 par Guy D.

Chouette compte-rendu !

Quand on était bloqués côté St Laurent, les flics laissaient passer certaines personnes, au faciès bien sûr : jeunes et basanés interdits de centre-ville. Quelques personnes essayaient de monter dans des voitures, certains conducteurs acceptaient sans problème, mais arrivés au barrage, les flics regardaient dans le véhicule et faisaient descendre les occupants indésirables. Un des flics à un des conducteurs solidaires : "J’ai l’air d’un idiot monsieur !? C’est 900 euros d’amende ! Alors ils sont toujours avec vous ces jeunes ?" Il y aurait donc une amende pour "prenage en stop" ? A moins que cela soit juste une guerre politique contre une partie de la population. En tous cas, ça rappelle les fières heures de la France zone libre / occupée. Les flics, comme à l’époque, "ne font qu’exécuter les ordres".

Je précise aussi qu’une voiture a été retournée devant le musée, près de l’arrêt de tram "Notre dame", sûrement sous le coup de la colère de l’épisode St-Laurent. Histoire d’être un peu tatillon, ce serait bien que si d’autres voitures venaient à se retrouver sur le toit, ce soit un peu plus des voitures de riches (là c’était une pauvre Super 5 de 10 ans d’âge) et qu’on les foute en travers de la rue pour ralentir l’avancée des flics (la retourner pour la laisser dans un parking où elle ne gêne personne, c’est dommage).

Lire aussi :
Manif du mardi 4/04. 1ères impressions
écrit le 4 avril 2006 à 19h31 par Bili


5 avril 2006

Nouvelles du campus et actions directes
écrit le 7 avril 2006 à 00h06 par anonyme

Infos données lors de l’assemblée générale des occupant-e-s de la galerie des amphis, le soir du mercredi 5 avril

 Mercredi 5 avril au matin, le blocage total ou partiel des trois universités a été reconduit jusqu’au mercredi suivant, par 2 314 votes pour et 1 489 contre, et 30 abstentions.
 La B.U. Droit/Lettres est en grève.
 Des profs de la fac de Stendhal occupent les bâtiments !
 Courlet, "chef" de l’Université Pierre Mendès-France (UPMF), a dit lors d’une assemblée intersyndicale de l’UPMF qu’il n’y aurait pas de cours d’ici le 17 avril.
 Au lendemain de la manif du mardi 4 avril, deux personnes sont passées en procès en comparution immédiate. Un étudiant a été condamné à 15 jours de prison avec sursis pour avoir balancé une balle de golf sur les flics (et avoir été en possession de plusieurs autres balles de golf). Un autre homme, au casier judiciaire relativement chargé, a été condamné à un mois de prison ferme (sans mandat de dépôt) pour avoir jeté une pierre sur les flics.
 Bref retour sur la manif du mardi 4 avril :
(1) Dès 10h du matin, de nombreux magasins ont fermé boutique en centre-ville et alentours. De fait, un blocage économique a paralysé une bonne partie de la ville en ce mardi de manifestation.
(2) Lorsque la manif sauvage est passée de l’autre côté de l’Isère, le blocage de la porte de France et de l’autoroute (pendant 2 heures en tout) a été vécu avec un grand stress, mais rétrospectivement c’est plutôt une réussite : c’est assez exceptionnel de pouvoir bloquer cet endroit, traditionnellement très contrôlé par la police.
(3) Sur le blocage de la porte de France, il paraît clair à plusieurs d’entre nous que la police a profité de cette action pour isoler les manifestant-e-s du centre-ville et du regard indiscret des nombreux-euses passant-e-s qui s’y trouvent (toutefois, les tas d’automobilistes gazé-e-s à la lacrymo étaient bien là aussi).

Echos d’actions directes menées par ailleurs

 Dans la nuit du lundi 3 au mardi 4 avril, la vitrine du siège grenoblois de M6 a été détruite, notamment en raison de l’utilisation par la police/justice d’images prises par M6 lors des manifs pour mieux condamner des inculpés.
 [Le 4 avril] en début d’après-midi, alors que la manif sauvage avançait à travers la ville, le siège du Dauphiné Libéré (avenue Alsace-Lorraine) a été attaqué à coups de lacrymogènes récupérées au sol lors de manifs précédentes (avec du matos de la police, donc) aux cris de : "Il n’y a pas de gentils manifestants, nous sommes tous des casseurs !".
 En ville, depuis quelques semaines, des graffitis relatifs au mouvement anti-CPE apparaissent sur les murs et de nombreux panneaux de pub (aux arrêts de bus et de tram) sont sabotés (affiches originales arrachées ou détournées).


