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Cultiver ou mourir La lutte en cours de paysan-ne-s en Indonésie contre l’entreprise minière qui voudrait dévaster leur terre. Kulon Progo, région de Yogyakarta

mis en ligne le 12 décembre 2018 - Antasena , FKMA , George Junus Aditjondro , PPLP-KP , Suratinem , Unrest Collective , Widodo

Introduction

Ce n’est une surprise pour personne, même pour les gens éloignés de
toutes considérations politiques que les entreprises et leurs
filiales agissent sans scrupule quand il s’agit de leur objectif
final : faire des profits records. Régulièrement, ils agissent ainsi
aux dépens des peuples, des cultures, de l’environnement, de la
stabilité économique de celleux qui ne sont pas au sommet de leur
« chaîne alimentaire », et de tout individu ou chose qui se trouve en
travers de leurs chemins. Nous avons vu des forêts détruites, des
océans mourir lentement, des rivières et des lacs s’assécher, de plus
en plus de terres devenir stériles, tout ceci dans un seul et même
but : le pouvoir et la richesse pour quelques uns, la faim et la
répression pour le reste d’entre nous.

Un des moyens, pour ces entreprises, de réussir à poursuivre leur
quête impitoyable de profit est de déplacer leurs opérations dans
des zones « éloignées ». Depuis plus de 100 ans, les entreprises ont
dépouillées les pays du « tiers monde », ie les pays en voie de
développement, de leurs ressources naturelles. L’Indonésie est
simplement un des pays les plus récents sur la liste des pays
vendus à ces entreprises par le propre gouvernement des
populations qui y vivent, dans le but d’y faire du profit.

Mais les populations locales et indigènes d’Indonésie ne veulent
simplement plus offrir leurs terres, leurs cultures, leurs moyens de
subsistance en sacrifice à des PDG. Beaucoup reconnaissent que
perdre leur terre maintenant signifie perdre définitivement leur
culture et moyen de subsistance. Les différentes pratiques utilisées
par les entreprises pour manipuler, terroriser et prendre de force
les terres des populations locales et indigène sont restées trop
longtemps sous silence. Il est temps pour le monde entier de savoir
que ce n’est pas qu’une question de terre. C’est une question de
culture, de moyens de subsistance volés à plus de 42 000 personnes.
C’est la question de les contraindre à une pauvreté oppressante.
C’est la question d’exposer des îles entières aux risques de
catastrophes naturelles sérieuses et mortelles à cause de
l’exploitation minière. Tout ceci pour le profit.

Cette brochure a pour objectif de présenter ces pratiques pour ce
qu’elles sont ; illégales et corrompues, au mépris de la vie humaine.
Nous voulons aussi informer les gens de la lutte en cours, et du
combat passionnant des paysan-ne-s et personnes prêtes à tout perdre, pas seulement leur propriété mais aussi leur indépendance
et possiblement, leur vie.

A Kulon Progo, une des nombreuses zones de terres menacées
actuellement par des méga sociétés minières, illes risquent aussi
de perdre les savoir-faire et la capacité à cultiver selon une
méthode unique développée depuis les 30 dernières années : cette
pratique à faible impact environnemental de culture côtière sera
éliminée. Tout ceci serait voué à disparaître suite à une
appropriation totalement illégal des terres par la répression,
l’intimidation et une violation flagrante des droits humains.

Ce n’est plus simplement la question de paysan-ne-s effrayé-e-s à
l’idée de perdre leur moyen de subsistance. Il y a de nombreuses
ramifications environnementales, sociales, culturelles, économiques
et politiques... Il est temps que nous sachions tout ce qu’il se passe
dans la lutte de ces paysan-ne-s et populations locales d’Indonésie
contre des entreprises qui cherchent à les écraser sous le poids de
leur avidité et de leur industrie.

En solidarité,
Unrest Collective

Les effets courants de l’extraction en Indonésie

Depuis de nombreuses années, l’extraction subventionnée profite des
ressources naturelles de l’Indonésie. Mais il semble que les entreprises
augmentent leur méthodes violentes et agressives pour atteindre leur
objectif de profit. Cela ne signifie pas simplement la destruction totale
de l’environnement, de terrains et de maisons des populations locales,
mais la violation flagrante des droits humains.

Pour commencer, des dizaines de milliers d’habitant-e-s et d’indigènes ont
été déplacées par les entreprises minières en Indonésie. Ces personnes
n’ont pas simplement perdu leur terre, mais leurs maisons, leurs
ressources en alimentation de base, leurs moyens de gagner un revenu et
de soutenir leurs familles et communautés. Ces personnes sont soumises à
une pauvreté involontaire et à des conditions de vie non durables.

Là où était une forêt ou une côte fleurie, il s a maintenant de vastes
étendues de paysages lunaires vides et pillés. Des terrains vagues là où
il n’y a pas si longtemps, des personnes étaient capables, collectivement ,
de travailler dur la terre pour survivre et nourrir d’autres personnes.

Sur les îles indonésiennes où des mines sont déjà bien établées, comme à
Bornéo, Sumatra, Papua, Nusa, Tenggara, Barat, et Sulawesi, on peut lire des
rapports, et même voir la destruction s’étendre kilomètre après kilomètre.

La destruction a laissé des hectares de ces îles exposées aux assauts de
catastrophes naturelles comme les tsunamis, et le taux d’érosion est si
élevé qu’il n’y a pratiquement aucun espoir de reconstruction, même si les
mines quittaient la zone immédiatement. C’est un fait avéré que les
tentatives de reconstruire après coup des plages n’arrivent pas à simuler
les conditions naturelles.

Ceci a de nombreuses répercussions, pas seulement pour les habitant-e-s et
l’environnement de l’Indonésie, mais pour le monde entier. De telles
destructions brutes d’hectares de littoraux et de forêts conduisent le
monde à un grave manque d’oxygène et à des changements irréversibles du
paysage des terres et océans.

Comme nous le voyons partout dans le monde, les entreprises sont prêtes à
utiliser tous les moyens nécessaires pour faire du profit. Dans la seule
Indonésie, cela signifie extorsion, corruption, intimidation, menace,
torture, sabotage, kidnapping, viol, emprisonnement illégal, force brutale et flagrante et dans quelques cas, on soupçonne meurtre et génocide. L’extorsion et la corruption sont soutenues et approuvées par le
gouvernement au niveau local et national : l’aide allant de
fonctionnaires falsifiant des rapports à la police agissant comme des
mercenaires pour revendiquer illégalement des droits de propriété,
aidant et incitant à l’enlèvement, à l’emprisonnement illégal, ou au
déplacement des populations locales.

L’intimidation, les menaces et les campagnes de terreur sont infligées par
des mercenaires, souvent sous escorte policière, quand ce ne sont pas eux-
mêmes des flics, dans le but de diviser et séparer les communautés et
faire disparaître les cultures et les méthodes de travail locales. Même si le nombre de mines déjà en fonctionnement peut laisser penser que ces méthodes terroristes ont eu du succès, le peuple continue à combattre vaillamment pour leurs terres et leurs droits.

Régulièrement, des études indépendantes prouvent de manière irréfutable
qu’il n’y a aucune possibilité de pérennité, et dans certains cas aucun
espoir de récupération, après une destruction aussi vaste et rapide de
ces ressources, qui jus qu’il y a peu fournissaient nourriture, refuge,
travail et communauté pour des centaines de milliers d’indonésien-ne-s.
Nous réclamons l’arrêt immédiat de tels actes de terrorisme à l’encontre
du peuple indonésien et de leurs précieuses terres, avant que l’Indonésie
ne soit devenue un vaste terrain vague d’usines, de mines et de profits
d’entreprises.

Un conte de sable

Un conte de sable, et de ceux qui s’en nourrissent :
histoire et explications ethnographiques du village de
Kulon Progo et de sa résistance

Le sable définit l’histoire de la vie de celleux qui vivent le long
du littoral sud de Kulon Progo.
Jusqu’à présent, ce sable a nourri des milliers d’âmes de la bordure
côtière du royaume de Kulon Progo. L’histoire commence avant 1942,
quand les habitant-e-s de la côte essayaient déjà de transformer le
sable en moyen de subsistance. Des notes tirées de l’histoire orale
d’Arjo Dimejo, un villageois de Karang Sewu, montrent qu’avant cette
date, beaucoup de ses compatriotes survivaient grâce à la culture
de riz, patates douces, pommes de terre, et haricots sur les sables
côtiers.

Puis quand les Japonais sont arrivés, les habitant-e-s ont eu
l’interdiction d’utiliser le sable comme terre agricole, car les
japonais les soupçonnaient de faire secrètement du sel marin. Mais
après la proclamation d’indépendance de l’Indonésie, dès que les
japonais n’ont plus surveillé les plages, quelques villageois-es
sont revenu-e-s pour y chercher subsistance.
Arjo Dimejo raconte qu’en 1948, le président Soekarno a fait un
voyage sur la côte et a invité les habitant-e-s à en utiliser la
terre. Alors la plupart des habitant-e-s locaux, dont beaucoup
étaient paysan-ne-s, se sont empressés de travailler cette terre
dont le sol était simplement du sable. A un moment des années 1970, des
tempêtes ont fait des ravages sur les terres et habitations
construites jusque là. Pourtant, malgré ces mauvaises conditions,
les paysan-ne-s réussissaient à survivre, encore déterminé-e-s à
manger ce que le sable pouvait leur fournir.

