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La menstruation

mis en ligne le 13 février 2008 - Les Farfadettes

La menstruation

Depuis la nuit des temps, les femmes connaissent des périodes de menstruations. Appelées lunes autrefois, elles étaient considérées comme sacrées, propices aux rituels, témoignant du plein pouvoir féminin.

Aujourd’hui, dans un monde aseptisé qui nous pousse inexorablement vers la négation de nos propres corps et le refus de ce qu’ils sont, de ce qu’ils vivent, les règles sont devenues à nos yeux un passage obligatoire, contraignant, douloureux, sale et honteux. Notre sang doit être caché : quand on emprunte un tampon à quelqu’une, on le fait le plus discrètement possible, on ne parle pas de nos menstruations parce que c’est « dégoûtant », on ne fait pas l’amour lorsqu’on a nos règles, les publicités pour les produits d’hygiène féminine nous montrent un liquide bleu et non pas rouge… A présent, on vend même des pilules et des stérilets qui font disparaître la menstruation. Bien sûr, il est agréable d’avoir le choix mais est-il si méprisable d’être femme pour que la société en dénigre les manifestations ? Oui, du sang coule entre nos cuisses, oui, cela peut-être douloureux, oui, on peut en avoir marre, mais il n’y a aucune raison pour que ce sang porte la honte et le tabou. Pour qu’on nous apprenne à le haïr. Nous ne pouvons pas accepter ces représentations qui donnent à voir nos corps comme objets de dédain.
Le sexisme est déjà là, quand le corps des femmes est partout représenté comme sale, quand notre sang et nos sexes sont niés, quand ils sont censurés. Poussant toujours plus loin la logique de la surconsommation (achetez, utilisez, jetez), les supermarchés débordent de produits à usage unique pour recueillir nos flux, et les messages publicitaires nous inondent de « encore plus absorbant » et « plus confortables ». Déconnecté de nos corps et de nos existences de femmes, notre sang est devenu l’objet de la concurrence de tampax et nett, à celui qui arrivera à faire subir les pires traitements à nos sexes.

Pourquoi arrêter d’utiliser des produits jetables (tampons et serviettes) ?

Pour notre corps :
Les produits synthétiques, tampons comme serviettes, que nous imposons à notre corps chaque mois contiennent des produits chimiques : produits désinfectants, gels absorbants, fongicides, bactéricides, organochlorés (produit de blanchiment), dioxine. La paroi vaginale étant très absorbante, les substances chimiques composant ces produits jetables n’ont alors aucune difficulté à pénétrer notre organisme. Le problème est que notre corps ne sait s’en débarrasser, et il accumule de plus en plus ces toxines, augmentant ainsi les risques de cancer du col de l’utérus, d’endométriose, d’un affaiblissement du système immunitaire, d’infections vaginales, de maux de têtes et de malformations congénitales. De plus, le Syndrome du Choc Toxique (SCT) est dû à l’utilisation de produits synthétiques destinés à rendre les tampons plus absorbants. Bien sûr, la composition n’est jamais apparente sur les emballage : nous n’avons pas le droit de savoir ce que nous mettons dans nos sexes !
De plus, pour celles qui utilisent des tampons, ceux-ci absorbent également les sécrétions naturelles qui nettoient le corps, causant une sécheresse vaginale qui peut déranger l’équilibre microbien du vagin et le rendre plus susceptible aux démangeaisons et risquer de développer des infections bactériennes, et contiennent des fibres abrasives responsables de microcoupures enfermant des particules dans les tissus internes.

Pour notre planète :
Une femme utilise en moyenne entre 10 000 et 15 000 tampons ou serviettes au cours de sa vie, ce qui en fait environ 5 milliards par an, pour la France. Ces milliards de tampons et de serviettes, avec leurs emballages individuels, leurs applicateurs et leurs boîte sont autant de déchets que l’on retrouve dans les sites d’enfouissement et les incinérateurs, quand ce n’est pas directement dans les égouts et les cours d’eau, puis dans les océans, via la cuvette des toilettes. Et il faut encore rajouter à cela les dégâts environnementaux liés à leur simple production et aux produits chimiques qui y sont associés, bien avant d’atterrir dans le placard de nos salles de bain !

Quelles alternatives avons-nous ?

Mais ne soyons pas défaitistes, il existe des alternatives permettant de respecter à la fois nos corps et notre environnement, et qui présentent de surcroît un avantage budgétaire non négligeable.

- Éponge de mer naturelle

C’est une ressource renouvelable très écologique, facilement biodégradable, que l’on peut tailler sur mesure pour la porter confortablement à l’intérieur de nous. Il faut la rincer lorsqu’elles est pleine, environ toutes les deux ou trois heures, (ce qui peut être moins pratique !) et elle est réutilisable immédiatement. Sa durée de vie est d’environ 6 à 8 cycles. Attention, n’utilisez pas d’éponges synthétiques.