Jeudi 6 avril 2006

Etudiants anti-CPE en solde au supermarché
écrit le 6 avril 2006 à 18h26 par anonyme

Etudiants anti-CPE déguisés en marchandises soldées dans un supermarché

Une centaine d’étudiants, munis de nez de clowns et avec des codes barres dessinés sur la peau, ont envahi jeudi un supermarché de l’agglomération grenobloise pendant une heure, aux cris de "consommez, consommez, nous, on nous a soldés". Les jeunes gens ont envahi le supermarché Géant Casino, situé à côté du campus, et certains sont montés dans des chariots que les autres ont promené dans le magasin. Le directeur du magasin a négocié le départ des manifestants en acceptant de les laisser partir avec quelques denrées, chocolats, oranges, citrons.

Lire aussi :
Action à Géant SMH ?
écrit le 6 avril 2006 à 21h16 par Kent

Blocages suivis d’une manif sauvage ce jeudi 6 avril
écrit le 6 avril 2006 à 21h18 par Harry R.

Aujourd’hui jeudi 6 avril, des blocages (ou des tentatives) ont été effectués dans toute la ville dès 7h ce matin, à l’initiative de plusieurs petits groupes d’étudiant-e-s, et de plusieurs lycées en lutte.

Quatre à six interpellations ont eu lieu lors de ces blocages.

Vers 8h45 / 9h, après quelques minutes de blocage sur le cours de la Libération, les manifestant-e-s des lycées Vaucanson et Louise Michel ont été repoussé-e-s sur la contre-allée et le trottoir par des flics très agressifs, qui ont balancé des lacrymogènes sur le cours Jean Jaurès, forçant les lycéen-ne-s à se disperser des deux côtés de la rue Quinsonas. Plusieurs groupes de lycéen-ne-s se retrouvent sur les rues de Grenoble, notamment du côté de la gare et de l’avenue Alsace-Lorraine. Il y avait aussi quelques étudiant-e-s, de rares salarié-e-s, etc.

On était alors quelques centaines de personnes et on repartait en manif sauvage, direction le sud. Au croisement cours Jean Jaurès / boulevard Joseph Vallier, tout le monde s’arrête et un blocage est improvisé. Les flics se font moins pressants qu’avant. Il faut dire que notre nombre a sérieusement augmenté. Lorsque de nouveaux-nouvelles lycéen-ne-s et étudiant-e-s nous rejoignent, nous sommes entre 500 et 1 000. Mais la police est là aussi, toujours moins nombreuse mais bien mieux armée...

Après de longues minutes de blocage, il semble que l’étau policier se ressert. Une voiture-sono nous a rejoint et donne des conseils aux jeunes manifestant-e-s pour bien réagir en cas d’attaque policière. La plupart des manifestant-e-s ont déjà subi des formes d’agression policière le matin même, lors des blocages par des plus petits groupes. Tout le monde trouve consternante l’attitude stressante et stressée de la police alors que nos délits ne se limitent qu’à occuper la rue.

La manif bouge en direction du pont de Catane, sur le boulevard Joseph Vallier, et se fait bloquer un peu plus loin par un barrage policier, tandis que d’autres flics nous collent au cul. Des lacrymos sont balancés à nouveau en plein milieu des manifestant-e-s, pourtant très calmes à ce moment là. Quelques personnes tombent, d’autres les aident à sortir des gaz et de la fumée. On sort les sérums phy’ pour aider celles et ceux qui ne voient plus rien. Tout le monde réussit à se rassembler dans une rue parallèle (rue du Dr Calmette) et la manif repart, vers St-Bruno, par la rue de l’Abbé Grégoire, passant par la place St-Bruno puis devant le commissariat de quartier dont le rideau de fer a tremblé, sans conséquences autres que l’expression d’une rage anti-policière qui se généralise, de même que celle qui est dirigée contre le gouvernement.

Les manifestant-e-s s’engagent sur le cours Berriat, passant devant le magasin "Terres celtiques", protégé cette fois par deux motards de la police nationale (une altercation avait eu lieu mardi lors de la manif sauvage, quelques fachos ayant provoqué la foule en se montrant devant le magasin, suscitant un élan d’exaspération antifasciste... l’un des fachos, qui avait sorti une matraque téléscopique, s’était fait latter par des manifestant-e-s et avait finalement été sauvé par une intervention de la BAC).

Au bout du cours Berriat, les manifestant-e-s s’engagent sur la place Victor Hugo puis sur la rue Félix Poulat, et vous devinez quoi ? Alors que l’ambiance était plutôt détendue, des flics se sont pointés et ont commencé à agresser les manifestant-e-s. Des insultes ont fusé en direction de la flicaille et des lacrymos ont volé en direction de la place Grenette. La ligne de tram a été bloquée jusqu’à un peu après 13h, heure à laquelle la dispersion semblait définitive (pour ce midi, en tout cas).