Celleux qui vivent du sable sont appelé-e-s "cubung" par les autres,
un surnom moqueur qui signifie villageois arriéré ou inférieur,
maladif. Et en réalité, ces dernières décennies, la combinaison de la
chaleur du soleil et de forts coups de vent ont provoqué des
maladies, de peau, du système respiratoire, d’estomac ou des yeux,
chez de nombreux habitant-e-s.

Les habitant-e-s de la côte cultivaient la terre sans sol,
uniquement du sable, espérant que l’eau de pluie qui tombait gratuitement sur la terre rendrait le sol fertile ; leurs conditions
de vie étaient toujours précaires. Jusque dans les années 1980,
l’agriculture sur la zone côtière était extrêmement marginale. Seul
un certain type de vigne poussait dans le sable. Et encore,
seulement pendant la saison des pluies : pendant la saison sèche,
tout mourrait. La sécheresse a conduit beaucoup de paysan-ne-s à
plutôt chercher un travail salarié ailleurs, même si ça signifiait
quitter Java : habituellement, ils revenaient 6 ou 12 mois plus tard.
Jusque dans les années 80, le terme "cubung" était encore couramment
utilisé. Cependant, pendant ces années, les paysan-ne-s ont
augmenté leurs efforts pour trouver des moyens naturels pour que
le sable produise de la nourriture, respirant du sable chaque jour
par amour de la survie.

Visiter ses voisin-e-s nourrit la sagesse collective

Presque chaque jour, les habitant-e-s qu’on nomme moqueusement
"cubung" se réjouissent beaucoup de "Endong Endongan". C’est une
tradition des villageois-e-s de se rassembler dans la maison du
voisin-e, et de raconter leur expérience aux autres personnes
présentes. D’après Imam Reno, un villageois de Bugel, c’est une
façon de lutter pour répondre à tous les besoins d’une vie, que ce
soit matériels ou spirituels, et ceci qu’ils en soient conscient-e-s
ou non. Quand les habitant-e-s se rencontrent chaque soir, illes
développent le sentiment qu’illes ne sont plus tou-te-s isolé-e-s
seul-e-s. Des moments comme ceux-ci sont des embryons dans
lesquelles la motivation des paysan-ne-s peut grandir, ainsi que le
désir de persévérer et d’améliorer leur vie.
Ces "endong endongan" sont des rencontres d’ami-e-s, et ne sont
généralement pas hiérarchiques, elles arrivent spontanément et
régulièrement. Ce sont des moments pour s’encourager, et pour
trouver des idées ensemble.

Le côté positif de ces rencontres « coeur-à-coeur », de s’aider
mutuellement et de partager des expériences vient de l’idée de trois
villageois (Iman Rejo, Pardiman, Musdiwiyono) pour essayer de
trouver différentes techniques et pratiques pour utiliser ces
terres marginales de sable.

Ces rencontres du soir, endong-endongan dans différentes maisons
créent des relations de confiance entre les gens dans ces
conditions difficiles. Illes commencent à parler ensemble des
problèmes auxquels illes font face, et à chercher des moyens de les résoudre ensemble. Avant, chaque paysan-ne cultivait sa terre
seul-e, mais illes ont ensuite ressenti le besoin de travailler
ensemble pour trouver de nouvelles méthodes de culture. Illes se
sont aussi rendu compte que les expériences qu’illes avaient
apprises d’autres endroits où ils avaient travaillé la terre, ou été
employé, leur donnaient de nouveaux éléments à partager et
discuter.

Différentes idées ont ainsi émergé des rencontres de ces individus
et de groupes de paysan-ne-s pour étudier la nature du sol et les
possibilités qu’elle offre. En 1984, un groupe de paysan-ne-s se sont
aidés les un-e-s les autres pour construire de simples puits dans
les champs. Comme le sable bouge facilement, ils ont creusé des
trous larges, avec un diamètre de 5m en haut et de 5 à 8m de
profondeur,et ils y ont inséré un tube fait de bambous. Le puits était
complété avec un palan de bambous. A chaque fois qu’un puits était
prêt, les paysan-ne-s commençaient à préparer la terre : passer la
houe, construire des barrages, fertiliser avec du fumier, et ensuite
planter. Toutes ces techniques et préparations des terres étaient
effectuées par la communauté, qui travaillait ensemble.

Les expériences des paysan-ne-s sont toujours basées sur une
observation attentive de la nature. Ils ont essayé de planter du
maïs en utilisant différentes méthodes d’arrosage et différentes
méthodes et emplacements pour faire pousser des acacias- en
observant la nature à chaque prudente tentative. Jusqu’à ce qu’un
jour, un paysan qui marchait dans un champ remarque qu’un plant de
piment poussait bien à côté d’un cocotier. Cette découverte a incité
d’autres paysan-ne-s à commencer à planter et tenter du piment,
construisant leur expérience au fur et à mesure. Finalement, ils ont
développé une connaissance approfondie de comment cultiver cette
terre, sans le secours d’aucun professeur- l’impulsion étant venue de
leur initiative de s’organiser en groupe de paysan-ne-s. Finalement,
le nombre de groupe de paysan-ne-s a augmenté graduellement, et il
y en a maintenant plusieurs douzaines.

Les paysan-ne-s ont résolu le problème du manque d’eau en
construisant des puits. Au départ, c’était très simple : ils faisaient
des trous de 5m de profondeur et les consolidaient avec du bambou.
Plus tard, le bambou a été remplacé par du ciment, et finalement, du
béton. Ils creusaient d’abord chaque puits très profond, et avaient
besoin d’un seau, mais les paysan-ne-s ont trouvé que cette méthode
n’était pas efficace. Ensuite, illes ont essayé de construire un puits principal avec une pompe à eau, relié par bambous à des
réservoirs depuis une conduite en béton. Comme ça ne marchait
toujours pas parfaitement, la canalisation en bambou a ensuite été
remplacée par du PVC. Même si les matériaux utilisés peuvent être
modernes, ils sont utilisés avec une compréhension des
caractéristiques naturelles de la zone côtière.

Le problème des vents violents a été résolu en utilisant des
plantes qui agissent comme brise-vent autour des terrains cultivés,
comme du ricin, des margoses (aussi appelées courges amères) ou des
aubergines. Illes plantent aussi des cocotiers à côté des champs
pour aider à briser le vent, pour que les plantes ne soient pas
détruites par les rafales violentes. Avant d’être cultivées, c’étaient
des dunes de sable en terrasse, ça ressemblait à un désert parsemé
de buissons et de fourrés, qui se déplaçaient toujours quand les
vagues frappaient. Mais ces contraintes naturelles ont été
surmontées par la coopération des paysan-ne-s, l’aplanissement du
terrain et l’enlèvement du sous-bois, en prenant soin de laisser une
rangée de dunes de sable entre l’océan et les terres cultivées.

Il y a beaucoup d’autres exemples dans lesquels l’expérimentation a
conduit à des connaissances de valeur, mais ils n’ont pas besoin
d’être mentionnés un par un ici. Ce qui est sûr, c’est que les paysan-ne-s ont parcouru un processus long et dynamique, dans lequel la
question centrale de la survie sur le terrain n’était jamais assuré.
Mais par la pratique des rencontres, les discussions et le partage,
ils ont découvert qu’illes n’étaient plus ensevelies sous le sable,
que de nouvelles pratiques de survie apparaissaient et qu’ils
partageant leurs forces les un-e-s avec les autres chaque jour.

Pendant un long moment, les paysan-ne-s ont dû faire face à de
nombreuses difficultés, mais illes ont finalement été capable de
résoudre ensemble leurs problèmes, de manière autonome et
indépendante, sans aides extérieures (notamment sans celle du
gouvernement). Illes ont même construit elleux-mêmes les chemins
pour aller aux champs, dont l’accès étaient auparavant difficile.
Illes ont d’abord fait de simples routes en posant des pierres,
qu’illes ont ensuite recouvertes d’asphalte, en travaillant
ensemble pour les réaliser, mettant leur argent en commun pour
couvrir les frais, tout ceci sans aucune aide du gouvernement. C’est
ce qu’illes expliquent toujours quand on leur demande quel rôle a
joué le gouvernement. De plus, il n’y a jamais eu de conflit autour
de qui peut cultiver quelle terre. Les paysan-ne-s savent que le droit de cultiver est quelque chose qu’illes partagent en commun,
ils se répartissent simplement entre elleux. Les relations de
confiance entre les individus et les groupes de paysan-ne-s sont
bien au dessus de celles des hommes d’affaires qui doivent tout
valider par des contrats légaux, tamponnés et scellés.