- Coupes menstruelles

Il s’agit d’une coupe souple en forme de cloche, que l’on porte à l’intérieur du vagin. Ces coupes peuvent être faites de caoutchouc naturel dans le cas du Keeper, ou de silicone en ce qui concerne la Divacup et la Mooncup (un peu plus cher mais éliminant les risques d’allergie au latex). Il en existe en plusieurs tailles, différentes selon que la femme a déjà connu un accouchement ou non.
En utilisant ces coupes menstruelles, l’humidité naturelle du corps est protégée, puisqu’elles n’absorbent pas et se contentent de recueillir le flux. De plus, ces réceptacles ont une contenance supérieure à celle du tampon (ce qui permet de les vider moins souvent), une durée de vie de dix ans, offrent tout le confort désiré (une fois en place, on ne le sent pas), et sont parfaitement fiables (pas de fuites) : que des avantages ! L’utilisation en est très simple : on plie la coupe avant de l’insérer dans le vagin un peu à la manière d’un tampon, mais moins profondément et plus orienté vers le coccyx, on la retire à l’aide d’une petite tige (équivalent à la ficelle du tampon), on la vide et la nettoie à l’eau savonneuse lorsqu’elle est pleine et on la remet. Enfin, ces dispositifs nous permettent de mesurer la quantité de nos écoulements, de voir à quoi ils ressemblent, et peut-être de se réapproprier nos corps, d’y être un peu moins étrangères.

- Serviettes en tissu

Utilisées comme les serviettes jetables, elles sont habituellement fabriquées en coton doux ou en flanelle et sont disponibles en plusieurs tailles, laissant la possibilité de choisir la plus adaptée au flux. Certaines marques comportent plusieurs couches de tissu pour absorber les écoulements, alors que d’autres ont moins de couches mais sont dotées d’une doublure imperméable du côté du sous-vêtement. Et pour celles qui ont su apprivoiser le fil et l’aiguille, il est possible de les confectionner soi-même. Des doublures peuvent y être ajoutées, permettant de changer uniquement la recharge et non la serviette entière. Après utilisation, il suffit de la faire tremper puis de la laver, à la main ou en machine, et elles peuvent être utilisées plusieurs années.

Où se procurer ces produits ?

Le seul petit problème, c’est que ces produits alternatifs ne sont pas si faciles à trouver, puisque pas très rentables. Vous pouvez tout de même essayer de vous les procurer dans certains réseaux militants, notamment auprès de collectifs féministes, ou alors par le biais de magasins et sites internet bio.


Le marché de la protection périodique

Certaines femmes se sont déjà demandé pourquoi les produits d’hygiène féminine ne sont pas remboursés par les systèmes de santé. Serait-ce perçu comme un confort ou un luxe ? Il semble que oui, quand on considère que ces produits sont taxés, ajoutant un coût supplémentaire pour les consommatrices forcées que nous sommes, alors que les produits de rasage pour homme, considérés comme nécessité, sont exemptés de taxes.

Les fabricants n’ont pas l’air de s’en soucier, trop content que Dame Nature leur fournisse l’occasion de se remplir les poches à nos frais. Si on compte que dans les pays industriels, chaque femme utilise entre 10 000 et 15000 serviettes au prix de 4 à 5 euros par boite de 16 ou 20, on comprend vite l’ampleur d’un tel marché, représentant près de deux milliards de dollars américains.

Ce marché est entre les mains de trois principales compagnies multinationales, Procter & Gamble, Johnson & Johnson et Kimberly-Clark, qui produisent tampons et serviettes, mais aussi produits de beauté, produits ménagers, produits pharmaceutiques, alimentation, etc. (Rappelons au passage l’utilisation des animaux dans les laboratoires de ces prestigieuses firmes.) Ainsi ce sang que seule la ménopause semble devoir arrêter fait l’objet de toutes les stratégies marketing imaginables, et comme pour tout autre bien de consommation, la montée en gamme justifie l’augmentation des prix. Les serviettes que nos mères achetaient autrefois étaient rangées telles quelles dans des boîtes en carton, les tampons étaient emballés de papier et munis d’applicateurs en carton. Les produits contemporains sont presque tous emballés individuellement et composés de plastique. On en trouve de toutes les tailles, toujours plus absorbants que les précédents à en croire la réclame, plus doux.