Ce matin, la rage des manifestant-e-s a été contenue, plus par les manifestant-e-s eux-elles-mêmes que par les flics, qui étaient eux très provocateurs.
Nul doute que la colère monte de plus en plus. Au sein de la manif, et aussi en discutant avec les passant-e-s, le sentiment général est que le gouvernement essaie de passer en force, que la "démocratie" et la "république" ne sont plus que des mots dénués de sens, utilisés uniquement pour préserver la paix sociale et une image positive au pouvoir. Personne ne veut lâcher l’affaire. La "crise" montre le vrai visage de l’Etat. Peut-être devrions-nous à nouveau montrer plus concrètement celui de notre révolte, comme ce fut le cas à Grenoble les 23 et 28 mars derniers. L’impunité policière doit cesser. La rue nous appartient.

Manif sauvage du Jeudi 06/04
écrit le 8 avril 2006 à 17h35 par Julien

Ce jeudi 8h, devant le lycée Vaucanson, le blocage s’effectue pour la première fois par la force. Il est donc total (le proviseur en ayant marre de se faire écraser contre des grilles...). Vers 8h30, un petit groupe de motivés se forme et l’on rejoint le lycée Louise Michel. Nous sommes alors 150 à défiler sur le cours de la Libération pendant quelques secondes à peine... Hé oui, la police débarque en masse pour nous chasser violemment sur la contre-allée du cours. A ce moment, quelques uns traînent des pieds pour y aller et j’ai personnellement droit à un "dégage vite de là ou j’te défonce" de la part d’un flic cagoulé et matraque à la main. Ça fait peur quand on pense que ces hommes sont censés représenter l’Etat...

Plus loin, nous rejoignons un autre cortège lycéen. Nous sommes alors pas loin de 400 à prendre la direction du centre-ville toujours sur le grand cours. Cette fois nous avons droit à 2 minutes de défilé et une première sommation est lancée... suivie 5 secondes après de grenades lacrymogènes... le cortège court mais reste soudé. Nous faisons alors un tour en ville pour trouver les autres cortèges éparpillés partout dans Grenoble.

Un gros rassemblement a lieu au carrefour "Vallier-Libération". La circulation est bloquée pendant quelques minutes mais de nouveau une sommation est envoyée... Vers 11h, le cortège qui compte désormais 1 000 personnes environ se dirige vers le pont de Catane où nous attendent un nombre impressionnant de CRS. Quelques chants sont lancés comme : "Pétain, reviens, t’as oublié tes chiens". On s’arrête pas loin du cordon de CRS et 3 d’entres eux viennent nous voir pour nous annoncer que dans 4 minutes ils gazent... La tension monte dans le très jeune cortège (essentiellement des lycéens) mais personne ne bouge, on reste tous solidaires. Un gazage très massif a donc lieu à l’aide de grenades lacrymogènes. Pas trop d’affolements heureusement et donc pas de blessés à ma connaissance mais pas mal de jeunes en grosse difficulté pour respirer. Encore une fois tout le monde est uni et les divers sérums et citrons sont distribués. L’ensemble des personnes repartent de plus belle par la rue de l’Abbé Grégoire jusqu’au cours Berriat.

Arrivé place Félix Poulat, le cortège s’arrête quelques minutes pour se reposer les jambes... Les CRS en profitent et interviennent aussitôt (toujours à la lacry’) pour disperser la foule et ce rassemblement qui visiblement n’est vraiment pas à leur goût ce matin. Il est alors 12h30 et la plupart des jeunes sont dehors depuis plus de 5 heures. Vers 13h, la dispersion paraît définitive. Quelques petits groupes bougent (certains à l’IUT2, d’autres à Victor Hugo).

Je retiendrai de cette journée la bonne mobilisation des lycéens et étudiants pour cette manifestation sauvage dont peu de monde étaient au courant. La police, elle, semble avoir changé de stratégie depuis mardi. A moins qu’elle n’ait profité du fait que le cortège soit très jeune et non violent... En effet, il n’y a eu aucun jet de projectiles et aucune violence du côté des manifestants. On ne peut pas en dire autant pour la police qui veut clairement "casser" le mouvement. Nous avons heureusement montré aujourd’hui que la jeunesse était plus que jamais unie contre le CPE et contre la répression policière.

Restons solidaires et que la lutte continue...