Plus de 40 ans d’efforts prudents ont fait de ce terrain vague une
zone fertile et productive. Toute sorte de plantes peuvent
maintenant prospérer grâce à ce dur travail et le soin apporté à
leurs cultures. Sur le sable, une récolte peut se faire aussi bien en
saison sèche qu’en saison humide. Piment, aubergine, margoses, ricin,
haricots verts, pastèques, et beaucoup d’autres légumes sont cultivés
le long des 25 km de littoral : les mains des paysan-ne-s ont verdi
le paysage. La clé de leur succès est la connaissance collective,
que ce soit la connaissance de technologie moderne comme celle de
sagesse populaire sur quand et comment planter et récolter.

Le piment est devenu la principale production des paysan-ne-s de la
région. Cependant, illes cultivent aussi d’autres plantes, selon la
saison. Chaque groupe de paysan-ne-s continue à discuter de quelle
plante cultiver d’abord, quelle culture mettre ensuite. Chaque année,
les paysan-ne-s de chaque groupe discutent de quand planter. Leurs
discussions prennent en compte différents éléments : croyance dans
le calendrier javanais, conditions du sol, de la mer et du ciel,
risques de concurrence avec les autres plantes qu’illes peuvent
vouloir cultiver sur ces terrains...

Les hommes d’affaire et les propriétaires peuvent aussi
utiliser le sable

En 1964, la faculté de géologie de l’université ITB effectue une étude
analysant la composition du sable. Menée par In Junas, elle mesure
la teneur en fer des sables et la profondeur des nappes
souterraines. Ils ont fait des forages dans le sable jusqu’à une
profondeur de 4 à 7 mètres. Plusieurs habitant-e-s ont été employé
pour travailler à cette étude en tant que main-d’oeuvre, et ils se
souviennent que sous le sable, il y avait du fer et de l’eau.

C’est ce souvenir que les paysan-ne-s ont finalement utilisé quand
ils ont commencé à changer leurs vies 20 ans plus tard, presque
comme s’illes volaient la connaissance d’une recherche extérieure.
Iman Rejo, Pardiman, et Musdiwiyono ont pris l’initiative de
rassembler les gens pour construire des puits pour subvenir à leurs besoins. Sous la terre, ils ont trouvé une eau fraîche, claire,
et non salée, même s’ils se trouvaient à seulement quelques mètres
de la plage. Avec la construction de ces puits,le travail des
villageois-e-s a apporté la vie dans ces terres arides.

Mais cette mémoire évolue bien différemment quand elle est écrite
dans un rapport académique, puis lue par un propriétaire et donné
à des entreprises.Le moment où la terre commençait juste à devenir
fertile, à fournir de la nourriture, et même à permettre aux paysan-
ne-s d’être capable d’envoyer leurs enfants faire des études
supérieures, a aussi été le moment où un éclair a soudainement
brillé dans les cerveaux de certains entrepreneurs et de ceux qui
proclament leur autorité sur ces terres de Kulon Progo.Ils
voulaient que le sable réponde à leurs besoins aussi. Le
partenariat qu’ils ont créé s’est nommé PT JMM (Jogja Magasa Mining).

Le jeudi 6 octobre 2005, à 20h15 (heure de l’ouest d’Indonésie), une voix
imaginaire a déchiré les rêves des fermiers. " Il y a du fer dans les
entrailles du littoral sablonneux, et il est temps pour lui de
sortir, d’être exploité, de réjouir, pas seulement les paysan-ne-s
mais tou-te-s, pour le bien de toute la société, pour le peuple, et
pour la nation. " c’est à peu près comme ça que la voix a retenti
dans la salle de réunion imaginaire, un peu avant l’arrivée d’un
acte notarié de PT JMM (Jogja Magasa Mining).

Pour atteindre ces buts et objectifs, l’entreprise peut effectuer les
activités économiques suivantes :

a - des activités économiques dans le secteur minier en général,
incluant l’extraction de sable ferreux, de minerai de fer, de sable
maritime et de charbon

b - effectuer du commerce, ce qui inclut l’importation, l’exportation
et le commerce inter-île, agir en tant que représentant, agent
exclusif, distributeur, fournisseur de produits miniers comme les
sables ferreux, les minerais de fer, le sable maritime, le charbon,
que ce soit à son compte ou pour le compte d’autres par le moyen de
commission.

c - établir des installations industrielles pour faciliter
l’obtention et le traitement des produits miniers tels que les sables
ferreux, les minerais de fer, le sable maritime, le charbon.

d -fournir des services dans le secteur minier.

e -prendre en charge le transport des produits de l’activité minière,
par le moyen de camions [1].

A la lecture de ce document, PT JMM semblait avoir reçu
l’autorisation légale de l’État pour l’exploitation totale des terres
par leur entreprise minière. Mais cette entreprise, PT JMM venait
juste de se former, et était encore nouvelle dans le secteur minier.
Elle avait besoin d’expérience dans l’exploitation minière, et de
capitaux supplémentaires, et a donc eu besoin de se joindre à une
autre entreprise. D’après une interview avec Lufit Hayder (commissaire de Jogja Magasa Iron) [2], l’entreprise a fusionné avec une
compagnie australienne, Indo Mines Limited [3], et l’entreprise
Australia Kimberly Diamond a aussi investit des capitaux, comme
beaucoup d’autres. La collaboration entre l’entreprise PT Jogja
Magasa Iron, Indo Mines, et d’autres investisseurs s’est appelée JMI
(Jogja Magasa Iron) [4], même si le nom a changé récemment en Jogja
Magasa International.

Toutes les étapes ont déjà été remplies par les partenaires
commerciaux et ceux qui se réclament de l’autorité de Kulon Progo
pour être sûr du succès de leur entreprise minière. Lufti Hayder, en
tant que commissaire de Jogja Magasa Iron, déclare qu’ils ont déjà
trouvé des soutiens financiers importants, même si l’état du monde
est plutôt à la récession économique. Les fonds pour finir l’étude de
faisabilité sont aussi déjà disponibles, et sont estimés suffisants
pour 12 à 18 mois d’études.

Les paysan-ne-s contre l’entreprise

Au début de 2007, les habitant-e-s du littoral ont commencé à
s’inquiéter de ce projet de mines. La nervosité s’est bientôt répandue,
avec l’inquiétude des paysan-ne-s à l’idée de perdre la terre qui les
supporte depuis si longtemps. Ils ont échangé leurs craintes les un-
e-s avec les autres, et aussi au sein des groupes de paysan-ne-s.
Finalement, différents groupes de paysan-ne-s, de différents
villages du long de la côte, ont décidé de se retrouver et d’en
discuter.

Alors, une nuit d’avril, des centaines de paysan-ne-s, délégué-e-s par
leurs groupes et villages, ont décidé ensemble de l’attitude à avoir
face à ce projet. Cette nuit-là, les paysan-ne-s ont échangé leurs idées et analysés leurs craintes par rapport aux nouvelles du
projet de mine. Cette nuit là, les conséquences que cette mine de fer
allaient avoir sur leurs existences sont apparus clairement.

La discussion a tourné autour de 3 approches. Premièrement, les
paysan-ne-s pouvaient accepter le projet de mines sans condition.
Deuxièmement, ils pouvaient l’accepter, mais avec certaines
conditions. Troisièmement, ils pouvaient rejeter cette proposition
sans condition. A la fin, il devint évident que pas une seule
personne n’était en faveur de la première option, pas plus que pour
la seconde. Tou-te-s les paysan-ne-s présent-e-s cette nuit ont
montré clairement leur opposition inconditionnelle à tout projet
d’extraction de fer de leur terre.

Cette nuit-là, les paysan-ne-s ont aussi commencé à planifier leur
stratégie pour résister à la mine. Leur première décision a été
d’établir une organisation-parapluie, qu’ils ont appelé PPLP
(Paguyaban Petani Lahan Pantai : Association des paysan-ne-s du
littoral). Cette organisation a une structure inhabituelle. En plus
d’un président, d’un secrétaire, d’un trésorier et de leurs adjoint, illes y ont aussi nommé des paysan-ne-s plus agé-e-s comme
conseiller-e-s. Il y a aussi un coordinateur de terrain dans chaque
village, qui agit en tant que délégué, ce coordinateur est une
personne, qui change souvent de manière assez flexible. Chaque
village a aussi une unité PPLP autonome, chacune ayant sa propre
structure. Ce qui est clair, c’est que personne ne détient d’autorité
dans la structure PPLP. Toute la communauté côtière est membre de
PPLP et les impressions de tou-te-s sur les informations nouvelles
qui arrivent du projet de mine sont toujours discutés aux réunions
de chaque unité PPLP comme à celle de l’organisation-parapluie. Un
autre aspect inédit est qu’il n’y a aucun bureau, ni pour
l’organisation-parapluie, ni pour les unités PPLP, puisque chaque
maison de la côte est un espace de coordination.

PPLP a commencé à organiser beaucoup d’actions. Au début, illes ont
mis en place des formes traditionnelles de luttes, impliquant les
vieux-vieilles et les jeunes avec des formes issues des traditions
locales comme le mujahidin, le lancement de sorts, les rituels
paysans et les gardes de nuits sur les terres. Mais ni leurs
tentatives de dialogue, ni leurs mouvements, qui se déclarait comme
contre les mines, n’étaient bien considéré par les entreprises ni le
gouvernement local (qui est impliqué aussi parce qu’il administre
le budget local). Discrètement, les paysan-ne-s étaient infiltré-e-s par des agents des services secrets et des mercenaires payés pour
intimider les gens.