Le tout ponctué d’inventions « révolutionnaires » : l’applicateur des tampons, pour éviter d’avoir à se salir les doigts avec un sang si impur, d’abord en carton puis en plastique (s’insère plus facilement et tant pis pour l’environnement), et maintenant rétractable pour occuper moins de place dans le sac à main de madame. C’est aussi en bénéficiant du relatif tabou qui entoure la question qu’une marque de tampons sans applicateur vend en pharmacie les mêmes tampons qu’en grande surface - l’emballage individuel est le même ! - pour 33% plus cher, profitant de la répugnance qu’ont certaines femmes d’utiliser un produit "de supermarché" à cet endroit sensible... Et ne pas oublier le nec le plus ultra : le protège slip ! Alors quoi, c’est pour nous éviter d’avoir à laver nos sous-vêtements ? Disponibles en différentes couleurs, assortis à la lingerie, et dernière trouvaille, les protège-dessous aromathérapie, offerts dans plusieurs essences et dans un coffret de plastique. La stratégie marketing de cette compagnie est de faire de son protège-dessous un produit de consommation quotidienne. Imaginez l’augmentation des ventes, et donc des profits, si chaque femme le porte 365 jours par an au lieu d’une soixantaine de jours. Oui, ils seront multipliés par 6 environ. Ajoutons les tampons et serviettes parfumés ou livrés avec lingette "rafraîchissante", qui viennent prendre le relais des "voiles sensation coton" et autre "absorption maximale grâce à la sphaigne" pour tenter d’acquérir de nouvelles parts de marché, et nous aurons compris que notre flux menstruel n’est aujourd’hui guère plus qu’un objet de profit.


Petite histoire des règles…

Des écrits allemands relatent qu’au XIXè siècle, la majorité de la population féminine ne portait pas de sous-vêtements et n’étanchait pas les pertes de sang au cours des menstruations. Elles laissaient donc une trace de sang derrière elles, sans offusquer personne. C’était juste naturel. On a du mal a y croire dans un monde où ce sang est devenu une honte, et où les jeunes filles apprennent à le cacher. Depuis l’aube de l’humanité, les femmes ont utilisé diverses méthodes pour recueillir leur flux menstruel, et on a trouvé la mention de l’emploi de tampons pendant le cycle menstruel en diverses époques : en 1550 avant Jésus-Christ, les femmes d’Egypte plaçaient des bandes ouatées dans leur vagin, tandis que celles de la Grèce antique du Vè siècle avant Jésus Christ utilisaient des compresses enroulées autour d’un morceau de bois. A Rome il s’agissait de laine, de papier au Japon, ou de rouleaux d’herbe en Afrique. Mais la morale chrétienne a rapidement placé le tabou sur ces méthodes, considérant que l’insertion d’un objet dans le vagin ne pouvait être qu’un péché. Dans les années 1800, la plupart des adolescentes et femmes américaines possédaient un " sac à chiffons " qui servait à y glisser des morceaux de coton et de tissu qui étaient utilisés comme serviettes hygiéniques (d’où l’expression « avoir ses chiffons »). Mais on ne les jetait pas - on les trempait et on les lavait pour les réutiliser. C’est à la fin des années 1800 que les premières serviettes hygiéniques maxi furent créées. Mais en raison des normes en matière de publicité à l’époque, personne n’en connaissait l’existence et ce fut un échec total. Une autre solution était le tablier sanitaire, constitué d’un grand rabat en caoutchouc de la taille d’un demi tablier auquel était épinglé un morceau de tissu. Pendant la première Guerre Mondiale, les infirmières ont commencé à fabriquer leurs propres serviettes hygiéniques jetables, à partir de gaze, de toile et de coton chirurgical. Enfin, dans les années 20, les entreprises commencèrent à fabriquer des serviettes hygiéniques et à en faire de la publicité dans les magazines pour femmes. Les femmes pouvaient les épingler à leur slip ou bien elles les maintenaient en place à l’aide d’une " ceinture sanitaire ". C’était une espèce de porte-jarretelles que l’on plaçait autour de la taille. Il y avait une bande à l’avant qui recouvrait la région du pubis et une bande à l’arrière qui finissait probablement toujours entre les fesses. Et on utilisait des épingles ou des attaches comme pour les porte-jarretelles pour maintenir la serviette hygiénique. Les premiers tampons produits à grande échelle ont été inventés en 1936 par le Dr Earl Cleveland Haas et commercialisés sous le nom de Tampax. Mais les préjugés sociaux et la mauvaise information ont empêché le succès des tampons (les jeunes filles avaient peur de perdre leur virginité en mettant des tampons ou croyaient qu’ils pourraient tomber simplement par terre), et ceux-ci ne se sont popularisés qu’après la seconde guerre mondiale. Les années 70 et 80 ont connu deux autres évolutions en matière de protection périodique : l’invention des serviettes hygiéniques auto-adhésives et l’autorisation de la publicité pour les tampons et les serviettes hygiéniques à la TV. Et aujourd’hui, les rayons débordent de produits jetables, de toutes les marques, tailles, couleurs et même odeurs, aussi nocifs pour le corps comme pour l’environnement les uns que les autres.

Ces textes sont extraits de la brochure Feminista, compilation de textes théoriques et pratiques sur
les femmes, leur corps, leur sexualité ; le sexisme qu’elles subissent et les combats qu’elles mènent.

Pour tout contact : feminista at no-log.org



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