Vendredi 7 avril 2006

Manif contre la répression de vendredi
écrit le 7 avril 2006 à 14h13 par tilia

Ce vendredi, une manif contre la répression policière et judiciaire a eu lieu à Grenoble. Départ un peu après 10h de la place Poulat dans une ambiance tranquille. On voit surtout des étudiants et lycéens, quelques syndicalistes, et bien sur nos amis RG et nos préférés de la Bac sur le côté qui ne sont aujourd’hui pas les mêmes que d’habitude, c’est fatiguant de tabasser, faut bien se relayer de temps en temps... Quelques flics en motos... La manif part en suivant le tram vers Alsace-Lorraine où des slogans d’abord pas franchement en lien avec la répression sont scandés. Sur Alsace-Lorraine, une automobiliste se retrouve bloquée dans la manif, ça chauffe, elle hurle contre les manifestants, les insulte et on peut croire un instant que la situation va se tendre dans le cortège. Finalement les choses se calment et on continue vers le tribunal, on évite gentiment la gare (accord des organisateurs avec la préfecture ?) et passons sous le pont de la voie ferrée puis arrivons au tribunal où la sono passe des chansons comme "Antisocial" ou, ce qui m’a surpris, "Nique la police", fallait oser... Là on reste un bon moment, 30 minutes peut-être, on squatte les marches et des gens s’expriment au micro, une personne de la LCR, un ouvrier mobilisé et une personne de la commission anti-répression... On repart vers le cours Berriat puis Champollion où la police politique (RG) nous prend en photo comme si nous étions des stars. Le défilé est calme, aucun drapeau, une banderole tout au plus, nous sommes un millier, un peu plus peut-être, deux tout au plus. Nous arrivons place Verdun alors que la circulation est à moitié bloquée. Là des gens s’expriment, donnent quelques rendez-vous et résument brièvement la situation. Après ce défilé gentillet où l’on n’a pas évité les morceaux de musique ignobles pour la plupart, un appel est lancé pour se rendre à la police et aller au commissariat, nous n’évitons pas les idioties type "des calins, des bisous !" lancés aux CRS. Ils doivent bien se marrer et ils n’ont pas tort. Des gens se mettent les mains derrière la tête et partent au commissariat, nous sommes un certain nombre (la majorité) à ne pas y aller, je vois des keufs partout en ce moment, j’y irai bien assez tôt... Une table de presse sur les agissements de la flicaille est posée dans l’herbe et ça discute un peu, je m’en vais vers 12h30.

Cette manif me laisse un arrière goût particulier, organisée à l’initiative de la LCR sans consultation de la commission anti-répression, elle a été "boycottée" par certains qui n’acceptent pas vraiment ces méthodes, je les comprends. On ne s’en étonnera pas... Les gens qui organisent les défilés plan plan ne sont pas ceux qui travaillent avec les victimes et les soutiennent, on essaie de récupérer, on pavoise plus ou moins et puis on rentre, de toute façon nous on va pas en garde à vue.

A côté de ça, c’est tout de même une bonne chose que des gens prennent conscience de l’ampleur de l’arsenal répressif et peut-être de ce que l’Etat incarne réellement.
Ça n’a pas gazé ce matin, rendez-vous la semaine prochaine pour respirer l’air pur grenoblois.


Mardi 11 avril 2006

Manif, actions et occupations (des médias bourgeois)
écrit le 11 avril 2006 à 19h49 par Yves M.

Ce matin du mardi 11 avril, au lendemain du « remplacement » du CPE par des mesures qui n’ont pas grand chose à voir avec, en ce lendemain de prétendue « victoire », il n’y avait pas foule pour la manif, à la gare.

Au début, on était à peine 1 000. Y’avait un peu de tout, des étudiant-e-s, des lycéen-ne-s, des syndicalistes (pas mal de Sud et de Cgt, quelques Unef et Cnt, ...), des anarchistes, des non-classé-e-s ou des inclassables, de tout mais en petit nombre, quoi. Le parcours était assez singulier, puisque nous sommes allé-e-s jusque devant le tribunal (où une partie des manifestant-e-s se sont symboliquement mis les mains sur la tête, mimant des situations d’arrestation). De retour sur le cours Berriat, le cortège a bien grossi, atteignant jusqu’à 3 000 personnes, maximum. Le nombre était bien sûr décevant (et visiblement c’était la même chose dans les autres villes), mais une certaine énergie se faisait sentir malgré tout (et malgré les trois voitures sono, un peu les unes sur les autres avec si peu de monde...).
La Cgt entonne des « CPE, CNE, même combat... », tandis que quelques manifestant-e-s ironisent des « Retour, retour, retour du CPE, avant on s’amusait mieux ».

En tête de cortège, une banderole annonce que « la lutte continue », sur une autre est écrit « tous ensemble », mais force est de constater que le nombre n’est plus là. Toutefois, il ne s’agit pas d’une manif plan-plan habituelle puisque des actions sont menées entre le cours Berriat et la rue Lesdiguières, avant d’arriver devant la préfecture, place de Verdun.

Sur le cours Berriat, une trentaine de personnes vident une agence d’intérim de son mobilier (chaises, présentoirs, petites tables, etc.), comme pour montrer qu’on ne veut pas de leurs boulots de merde, de leur exploitation salariale (avec ou sans CPE). Plus loin, sur la rue Lesdiguières, une agence immobilière subit le même sort : c’est plutôt amusant d’expulser ceux qui habituellement nous font expulser pour loyers impayés ou squat (rappelons ici que nous n’avons expulsé de l’agence que du matériel, ne touchant pas les employé-e-s, pas même le directeur ou le vigile agressif).

Arrivé-e-s devant la préf’, des flics arrivent en renfort, « au cas où »...
Quelques personnes font des interventions au micro, appelant à continuer la lutte.