Avant les fêtes du ramadan, le 24 aout 2007, les paysan-ne-s se sont
mis d’accord pour attaquer les autorités locales de Kulon Progo. Illes étaient gênée-s par l’existence d’une autorité symbolique qui
n’avait jamais été juste ni n’avait jamais compris les aspirations
des gens dans cette lutte. Ce jour là, les paysan-ne-s ont réussi à
combattre les flics, et à la fin, des milliers de personnes sont
entré-e-s sur le terrain du symbole du pouvoir du gouvernement du
royaume de Kulon Progo. Les paysan-ne-s ont démoli la barrière et
forcé la police à reculer devant leur action massive. Ce jour-là,
aucun des officiels locaux importants n’a rencontré les paysan-ne-s,
surtout pas le maire. Les paysan-ne-s du PPLP ont réclamé le maire 5
fois ce jour là, pour qu’il sorte avec une déclaration d’annulation
du projet de mine.

Les actions des paysan-ne-s et les manifestations continuent jusqu’à
maintenant. Illes préparent leurs stratégies et actions pour
déjouer le plan d’extraction de fer des sables côtiers de Kulon
Progo. Le cas de la résistance des paysan-ne-s de Kulon Progo est un
exemple authentique d’une lutte contre le pouvoir, qui se
caractérise par l’autonomie, le refus du politique et l’autogestion.
En réponse aux politiciens et ONG qui veulent s’impliquer, nous
pouvons dire qu’il y a une sorte d’accord : la lutte des paysan-ne-s
ne doit devenir dépendante de personne. Entre le sable et le fer
qu’il contient, il y a un feu qui fait rage, un feu qui ne peut être
dompté, qui résiste à l’exploitation et la déshumanisation, quelles
que soient les formes qu’elles prennent.

Antasena

[Traduit de Amor Fati #3, publié en 2008.]

Chronologie de la lutte à Kulon Progo

Ceci est une chronologie à partir du moment où les paysan-ne-s
ont appris pour la première fois le projet de mine sur la
région de Kulon Progo, située sur la côte sud de l’île de Java,
près de Yogyakarta, en Indonésie. Les paysan-ne-s et les
habitant-e-s continuent à lutter jusqu’à aujourd’hui contre
l’extraction minière corrompue et avide qui menace de détruire
leurs terres et leurs moyens de subsistance.

2007

1er avril 2007
Les paysan-ne-s des villages de Trisik, Kulon Progo, Banaran, Coral
Sewu, Bugel, Pleret, Garongan, et Coral Wuni tiennent leur première
rencontre à propos de l’extraction de minerais de fer. Tou-te-s
rejettent franchement ce projet et forment le PPLP (association des
paysan-ne-s du littoral)

1er mai 2007
Des paysan-ne-s de 10 villages de 4 districts, et des milliers
d’autres, se joignent la journée internationale des travailleur-euse-s pour aller manifester devant la maison du gouverneur de
Yogykarta.

10 mai 2007
PPLP tient une conférence de presse marquant son refus de
l’extraction de fer. Malgré cela, le plan d’exploitation de la terre,
d’abord proposé par deux sociétés étrangères, est approuvée sans
consultation ni information des communautés locales.

21 mai 2007
Un grand rassemblement et une parade se déroulent de village en
villages pour manifester contre l’extraction de fer. Des prises de
paroles et des manifs ont lieu tout le long du chemin.

24 mai 2007
Les représentants de la société minière essayent de faire une
présentation à Karnag Wuni pour expliquer aux habitant-e-spourquoi la mine est bonne pour la communauté. Les représentants et
leurs introductions sont rejetés. Les représentants s’en vont avant
d’avoir fini leur présentation.

14 juin 2007
PT JMI présente publiquement les plans d’extractions de minerai de
fer, l’État prévoit d’exploiter jusqu’à 1 million de tonnes par an.

18 juin 2007
PPLP commence la consultation avec une aide juridique, pour
combattre l’extraction qui veut les dépouiller de leur terre et
moyen de subsistance.

12 juillet 2007
Le vice-régent de Kulon Progo DRS H Mulyono annonce que la seule
chose qui peut faire annuler le projet est une étude
environnementale négative, que les demandes et protestations des
paysan-ne-s n’auront aucun impact sur la décision de continuer ou
non le projet de mine. Il explique aussi qu’ils vont poursuivre le
plan de 30 millions de tonnes de dépots exploités dans les 30
prochaines années.

17 juillet 2007
Bambang Suwingnyo, doctorant, démontre que l’exploitation minière
aura des effets irréversibles et graves sur la terre et
l’agriculture locale. A cause de la perte en fer du sol, les paysan-ne-s ne pourront plus continuer à cultiver ici.

21 juillet 2007
Le parlement forme une commission spéciale pour suspendre le
processus d’aborder les lettres de refus d’extraction présentées par
PPLP.

23 juillet 2007
Des milliers de membres de PPLP et d’habitant-e-s concerné-e-s qui
soutiennent le mouvement contre l’exploitation des mines marchent
sur le bureau du gouvernement du district de Wates. PPLP demande au
gouvernement local d’annuler la permission d’extraire sur les
terres des paysan-ne-s. La police les bloquent, et la manifestation
devient rapidement un affrontement violent entre la police armée et
les citoyen-ne-s. Plusieurs centaines de citoyen-ne-s sont blessé-e-s.

26 août 2007
La commission indonésienne des droits de l’homme contacte le
gouverneur de Yogyakarta et demande des informations concernant
les mines de fer, notamment des rapports détaillés des effets des
dites mines pour les 30 prochaines années et au delà, sur les
paysan-ne-s qui cultivent et vivent dans les zones potentiellement
affectées.

30 novembre 2007
PPLP étudie les plans d’extraction de fer, et rejette toutes les
propositions.

26 décembre 2007
Les villageois-e-s de Trisik sont manipulé-e-s et bafoué-e-s, et
cèdent leurs terres au projet pilote de JT JMI.

2008

1er mars 2008
Dans le village côtier de Bugel, les citoyen-ne-s bloquent la route
conduisant à la plage de Bugel avec des bambous et font d’autres
barrages routiers pour empêcher les camions de la mine de
traverser la zone.Ils leur déclarent que les camions miniers n’ont
pas l’autorisation d’utiliser la route.

3-6 juin 2008
La commission nationale des droits de l’homme mène une enquête et
examine les projets d’extraction des sables ferreux prévus à Kulon
Progo, Yogyakarta. Le contrôle par la commission nationale des
droits de l’homme produit de nombreuses recommandations qui
expliquent que, à partir des données, des informations et des faits,
l’extraction de sables ferreux à Kulon Progo est une violation
potentielle des droits de l’homme, en particulier à l’égard, 1) des
droits à la terre, 2) du droit au travail, 3) du droit à la sécurité, 4)
du droit à l’information, et 5) des droits des paysan-ne-s.

21 juin 2008
Plus de 3000 citoyen-ne-s manifestent devant l’université de Gadjah
Mada (UGM) à Yogyakarta pour dénoncer l’implication de la faculté de
foresterie de UGM dans les études biaisées de PT JMI sur les
réclamations post-minières.

28 juillet 2008
Le ministère de l’environnement fait une déclaration disant qu’ils
ne publieront pas de permis d’extraction tant que PT JMI n’aura pas
présenté une étude d’impact environnementale (EIA).

1 août 2008
La commission nationale des droits de l’homme (Komnas HAM)
recommande au président d’Indonésie de revoir la copie du contrat
pour l’extraction de fer à Kulon Progo. Cette révision doit prendre
en compte toutes les dimensions des droits humains, c’est à dire les
droits économiques, sociaux, culturels, et politiques.

23 octobre 2008
Les habitant-e-s de 6 villages manifestent contre le permis de
projet pilote publié par le régent. Le même jour, le régent révoque
les déclarations faites aux médias à propos de la réponse positive
du gouvernement central par rapport aux projets d’extraction de fer
à Kulon Progo. La manifestation occupe le terrain du parlement, et
force finalement le passage pour occuper le bâtiment.

25 octobre 2008
L’occupation des bâtiments du parlement par les habitant-e-s se
termine sans que rien ne soit résolu, au grand désappointement des
paysan-ne-s. Les habitant-e-s retournent chez elleux pour cultiver
leur terre.

27 octobre 2008
300 mercenaires, escortés par la police locale, envahissent les
villages environnants, vont de villages en village en détruisant et
incendiant tout, aussi bien les postes (places de repos pour les
paysan-ne-s lorsqu’illes sont dans les champs : pour qu’illes
puissent se reposer à l’ombre quand illes sont fatigué-e-s) qu’une
maison et une boutique. La police nie avoir assisté ou permis ces
destructions. Le but de ces actes était de forcer les villageois-e-s
à se battre et à suivre les responsables de ces destruction pour
qu’illes (les paysan-ne-s ) se fassent arrêter.

17 novembre 2008
Il commence à y avoir des rapports à propos de cultures qui n’ont
pas poussé à proximité du projet pilote.

21 novembre 2008
Des barrages routiers sont à nouveau installés pour empêcher les véhicules de la mine de passer.

2009

18 janvier 2009
Les habitant-e-s commencent à reconstruire après les destructions
commises. La reconstruction d’un poste peut coûter jusqu’à un mois de
salaire pour un-e paysan-ne.

17 mars 2009
Les citoyen-ne-s bloquent l’autoroute dans le village Daendels pour
empêcher la visite du ministre des affaires maritimes et de la
pêche.

25 mars 2009
PPLP envoie une lettre détaillant les informations complètes du
projet d’extraction, ainsi que les plaintes des paysan-ne-s au
président d’Indonésie, et à de nombreux ministres (ils ne reçoivent
aucune réponse).

30 mars 2009
Le sultan de Yogyakarta annonce publiquement que le projet de mine
de fer a été réalisé.

21 juillet 2009
Des milliers de personnes manifestent contre l’inaction de la police
face aux incendies criminels et aux destructions commises par des
mercenaires en octobre 2008.

31 juillet 2009
PPLP et d’autres paysan-ne-s présentent une nouvelle fois tous les
détails des raisons pour lesquelles illes refusent l’extraction
sur leur terre. Illes soulignent une fois de plus les impacts
négatifs sur l’économie, l’agriculture, la culture et la vie sociale.

9- 20 août 2009
Des gens affichent des tableaux et des panneaux dans tous les
villages alentours, détaillant la corruption, les projets de mines,
et les raisons de refuser les mines en question.

24 août 2009
L’étude d’impact environnemental commence dans la zone de Kulon
Progo. Les habitant-e-s manifestent dans les rues avec des pancartes
et des banderoles sur lesquelles on peut lire « 30 ans du destin des
habitant-e-s du littoral sont en jeu. Vous qui faites l’étude d’impact
environnemental, travaillez avec professionnalisme et objectivité ».

20 octobre 2009
PPLP et d’autres personnes se rassemblent devant le bureau du
gouvernement à Wates. Il y a une rencontre arrangée entre les
paysan-ne-s, le gouvernement, et la société minière. Alors que
beaucoup de paysan-ne-s ont une invitation officielle pour cette
rencontre, l’accès est refusé à la plupart, certain-e-s à cause de
leur affiliation à PPLP. En attendant, beaucoup de gens font face
aux barricades de la police et ne peuvent pas entrer. 11 h : dans le
rassemblement, il y a des affrontements entre la police et des
paysan-ne-s sans arme, et des habitant-e-s. La police les poussent
avec leur bouclier, mais les paysan-ne-s continuent à répliquer à
main nues. La police commence bizarrement à ouvrir le feu. Les gens
ramassent des pierres et les jettent sur la police. La police tire
des gaz lacrymogènes dans la foule, plusieurs fois. Les habitant-e-s
sont repoussé-e-s dans la rue par les gaz lacrymogènes, mais la
police continue à tirer même quand les personnes se sont retirées.

10 novembre 2009
5 experts gouvernementaux en loi, développement, affaires et
finances, gouvernance et ressources sociales et humaines étudient
les projets d’extractions de fer. Un des experts, Musodo, montre que
l’extraction va faire disparaître complètement les moyens de
subsistance des habitant-e-s, en créant un chômage massif à tous les
niveaux.

2 décembre 2009
Tukijo est accusé de diffamation à l’encontre de la compagnie
minière pour avoir demandé avec des paysan-ne-s du village de
Bedoyo des informations et des données sur la terre, et pour avoir
enquêté pour savoir si oui ou non il y avait manipulation des
données fournies.

10 décembre 2009
PPLP et d’autres personnes célèbrent la journée des droits de
l’homme en manifestant. Des pancartes, dont une affichant « le peuple
ne cessera pas de combattre ; nous continuons à refuser les mines »,
et des douzaines d’autres sont installées à travers les villages de
Kulon Progo.

29 décembre 2009
PPLP et des citoyen-ne-s marchent sur le parlement de Kulon Progo.
Illes demandent la disparition du comité spécial de Kulon Progo
pour la mine.

2010

Avril 2010
Les habitant-e-s envoient une lettre refusant le projet d’extraction
de minerai de fer au président de l’Indonésie.

Mai 2010
Les habitant-e-s envoient une lettre au parlement pour demander au
parlement de Yogyakarta d’enquêter sur des allégations de
scandales dans le processus d’élaboration législatif

15 décembre 2010
Une action de rassemblement contre l’extraction de sable ferreux
coïncide avec l’évaluation des documents de l’étude d’impact
environnemental.

16 décembre 2010
Action des paysan-ne-s : prise d’otages de 6 voitures appartenant aux
investisseurs et destruction d’une partie des voitures.

17 décembre 2010
Action de paysan-ne-s et d’autres à Gupit pour fermer le projet
pilote de mine, après 3 ans de fonctionnement sans aucuneprécaution par rapport à l’environnement.

2011

9 février 2011
La commission nationale des droits de l’homme, dans le village de
Bugel, recommande une médiation pour évaluer les intérêts de toutes
les parties impliquées.

1 mai 2011
Enlèvement de Tukijo par la police locale (voir la chronologie un
peu plus loin dans cette brochure pour plus d’informations sur
Tukijo).

2012

13 juillet 2012
Même si ceci conclut cette chronologie, la lutte continue jusqu’à
aujourd’hui, avec des actions légales en cours, des manifestations,
et des projets communautaires, contre l’extraction minière et contre
la détention illégale du paysan Tukijo.

Entretien : Widodo

Widodo est un des paysans de Kulon Progo qui a décidé, comme de
nombreux autres jeunes de l’Indonésie rurale, de partir à l’étranger
comme travailleur immigré. Cependant, lorsque le rivage du sud de
Kulon Progo est devenu verdoyant et a commencé à produire des
récoltes saines et abondantes grâce à la détermination et au
travail des habitant-e-s, lui, comme de nombreux autres jeunes, est
revenu chez lui pour aider sa famille à continuer les traditions
ancestrales : la culture vivrière. Widodo s’est joint à des milliers
d’autres sous le parapluie de PPLP pour continuer à lutter contre
la soif de pouvoir et l’avidité capitaliste des sociétés minières.

1. Comment tu te sens par rapport à l’état actuel de la lutte des
paysan-ne-s à Kulon Progo ?

En général, il y a beaucoup de chose ressenties dans cette lutte.
Nous avons appris que la défense de notre terre est très importante
pour nos vies. En fait, quand on parle de combat, la logique de
l’étude est très importante. Le second sentiment est un sentiment de
déprime. Déprime, parce que nos vies sont normalement très bien,
paisibles et relaxantes. Malgré ça, l’État produit une pression
morale et physique sur nous, pour que nous puissions seulement
nous réjouir d’une vie que nous ne voulons pas. Enfin, nous pouvons
tirer beaucoup de bénéfices de la lutte de la communauté côtière de
Kulon Progo.

2. Est que tu penses que PPLP (association des paysan-ne-s du
littoral) à Kulon Progo a le soutien et la solidarité dont elle a
besoin d’autres paysan-ne-s d’Indonésie ou d’autres personnes dans
le monde dans son combat contre l’extraction minière ?

Relativement, oui, en fait, nous avons déjà beaucoup de soutiens
d’autres paysan-ne-s, mais à notre avis, il en faudrait encore plus.
Notre souhait est que les gens réalisent que la lutte à Kulon Progo
est aussi celle de tou-te-s les paysan-ne-s d’Indonésie. Nous devons
augmenter la prise de conscience que d’autres paysan-ne-s n’ont
peut-être pas encore : il n’est pas seulement question de Kulon
Progo, beaucoup d’autres paysan-ne-s rencontrent aussi ce type de
combats. Mais pour dire s’il y a ou non beaucoup de solidarité, nous
en manquons encore. Aussi, pour la solidarité internationale, en
réalité il y en a beaucoup. Nous sentons que la pression
internationale est très importante. Ça peut grandement aider notre mouvement ici. Cependant, nous n’avons pas été satisfait parce que
la lutte n’a pas réussi à 100 % . Donc, tout ceci n’est pas encore
assez, autant en terme de solidarité locale qu’internationale.

3. A ton avis, est ce que c’est à cause d’un manque de soutien plus
fort des mouvements paysans locaux pour la lutte des paysan-ne-s
du Progo Ouest, ou d’un manque de soutien d’autres groupes ?

Il y a beaucoup de raisons, parce que je vois qu’ici, en Indonésie, on
n’a pas une sorte de mouvement de paysan-ne-s complètement
indépendant. Je vois que dans chaque lutte paysanne, il y a d’autres
forces qui veulent en réalité contrôler le mouvement. Quand nous
voulons mettre en place des réseaux, des solidarités mutuelles, c’est
comme s’il y avait un tyran qui nous bloquait le passage. Même si ce
n’est rien. Je vois ça habituellement dans les mouvements, c’est
pourquoi je pense que le PPLP a de la valeur, je pense que personne
ne le contrôle.

4. De ton point de vue, quelle est la chose la plus importante sur
laquelle les paysan-ne-s doivent se concentrer dans cette lutte
contre l’extraction de sables ferreux ?