Vers 13h, plus d’une centaine de personnes se retrouvent vers l’avenue Alsace-Lorraine et forcent l’entrée du siège du Dauphiné Libéré. Quelques graffitis sont écrits (contre la corruption des médias, entre autres). Mais dans un mouvement de panique assez inexplicable (l’arrivée de quelques flics semble en être la cause, mais nous étions très nombreux), tout le monde ressort et part en direction des locaux de la radio d’Etat France Bleu Isère.

Là, alors que les locaux ne sont censés rouvrir qu’à 14h (il est environ 13h30), une employée ouvre la porte d’entrée : tout le monde en profite pour entrer ! L’occupation sauvage démarre, nous sommes 150, puis facilement 200 (les nouvelles vont vite). Le rez-de-chaussée est plein à craquer, les dernières personnes qui arrivent restent sur le trottoir, ce qui est loin d’être inutile parce que ça montre que quelque chose se passe, et surtout, on a des tas de tracts à differ aux passant-e-s (notamment « Pousser le monde qui s’écroule... »), merci les photocopieuses de France Bleu Isère !

Nos tentatives de prendre l’antenne échouent assez rapidement, apparemment l’antenne a basculé et est émise depuis Paris depuis notre arrivée.

Les négociations commencent alors pour réussir à passer en direct à la radio.
Un flic en civil se fait jeter dehors par des occupant-e-s.
Les locaux de France Bleu Isère commencent à être décorés de toute part (affichage, rouleaux de scotch étendus entre des poteaux, graffitis divers : mort aux medias bourgeois, médias collabos, rance bleu = radio ump ou rance bleu = radio gouvernement). Un enregistrement pirate est improvisé par des manifestant-e-s [téléchargeable sur http://grenoble.ww7.be/.].

Visiblement, les chefs de la radio (bah oui y’a des chefs ici) ne demandent pas d’intervention policière, ce qui n’est pas pour nous déplaire, évidemment.

Un groupe de personnes rédige un texte assez synthétique pour qu’il soit lu au journal de 17h. Le but est d’expliquer l’action, pourquoi nous sommes toujours en lutte, et pourquoi nous sommes en colère contre les médias (pas facile d’expliquer tout ça en quelques mots mais ça s’est fait).

Le texte est finalement enregistré puis diffusé au journal de 17h, une heure et demi après la fin de l’occupation. Le texte lu dure un peu plus d’1min30, il est téléchargeable sur http://grenoble.ww7.be/2006-04-11_G....

La présentation qu’en font les journalistes de France Bleu Isère lors du journal de 17h est téléchargeable sur http://grenoble.ww7.be/2006-04-11_G....

Pendant l’occupation de France Bleu Isère, une ANPE non loin de là est « déménagée », à la manière des actions du matin. Quelques graffitis sont inscrits (Le chômage baisse ou les radiations augmentent ?, Chômage heureux, etc.).

Suite à l’occupation de la radio, quelques dizaines de manifestant-e-s se dirigent vers M6, sans réussir à en occuper les locaux mais en y écrivant sur la vitrine à la peinture blanche, en énorme, "Mort aux médias bourgeois". Une interpellation a été effectuée par la police suite à cette action (des nouvelles ?). A priori la seule de la journée... qui finalement a été bien chargée en activités ! Le centre-ville était plein de flics, qui tournaient ici et là, en uniformes de CRS ou en civil.

Le monde qui a voulu faire naître le CPE n’a pas changé. Le CPE a été remplacé (allez disons-le, retiré), mais tout le reste est encore bien en place. Hormis la fatigue (et l’illusion de victoire), rien ne peut nous mener à cesser de lutter. Les connexions créées lors de ce mouvement depuis début février doivent se solidifier, le plaisir que nous avons (eu) à agir et réfléchir ensemble ne doit pas disparaître. Ne nous laissons pas piéger par la résignation !

Commentaire :

Les interpellés... écrit le 11 avril 2006 par anonyme

...sont libres.

La police qui les avait embarqués sans ménagement devant Quick sur dénonciation d’un RG, pour "dégradations" (avoir écrit à la peinture sur la vitre d’M6 qui au passage à porté plainte), les a finalement laissés repartir 2 heures plus tard.


Vendredi 14 avril 2006

Compte-rendu d’une soirée consacrée au féminisme à la galerie des amphis
écrit le 15 avril 2006 à 04h51 par anonyme

Vendredi soir, une vidéo-projection était organisée dans l’amphi 1 (zone autonome) de la galerie des amphis, toujours occupée. L’après-midi avait été consacrée notamment au déblocage progressif de la galerie, en attendant la fin de l’occupation, a priori avant la fin du week-end.

Une soirée consacrée au féminisme a donc commencé vers 21h, avec la vidéo-projection du documentaire "Debout !", une histoire du Mouvement de Libération des Femmes (1970-1980), de Carole Roussopoulos. Il y avait une bonne quarantaine de personnes pour voir le film, mais le moment marquant de cette soirée fut la discussion qui a suivi la vidéo-projection, avec une bonne vingtaine de personnes, en mixité.