Il y a trois choses qui sont les bases de notre lutte. D’abord, le
point le plus important pour nous est de maintenir nos moyens de
subsistance : planter et récolter, parce que si nous les abandonnons,
nous ne sommes plus des paysan-ne-s, nous perdons notre identité.
C’est ça, le plus important. La seconde chose est de se concentrer sur
comment faire savoir qu’une lutte contre l’oppression est en cours.
Pour ça, c’est important pour nous de construire un réseau. Tout le
monde doit savoir, partout, ce qu’il se passe à Kulon Progo. La
troisième chose que nous devons faire pour résister à l’oppression
et défendre nos droits, est d’être toujours en contact avec la loi
formelle. Cela nécessite un avocat. Quand, par exemple, nous
réussissons à réunir les éléments d’une affaire, les avocats peuvent
jouer un rôle important. Même si je n’ai aucun doute, même un bon
avocat peut perdre.

5. Comment tu crois que le projet d’extraction de sable ferreux va
affecter les générations futures ?

Je crois que ça va avoir beaucoup d’influence. Pas seulement pour
les futures générations de paysan-ne-s. Mais ça va aussi avoir de
l’influence sur tous les aspects de la vie sur la côté, ici, parce que
ça va tout changer. Aujourd’hui, nous avons une belle ferme. Nous pouvons tou-te-s nous réunir, nous pouvons interagir avec d’autres
fermiers. Nous mettons en place une vie harmonieuse. La vie sociale
y est bonne. Mais si la mine est ouverte, tout sera détruit. Ça va
affecter tous les aspects de la vie sociale, et les autres aspects de
la vie. Pour protéger cela, nous avons toujours dit que cette
histoire est notre histoire à tou-te-s, à la communauté entière. Donc,
des plus vieilles aux plus jeunes générations,même les enfants,
aujourd’hui et pour toujours, tout le monde doit apprendre comment
assurer durablement nos conditions de vie. Les questions de
régénération, etc, on va toujours les enseigner par la nature. Nous
devons être capable de leur enseigner qu’une agriculture locale,
indépendante, est essentielle à la vie, parce que ça ne détruit pas
la nature, ça ne détruit pas l’environnement, et ainsi de suite.

6. Est-ce que tu peux nous dire un peu les risques pour
l’environnement de ce projet de mine de sables ferreux ?

Bien, c’est une grande question. Et en fait, c’est assez fréquent que
les gens ne le sachent pas. C’est une plage. S’il y a une mine,
clairement, les écosystèmes côtiers vont être détruits. Nous ne
savons pas ce qu’il se passera quand ces écosystèmes seront
détruits, quand il y aura des catastrophes naturelles, comme des
ouragans, des raz-de-marée, des tsunamis ou des tremblements de
terre. Leurs fonctions sont importantes pour le maintien des
activités vitales, et peut réduire les dégâts des catastrophes
naturelles. Nous vivons ici, et nous sommes protégé par la nature.
Quand la nature sera détruite, qui protégera la vie sur la plage et
sur terre ? Ca, c’est pour la destruction de l’environnement. Il y
aura encore plus de destruction sociale, comme je le disais
précédemment, particulièrement la destruction de l’économie locale.
Avec la venue d’investisseurs, il y aura certainement beaucoup
d’argent. C’est la population indigène qui va être détruite par tout
ça. Parce que les investisseurs ne pensent pas à la vie sociale, ils
pensent seulement à comment leur investissement va grossir et faire
le plus de bénéfices. Ils pensent comme ça. C’est ce qu’on appelle le
capitalisme.

7. C’est une longue lutte, qui dure déjà, en fait, depuis 7 ans, est ce
que tu penses que cette lutte populaire va continuer dans les
années à venir ?

Je crois que ça va continuer comme ça. Parce que j’aime ma terre, je
pense que ma terre est ma vie. Et je crois que toute la population de
la côté pense de la même façon. Donc, quand cette terre est creusée, draguée, par exemple, c’est comme si nous donnions notre vie à
d’autres. La vie des paysan-ne-s serait remise aux mains des sociétés
minières. Donc nous croyons que la lutte contre la mine de sable
ferreux va continuer, tant qu’il le faut, tant qu’il le faut !

8. Pourquoi tu penses ou tu crois que les paysan-ne-s sont aussi
prêt-e-s ou volontaires pour combattre pour leurs terres ? Qu’est ce
que signifie « la terre » pour un fermier de Progo Ouest ?

C’est une question de base. L’explication est très vaste à mon avis.
Parce que notre terre est notre vie, comme je disais tout à l’heure.
Cette vie ne peut pas être échangée contre autre chose. De plus, ce
qui est promis par les investisseurs et le gouvernement ne pourra
pas nous donner la prospérité, c’est clair. Maintenant, quand nous
parlons de terre, nous parlons aussi de vie. Quand nous parlons de
vie, nous parlons de tout ce qui est social, culturel, environnemental, tout est relié les uns aux autres. C’est comme ça, on peut aussi dire que notre paix et notre prospérité ne peuvent
pas se mesurer. De plus, l’évaluation de la prospérité est faite
selon la version de ce pays ou des riches. Ça ne peut pas être pour
le citoyen moyen. Même si chaque jour on nous dit de continuer,
d’aller ailleurs. Nous nous sentons déjà en paix avec cette vie, même
si notre version de la richesse ne correspond pas à leurs
standards.

9. Tu affirmes ne pas croire que les investissements peuvent
apporter la prospérité. Est ce qu’il n’y a pas des gens qui croient
que les investissements peuvent apporter la prospérité, l’abondance
économique ? Pourquoi tu n’y crois pas ?

Qui le dit ? Quelle version de l’histoire est-ce ? Je peux savoir ? Qui
peut dire une chose pareille ? Uniquement, certainement, les
personnes qui dirigent, les employé-e-s et les gens qui lèchent le
cul des dirigeants, les investisseurs et les hommes d’affaires. Ce ne
sont pas des combattants pour une vie indépendante. Où est la mine
qui peut aider des petites gens comme moi à prospérer ? Il n’y en a
pas. De plus, en parlant du pays, qu’est ce qu’il fait réellement ? Ils
font juste des règles et des lois, emprisonnent les personnes qui
luttent, comme Tukijo. Ça ne peut nous profiter en aucune manière.
Donc, les personnes qui parlent comme ça, sont seulement crédules. Il
n’y a jamais eu aucune preuve que quand une mine ouvre à un
endroit, cela continue à être prospère pour les gens qui y vivent.
On dit que Freeport est toujours prospère, mais la réalité n’est pas
comme ça. Oui, ça rend les propriétaires de société prospères, ceux
qui ont déjà de l’argent, qui ont une position élevée dans
l’entreprise. Ils sont prospères. Les personnes qui possédaient la
terre là-bas ont été expulsés. Et nous ne voulons pas être comme ça.
Nous voulons l’indépendance sur nos propres terres. Je suis plus
confiant quand je cultive ma propre terre, parce que c’est plus
concret. Pas besoin d’utiliser telle ou telle règle, qui est fixée par
une théorie. Ce qu’il y a, c’est que nos vies sont prospères et sûres.
Sauf qu’aujourd’hui, les autorités et les financiers veulent nous
expulser. Mais nous allons rester et combattre jusqu’au bout. Ca ne
finit pas simplement ici. En fait, quand j’étais à Lumajang, Java de
l’Est, les paysan-ne-s étaient déjà prospères et en sécurité là-bas.
Il-le-s avaient été capables de trouver un mode de vie selon leur
propre modèle, et en accord avec le bien-être qu’il-le-s voulaient et
attendaient. Mais là encore, il était question que leurs vies soient
détruites par l’État et les investisseurs. C’est un exemple que j’ai vu
réellement par moi-même. Un autre exemple est à Kebumen, il y avait
des paysan-ne-s côtier-ré-s qui vivaient de manière indépendante en
cultivant. Mais là, la TNI (armée indonésienne) a déclaré,
unilatéralement, que cette terre était un territoire militaire. Alors
qu’il est clair que cette terre est une terre pour l’usage des gens,
ça a déjà été certifié. C’est une chose étrange et marrante. Donc, c’est
pour ça. Je n’ai jamais cru à ce qu’on appelle "pays ou État", parce
que c’est habituellement utilisé uniquement pour protéger les
investisseurs plutôt que pour protéger les communautés ou les gens. En plus de tout ça, il y a encore d’autres problèmes, comme à Porong, la coulée de boue de Sidoarjo, un bon exemple d’un cas qui a poussé
les gens dans la misère et la pauvreté. C’était la résultat
d’investisseurs d’une société, pourquoi nous en étonner ? Il y a déjà
beaucoup trop d’exemples, et nous ne les aimons pas. Non, nous allons
continuer ainsi, cultiver et combattre.

10. On sait que le sultanat de Yogyakarta et Pakualaman a un
intérêt dans ce projet d’extraction de sable ferreux, parce les
membres de la famille royale ont non seulement une position
importante dans l’entreprise PT JMI (Jogja Magasa International),
mais ils font aussi partie des actionnaires. D’un autre côté,
beaucoup de gens croient encore que le rôle du palais est de
protéger la société et d’assurer la justice. Mais cette image est
faussée par les preuves de leur implication dans l’extraction de
mine qui va déporter des milliers de paysan-ne-s de la côte de
Kulon Progo. Qu’est ce que tu en penses ?