Une fille a proposé d’entamer la discussion par une espèce de base de données autoproduite par chacun-e des participant-e-s à la discussion, base de données constituée d’un papier par personne, papier sur lequel une remarque ou une question était écrite, en rapport avec le film et/ou avec la question du féminisme et de l’occupation de la galerie des amphis (commencée au début du mois de mars).

Sur ces bouts de papier, des tas de sujets sont lancés, d’autres ajoutés au fil d’une discussion à bâtons rompus qui a duré pendant plusieurs heures : la non-mixité, les agressions sexistes dans la galerie des amphis, la drague et les relous, le viol, l’égalité hommes/femmes, la garde des enfants, le voile, la prostitution, les désirs, etc.

Manifestement, ce mouvement contre le CPE et contre le monde qui a tenté de lui donner naissance aura été d’une richesse incomparable, un fourmillement d’idées, de réflexions, de pratiques et de remises en question qu’une année entière d’études universitaires ne pourra jamais égaler. C’est là toute la différence entre la recherche collective et autogérée lors d’une occupation illégale et les cours officiels visant à intégrer chaque étudiant-e dans un parcours professionnel d’une étroitesse nécessaire à la conservation du système actuel.

Quelles que soient les formes qu’elle prendra, la lutte continue, sur tous les plans.

— 
Des textes plutôt pas mal sur différents aspects concernant le féminisme :
http://infokiosques.net/genres


15-17 avril 2006

Oh mon dieu, la galerie des amphis a été taguée !
écrit le 17 avril 2006 à 16h14 par Emplois fictifs ?

Ce week-end, quelle surprise, fRance-info, la radio d’information officielle de l’Etat, a parlé de l’occupation de la galerie des amphis de l’UPMF. C’est la première fois, je crois.

Ce n’était pas pour parler de tout ce qui a pu s’y passer depuis plus d’un mois, de comment étudiant-e-s et autres individus en lutte contre l’Etat et ses projets de loi se sont organisé-e-s pour vivre ensemble et agir dialectiquement en construisant de nouveaux rapports sociaux tout en cherchant à nuire aux intérêts du pouvoir. Non non, c’était simplement pour informer que la galerie des amphis avait été évacuée par ses occupant-e-s, et pour annoncer qu’il y en avait pour plus de 150 000 euros de réparations / de dégâts ("des murs sont couverts de tags, des portes fracassées et des ordinateurs ne fonctionnent plus").

Ce lundi, c’est l’AFP qui balance une dépêche encore plus alarmante financièrement parlant (dépêche trouvée sur http://www.vousnousils.fr/) :

Dépêches de l’Education
Lundi 17 avril 2006 – AFP

Fin de l’occupation de la galerie des amphithéâtres à Grenoble

La galerie des amphithéâtres de l’université Pierre Mendès-France (UMPF), à Grenoble, dernier lieu universitaire encore occupé par un groupe d’une centaine d’étudiants et de marginaux, a été libérée samedi en fin de journée, selon la présidence de l’université.

Cette galerie étaient occupée depuis un mois, occupation qui s’était poursuivie malgré le vote officiel du 12 avril de la fin du blocage des bâtiments. Une centaine de jeunes, dont une bonne partie de marginaux étaient restés dans les lieux.

Cette galerie dessert dix amphithéâtres, dont neuf ont été couverts de tags. Le bilan des dégradations estimé dans un premier temps à 110.000 euros, puis à 200.000 euros, pourrait finalement avoisiner les 300.000 euros, selon la direction de l’université.

"Les luminaires ont été dégradés, des ordinateurs sont hors service, des portes ont été fracassées. Nous allons découvrir au fur et à mesure l’importance des dégâts", a indiqué, samedi, à l’AFP l’intendant de l’UMPF (19.000 étudiants en sciences sociales).

Hallucinant.

J’y étais, à la galerie des amphis, et je veux bien croire le "constat financier", tellement le capitalisme a vite la main lourde question pognon, mais franchement, les dégâts se limitent essentiellement à des tags (autrement dit, il n’y qu’à repeindre). Quelques vieux écrans d’ordinateur ont été bousillés, une ou deux portes abîmées, des câbles d’un vidéo-projecteur arrachés (par des anti-bloqueurs, faut-il le rappeler, outrés qu’on puisse utiliser du matos de la fac en toute "impunité"), en gros c’est pas vraiment la plus grosse entreprise de destruction que Grenoble ait connu ces deux derniers mois...

D’ailleurs, ayant squatté des maisons depuis des années, je peux vous dire que des travaux de réparation d’une ampleur bien plus importante ont été effectués gratuitement et collectivement dans nombre de maisons squattées. Repeindre, ça prend du temps, mais la peinture ça se récupère dans les déchetteries (mais ne comptez pas sur moi pour repeindre la galerie des amphis, je l’aime mieux ainsi malgré quelques écrits stupides plutôt que toute grise et uniforme), les portes, ça se répare avec quelques outils en quelques dizaines de minutes, et la fac regorge d’ordis inutilisés et les jette à tour de bras !

Alors, les 300.000 euros, arrêtez de nous faire rire, ça sent la magouille à plein nez, du genre petit arrangement et dessous de table entre président de l’UPMF et entreprises privées, non ?

Si vous nous passez les 300.000 euros, on répare de manière autonome votre galerie des amphis, et on s’construit sur le campus ou ailleurs une grande maison collective dont l’objectif pourrait être l’organisation autogérée de luttes révolutionnaires. Alors, monsieur Courlet, t’en dis quoi ?

Commentaires :

Pourquoi repeindre écrit le 17 avril 2006 par anonyme

Pourquoi vouloir repeindre les amphis ? C’est plutôt sympa et vivant tous ces tags... mais c’est peut-être ce côté vivant qu’ils veulent éliminer.

Grenoble, numéro 1 écrit le 19 avril 2006 par Thierry H.

Les médias s’alarment donc de toutes parts et font les comptes des dégâts subis par chaque université débloquée... Les étudiant-e-s sont finalement bel et bien des casseur-euse-s !

A l’heure où peu à peu, les facs se renormalisent, on s’aperçoit que d’infâmes dégâts ont été commis un peu partout (des tags, des graffitis, souvenez-vous des graffitis de mai 1968, passés depuis à la postérité... quand les graffitis sont en photo dans des livres-souvenirs c’est super, mais quand ils sont concrètement sur des murs aujourd’hui, rien ne va plus, vandalisme ! irrespect ! destruction du patrimoine !).

Franchement, au départ je trouvais a priori contre-productif de taguer la galerie des amphis, j’avais peur que ça ne cristallise inutilement des oppositions entre étudiant-e-s sur un sujet somme toute dérisoire. Mais finalement, quand j’entends que les dégâts ont été les plus élevés à Grenoble, devant d’autres facs à Rennes, Toulouse, Nantes, etc., je rigole ! J’ai envie de chanter bêtement "on est les champions ! on est les champions !" alors qu’en réalité je m’en fous comme je m’en fous de la couleur des murs d’amphis dans lesquels l’aliénation et l’intégration à un système de dépossession de nos vies se construisent jour après jour.

Les médias, comme le pouvoir aux pieds duquel ils se prosternent, s’alarment toujours de spectaculaires dégâts matériels, quand les dégâts commis quotidiennement sur nos vies sont tout simplement occultés...

Yannick Vallée à la pointe du discours dominant écrit le 19 avril 2006 par daube

Un article du "Dauphiné Libéré", clairement dans la droite ligne du discours dominant :

Edition du 18/04/2006
DANS LES UNIVERSITÉS
La reprise des cours est "espérée" pour aujourd’hui

Après deux mois de mobilisation anti-contrat première embauche, "je veux croire que l’essentiel des cours reprendront mardi" [aujourd’hui], a déclaré hier le Grenoblois Yannick Vallée, premier responsable de la Conférence des présidents d’université. Il a assuré que les seules universités toujours bloquées étaient Nantes et Toulouse, tandis que Rennes est "fermée mais pour des raisons administratives". Par ailleurs, il a jugé "assez scandaleuses" les dégradations constatées à l’université Grenoble 2, énumérant "beaucoup de tags, des choses cassées, le système électrique cassé, entre 200 et 300 000 euros de frais". Qui paiera ? "L’université fatalement", a-t-il répondu. Interrogé sur les examens, il "imagine que tout sera terminé d’ici le 14 juillet", expliquant à nouveau que "la plupart des universités vont décaler leurs examens vers fin juin, de trois à quatre semaines". "Dans certains cas, là où le mouvement a commencé tôt et s’est fini tard, il faudra envisager quelques examens en septembre", avait pourtant estimé dimanche le ministre délégué à l’Enseignement supérieur, François Goulard.
La coordination nationale étudiante, réunie à Nancy a voté dimanche un élargissement des revendications et appelé à plusieurs journées d’actions aujourd’hui, le 25 avril et le 1er mai. La première, ce mardi, pour dénoncer la loi sur l’Égalité des chances dans son intégralité et le projet de loi sur l’immigration, et pour demander le retrait du CNE (contrat nouvelle embauche). Le 25 avril a été décrété par la coordination "journée contre la répression" et le 1er mai, "journée de convergence avec les salariés".


Mardi 18 avril 2006

Les "journalistes" de (f)rance 3 sortis de l’AG du 18
écrit le 19 avril 2006 à 00h14 par Jules B.

En ce mardi 18 avril, environ 200 étudiants s’étaient rassemblés devant l’amphi Weil, traditionnel lieu de tenue des AG, pour décider des suites à donner à la lutte contre (l’Etat, le capitalisme, la société spectaculaire marchande, l’oppression patronale, les violences policières, et accessoirement) le CNE. Un caméraman et une journaliste de (f)rance 3 étaient là.