Qu’est ce que c’est le palais ? C’est une institution qui ne veut
clairement plus rien dire d’après moi. Quand ils parlent de culture,
ils disent ce qu’ils veulent, mais nous devons faire face au fait que
le palais est simplement un symbole pour cacher une institution
périmée qui s’effondre. Beaucoup de gens voient encore le palais
comme le symbole d’un empire ouvert et juste, mais ça sert seulement
à essayer de dissimuler la vérité pourrissante. La réalité, c’est que
le palais et les gens qui y sont veulent clairement expulser les
habitant-e-s de Kulon Progo de leurs terres. Des gens qui sont leur
propre peuple, qu’ils ont un jour jurer de protéger. Pour nous, c’est
seulement une preuve de plus que leur pouvoir est simplement
utilisé comme un moyen d’exploitation. Quand ils proclament que
c’est pour distribuer la prospérité équitablement parmi le peuple.
Ah ... je ne l’ai jamais cru.

11. Est ce que tu peux nous expliquer les formes et les processus
de la lutte des paysan-ne-s de la côté à Kulon Progo inclus dans
PPLP qui ont été utilisées ces 7 dernières années ?

Il y en a beaucoup. J’oublie même combien de fois les paysan-ne-s ont
manifesté contre le gouvernement. Nous avons pris les routes avec
des manifestations pour demander aux agences gouvernementales
d’au moins écouter nos protestations, d’entendre les voix du peuple.
Mais oui, jusqu’à ce jour, ils ont toujours insisté pour continuer le
projet de mines. Par exemple, nous avons déjà fait de nombreux
rassemblement devant le district de Kulon Progo dirigé par le gouvernement, devant le régent, devant le gouvernement de
Yogyakarta. Une fois, on est même allée à la Maison des
Représentants. Ensuite, en parlant de ça, j’oublie aussi combien de
fois on leur a écrit, et même au président, 2 ou 3 fois. On n’a jamais
su si ces lettres ont été juste écartées, ou utilisées pour
envelopper de la nourriture. Je crois aussi que le président ne se
préoccupe pas de lire la lettre d’un paysan. C’est une preuve
qu’aujourd’hui, on ne peut pas attendre d’un processus légal qu’il
nous aide, tout ça n’est que de la théorie. Je peux parler comme ça,
parce que je l’ai prouvé moi-même, les nombreuses fois où nous avons
écrit des lettres, fait des actions légales, parlé au gouvernement,
c’était complètement absurde. Ils promettent, mais il n’y a pas de
réalité, même la Maison des Représentants... oui, j’y ai été 5 fois peut-être, ils font juste des promesses vides. Même quand ils viennent ici
(à Kulon Progo), plutôt que de venir voir le destin de leur peuple, le
comité de la Maison des Représentants est en fait venu voir comment
l’extraction pouvait bien se faire, pas pour défendre les intérêts de
la société civile. Donc nous ne croyons pas à une lutte formelle
légale, parce que ça ne marche pas, nous avons essayé.De plus, je
crois que les intentions des ONG ne sont pas claires, parce que ce
que j’ai vu, c’est qu’elles ne soutenaient pas notre opposition à la
mine, à la place, elles proposaient de négocier une solution
"gagnant-gagnant", un " gagnant-gagnant" pour le pays et les
investisseurs, ce qui n’est pas bénéfique pour notre société. Donc
nous ne pouvons jamais leur faire réellement confiance. Et il y a
des preuves que des ONG ont laissé tomber d’autres paysan-ne-s qui
luttaient en Indonésie. Si elles décrivent ces luttes comme des
succès, c’est faux, car les paysan-ne-s ne peuvent plus être
complétement indépendant-e-s pour mener leur vie comme il-le-s
veulent.

12. Dernière question, quelles sont les meilleures choses à faire,
autant pour les paysan-ne-s de Kulon Progo que pour les mouvements
en général qui se battent toujours contre l’oppression ?

C’est en réalité une réponse simple en terme de mots. Nous ne
devrions jamais laisser notre destin à d’autres. Ce qui détermine
notre destinée nous appartient, et à personne d’autre, ni à un
parlement, ni aux bureaucrates, ni aux politiciens, et
particulièrement pas aux ONG. Nous ne permettrons pas qu’elle leur
soit donnée. Notre lutte est nous appartient. Nous la partageons
avec qui veut, nous sommes très ouverts, parce que c’est un des buts
de la campagne d’information. Mais la prise de décision, cela se fait au sein de la communauté. Ce n’est pas juste pour les mouvements de
paysan-ne-s, c’est important pour tous les mouvements, des
mouvements de travailleur-euse-s à tous les autres. Les questions
agraires en Indonésie sont souvent laissées aux politiciens et aux
ONG, qui les ont typiquement ruinées. Nous combattons
indépendamment. Et l’importance des trois choses que je mentionnais
dans notre conversation plus tôt. La construction de la force d’une
société par la base : nous devons réaliser que cette lutte est la
nôtre. La seconde, comment faire un réseau avec des amies qui
s’intéressent réellement et veulent réfléchir ensemble pour le bien
du peuple ? Nous avons ouvert la campagne de réseau à l’extérieur,
parce que cette question est une question qui nous concerne tou-te-s. C’est pourquoi il est important de construire un réseau fort. Mais il faut être attentif, et ne pas laisser ces « relais de réseau » devenir des « gestionnaires ». Nous devons simplement utiliser notre logique et notre bon sens pour analyser le but des personnes qui vont dans les zones de conflits. La troisième chose est, nous avons
besoin d’avocats, qui quand nous sommes au contact de la loi,
peuvent nous soutenir. Pour que les personnes coincées par la loi
puissent y sentir plus de contenu, même s’il y a de grandes
probabilités pour que nous perdions le procès de toutes façons. Si
nous voulons gagner, nous devons utiliser les lois traditionnelles,
et nos propres règles entre paysan-ne-s pour résoudre les problèmes
avec quiconque.

13. Un dernier mot d’encouragement ?

Cette lutte est notre lutte. Nous ne la donnerons jamais à personne
d’autre, et nous continuerons à refuser les projets de mines, quelque
soit le temps que ça prendra, et jusqu’au bout !

Dimanche 1er mai 2011 - Tukijo kidnappé par la police locale

11h : 9 officiers de police arrivent dans une voiture venant du
bureau de PPT JMI’s Pilot Projet devant la ferme de Tukijo, dans le
village de Gupit à Kulon Progo. 3 d’entre eux sortent de la voiture
et s’approchent de Tukijo. Ils disent que le chef des services secrets
de la police de Kulon Progo attend dans la voiture et veut parler à
Tukijo. Is lui disent " on veut seulement discuter de quelques
informations". Quand il s’approche plus près de la voiture, il est
mis de force dedans et la voiture s’éloigne rapidement de la ferme.
Tukijo demande à un des policiers où ils l’emmènent, et l’officier lui
répond qu’ils vont voir le commandant.

Tukijo continue à insister pour savoir où on l’emmène et pourquoi.
Finalement, quand la voiture passe à Trisik (le village après Gupit),
ils lui montrent un mandat d’arrêt avec son nom dessus, l’accusant :
- d’avoir privé quelqu’un de sa liberté
- d’activités « déplaisantes ».

Tukijo répond en demandant pourquoi il y avait un mandat d’arrêt
contre lui comme suspect sans aucune notification pour apparaître
dans une enquête, car d’après la loi, il doit y avoir un avis
d’enquête, et un mandat d’arrêt ne peut sortir que s’il y eu un défaut
de présentation deux fois ou plus. Il demande aussi pourquoi ils ne
se dirigent pas vers le bureau de la Police régionale de Kulon
Progo.

A chaque question posée par Tukijo, la réponse était que ces choses
dépendaient techniquement du commandant. Piégé dans une voiture,
gardé par 9 policiers, Tukijo a commencé à se sentir confus et une
terreur psychologique est montée en lui. Il était incapable de faire
quoi que ce soit, même d’exiger une explication claire ou de
contacter ses proches.

A peu près 15 minutes après que Tukijo ait été kidnappé, sa femme
s’est rendue compte qu’il était absent, et a commence à se demander
pourquoi son mari ne travaillait pas dans les champs. Là où il était avant, il ne restait qu’une sandale. Elle a cherché frénétiquement dans les autres champs, et après l’avoir cherché en
vain, elle est allée à la maison et a demandé à ses proches si ils
savaient où il était, mais bien sûr, personne ne savait. Finalement,
un des proches de Tukijo a réussi à le contacter par son téléphone
portable. Ils ont seulement pu parler brièvement, mais assez pour
que Tukijo dise qu’il était emmené au bureau de la police régionale
de la région spéciale de Yogyakarta.

La nouvelle de son enlèvement forcé a rapidement fait le tour de la
communauté de Kulon Progo, mais il n’était toujours pas clair de
quelle violation Tukijo pouvait être accusé. Un des membres de PPLP
qui contactait Tukijo a découvert qu’après être arrivé au bureau de
Police régionale de Yogyakarta, il avait été immédiatement
interrogé. A 13h, tous les membres de PPLP et la communauté de Kulon
Progo se rencontrèrent dans la maison d’un des membres de la
famille de Tukijo. Ils attendaient anxieusement chaque
développement ou information de Jogja, soit directement par Tukijo,
soit par l’avocat qui avait été contacté à 12h ou par n’importe quel
sympathisant qui essayait de le voir au bureau de police de
Yogyakarta.