Tout le monde se dirigea vers la galerie des amphis, pas seulement pour donner des sueurs froides à l’administration, mais aussi pour se poser dans un amphi afin de débattre plus facilement.

Les prises de paroles commencèrent et quelqu’un proposa que l’on demande aux "journalistes" (on peut s’interroger sur ce titre au regard de la gigantesque opération de sape et de désinformation opérée par les médias institutionnels sur les émeutes de 2005 et sur le printemps anti-CPE entre autres) de bien vouloir quitter l’amphi. Il faut préciser que de nombreux étudiants présents avaient participé à l’occupation et étaient écoeurés par les reportages diffusés la veille au JT de (f)rance 2 et sur les JT locaux de (f)rance 3 au sujet des "dégradations" de la galerie des amphis.

On procéda à un vote et les désinformateurs furent priés de déguerpir, non sans avoir essayé de nous soutirer des interviews et nous avoir rappelé qu’ils étaient le seul média à s’être déplacé pour cette AG et que si on les envoyait paître, personne n’entendrait parler de nous... C’est ce qu’on verra. Au passage, certains étudiants demandèrent à assister au montage des images déjà prises. Le caméraman, dans un élan de sincérité, leur répondit que c’était impossible car aucune personne "extérieure" ne pouvait rentrer dans les locaux de la chaîne à cause... du plan Vigipirate ! Et tout l’amphi de rire jaune.

Depuis le début du mouvement anti-CPE, de nombreuses réflexions autour du rapport aux médias ont été développées, et même si tout le monde n’était pas d’accord pour virer les journalistes (qui, comme d’habitude s’offusquent sans avoir le moindre recul sur les raisons d’une telle réaction) elles semblent porter leurs fruits et c’est tant mieux.

Allez, maintenant on dit que quand on voit une grosse caméra, on est sûr que la lutte est politique et pas médiatique et on lui brouille l’objectif sans sommations !

Mort aux médias réactionnaires et bourgeois !

Soyons les médias !


De nombreux documents (photos, vidéos, sons, etc.) sont dispos sur :
http://grenoble.ww7.be/

Quelques autres lectures pour aller plus loin…

 Le CPE, une goutte d’eau dans un lac de rage – Quelques remarques sur la violence, l’illégalité et l’orientation des luttes sociales (par Les enragé-e-s ouvrent le bal – brochure de 12 pages éditée par Zanzara athée). Texte écrit à Grenoble en avril 2006, juste à la fin du mouvement anti-CPE. Présente une analyse encore sur le vif et néanmoins toujours valable.
infokiosques.net
 Les mouvements sont faits pour mourir… (par Le jardin s’embrase – livre de 160 pages, paru chez Tahin Party en mars 2007). Malgré son ton parfois grandiloquent et un peu décalé, cet ouvrage est rempli d’intelligentes et utiles réflexions sur le mouvement anti-CPE. Relire notamment la première partie en cas de « mouvement social », pour éviter plus facilement certains écueils.
tahin-party
 Bachibouzouk n°1 (hiver 2006-2007). Cette jolie revue autonome créée sur Paris-banlieue propose des textes sur différents sujets. Les trois qui concernent cette bibliographie sont assez passionnants : Quelques propos sur la violence pendant le mouvement anti-CPE, un entretien avec un lycéen d’Alès et la retranscription d’une discussion entre deux-trois personnes ayant participé au mouvement sur Paris.
bachibouzouk at no-log.org
 Cette semaine n° 89 (été 2006) et 90 (automne 2006). Revue autonome apériodique qui propose une « chronologie parcellaire » (et pourtant très fournie) du mouvement anti-CPE sur l’ensemble de l’hexagone, ainsi que de nombreux tracts et textes écrits pendant cette période (surtout sur Paris-banlieue).
cette semaine
 Solidarité n° 23 (mars 2006), 24 (mai 2006) et 25 (juin 2006). Journal du SIA (Syndicat Intercorporatif Anarchosyndicaliste) de Caen. Ces trois numéros reviennent sur la lutte anti-CPE par un bilan, un récit fort complet et des infos sur la répression à Caen.
s.ia at laposte.net
 Contre le CPE et son monde – Notes sur le mouvement dit anti-CPE en Avignon (brochure de 40 pages publiée par les éditions Impossibles, juin 2006). Sur Avignon, chronologie, réflexions sur l’auto-organisation, l’extension de la lutte, l’action, etc. et tracts.
impossibles at no-log.org
 Meeting n°3 (novembre 2006). « Revue internationale pour la communisation » publiée par Senonevero. 86 pages, avec pas mal de textes sur le mouvement anti-CPE (à Paris surtout).
meeting
 Le monde se referme-t-il ? + Pousser le monde qui s’écroule + L’appel de Raspail + Mais où est passé le mouvement réel ? Tracts parisiens du mouvement anti-CPE, réunis sur cette page d’infokiosques.net :
infokiosques.net



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