Alors que la police continuait d’essayer un processus légal, PPLP
objectait déjà que la police avait utilisé la tromperie pour arrêter
Tukijo, sans aucune notification avant d’être arrêté, ni après à sa
famille.

Cette arrestation est une violation de la loi n°18 de l’année 1981.
L’article 17 dit : " la procédure d’arrestation de quelqu’un suspecté
d’avoir réalisé un acte criminel doit être basée sur des preuves
claires et irréfutables." Jusqu’au moment de l’écriture de cette
chronologie, aucune preuve évidente n’avait été fournie par la
police pour justifier leur soudaine arrestation de Tukijo.

L’article 18 (1) dit aussi « la procédure d’arrestation est la
suivante. La République indonésienne expose que l’officier
procédant à l’arrestation doit montrer la lettre de mission et se
présenter au suspect avec un mandat d’arrêt qui expose l’indentité
du suspect, les raisons de son arrestation, et qui décrit en détail
le forfait dont il est suspecté, avec en plus, la localisation exacte
du lieu où il est suspecté d’avoir accompli le dit forfait. »

Il est clair que quand la police a arrêté Tukijo, il y a eu violation
de l’article 18, par non présentation de leur lettre de mission et
du mandat d’arrêt à Tukijo avant de le forcer à entrer dans la
voiture.

L’article 18 (3) déclare ; « Une copie de la lettre d’arrestation comme
mentionnée au paragraphe (1) doit être donnée à la famille
immédiatement après l’arrestation. »

Au moment d’écrire ses mots, aucune lettre de notification comme
mentionnée dans le paragraphe (3) n’a été encore été donnée à la
famille. Cela ne laisse rien présager de bon sur les intentions de
la police, et ils violent clairement leurs propres lois. Cette
attitude rend seulement plus claires leur arrogance et leurs
intentions planifiées d’enlever Tukijo, et il est juste de suspecter
que c’est un enlèvement organisé, sur l’ordre de quelqu’un, parce que
Tukijo est un paysan qui a lutté publiquement contre le projet
d’extraction de minerai de fer sur les terres du littoral de Kulon
Progo.

Nous dénonçons l’arrogance de la police et de ceux qui ont organisé
ce kidnapping et l’arrestation de Tukijo qui en a suivi. Le prendre
au piège, contre sa volonté, à l’intérieur d’un véhicule, la pression
lié au nombre d’officiers de police, la terreur psychologique
intentionnelle, négliger d’informer la famille de Tukijjo, sont
clairement des violations des droits humains. La police, dans le
seul but d’appréhender rapidement Tukijo et de le contraindre au
silence, a commis toutes ces violations de lois. Elle se soucie
seulement après de comment faire une enquête-éclair, parce qu’il va être difficile pour eux de prouver leurs accusations.

L’article 19 (1) déclare : « Une arrestation comme mentionnée à
l’article 17 peut seulement durer 24h après le moment de
l’arrestation. »

Si Tukijo est retenu plus de 24h (compté à partir du 1er mai 2011),
d’après la loi, alors il est demandé à la police de le relacher, parce
qu’ils n’ont pas de preuve assez forte pour étayer leur accusation.

Tromper et kidnapper Tukijo est une attaque stratégique contre la
communauté toute entière. Tukijo est influent au sein de la
communauté, et bien connu comme un avocat franc des droits des
paysan-ne-s. C’était une action calculée dans l’intention de répandre
la peur, la panique et la confusion chez les paysan-ne-s. La
compagnie minière, avec l’aide de la police, voulait montrer une fois
de plus qu’ils peuvent utiliser et utiliseront tous les moyens
nécessaires, qu’ils peuvent aller jusqu’à n’importe quelle extrémité,
légale ou illégale pour empêcher les paysan-ne-s de défendre leurs
droits, leur communauté, leur terre, leur culture, et leur moyen de
subsistance.

Kulon Progo, 2 mai 2011, 9h00.

PPLP KP (Collectif de paysan-ne-s de la côte de Kulon Progo)

[Adaptation du communiqué original pour cette publication : 24
juin 2012.]

Entretien : Suratinem

Suratinem (la femme de Tukijo) travaille maintenant seule ses
terres depuis un an, pendant que son mari est injustement en
prison pour avoir dénoncé l’avidité des entreprises et la
corruption. Au moment de cet entretien, Tukijo est toujours
emprisonné. Sa femme vit sans la présence quotidienne, l’aide et le
soutien de son mari.

1. Quand tu t’es rendue compte que Tukijo n’était pas là, qu’est ce
que tu as pensé qu’il avait pu lui arriver ?

A ce moment là, Tukijo m’avait demandé d’arroser les les plantes. Donc
j’arrosais. Ensuite, je lui ai demandé s’il pourrait finir l’arrosage,
parce que j’avais mal à la main, et il a dit oui. J’avais presque terminé, et je commençais à me demander pourquoi il n’était pas
venu. J’ai commencé à le chercher, et il n’était nulle part, à aucun
des endroits où il est habituellement . Alors j’ai demandé à Dwi (la
femme de Kinten) si elle l’avait vu, elle m’a dit qu’il était peut être
au bassin. Et Dwi a appelé M Cokro, qui était au bassin, mais il a
répondu que Tukijo n’était pas là. Alors Dwi a appelé Tukijo
directement, en lui demandant "où tu es passé ? ta femme te cherche
", et il a répondu " la police m’a embarqué et m’emmène au quartier
général de la police de Yogyakarta." En entendant ces nouvelles, j’ai
paniqué. Dwi et moi, on a demandé à Tukijo " pourquoi la police
t’emmène au quartier général, quel est le problème ?" mais mon mari
a répondu qu’il ne savait pas, qu’on lui avait d’abord juste demandé
d’entrer dans la voiture pour discuter, mais qu’il avait apparemment
été enlevé par la police. A ce moment là, j’ai eu toutes sortes de
pensées, parce qu’à ce moment là, notre famille avait beaucoup de
dettes. J’étais en train de penser, si mon mari est emprisonné, est ce
que je vais pouvoir continuer à payer les dettes ? Mon esprit était
tout embrouillé, confus. Pensez à ce que ça serait pour vous si votre
famille disparaissait soudainement, si vous étiez laissé seul-e avec
une pile de dettes, et si vous deviez soudainement survivre seule. Et
je n’avais pas d’autre travail. Je gagne seulement ma vie avec notre
ferme. C’est devenu un fardeau immédiat dans ma vie. Penser que je
suis tout seule, avec personne pour m’aider. D’habitude, mon mari est
toujours là. Mais heureusement que je peux payer mes dettes, parce
que les dettes sont liés au gouvernement : si je ne peux pas les
payer, je pourrais faire l’objet de sanction.

2. Quand tu as finalement reçu l’information que la police l’avait
kidnappé, quelle a été ta réaction ?

A ce moment là, j’ai pensé à la possibilité que mon mari soit
emprisonné. J’ai pensé à ça. Que ça signifiait que je devrais
travailler toute seule, réfléchir toute seule, sans lui, sans plus
personne pour m’aider. Mon fils venait de se marier, ça signifiait
qu’il ne pouvait pas m’aider non plus, parce ce qu’il avait la
nouvelle responsabilité de prendre soin de sa propre famille.

3. Comment tu te sens, après un an d’absence de Tukijo ? Et comment ça
se passe pour les travaux des champs ?

Bon, c’est simple, je travaille et réussis tout ça par moi-même. Je
pulvérise les plantations moi-même, mais je dois payer des salariés
pour m’aider à préparer le sol avant de planter quoique ce soit.
Toutes les autres tâches que je peux faire seule dans les champs, je
les fais, je n’ai pas d’autres choix que d’être capable de les faire.
C’est juste parce que les conditions me forcent à ça.

4. Les conditions ont l’air difficile pour toi et ta famille. Comment
ça va, mentalement ?

Aussi dures que soient les conditions, grâce à dieu, je peux y faire
face. Parce que la famille et toute ses dettes sont une part de ma
responsabilité. Donc même si mon mari ne peut pas m’aider, je dois
quand même le faire.

5. Qu’est ce que tu ressens par rapport à la société minière ? Est ce
que tes sentiments ont changé depuis que Tukijo est en prison ?

Je refuse toujours ! Ils ne doivent pas faire cette mine. Ils ne
doivent toujours pas. Depuis le début, c’est ce que je pense. Parce que
c’est notre seule façon de vivre, de nous nourrir, pour ma famille et
pour tou-te-s les paysan-ne-s des plages de la côte.

6. Est ce que les paysan-ne-s des environs t’ont aidé, toi et ta
famille depuis que le combat de ta famille a commencé ? Est ce qu’il
y a encore beaucoup de paysan-ne-s qui te soutiennent ?

Jusqu’à maintenant, oui, il y a encore beaucoup de paysan-ne-s qui
nous aident, beaucoup qui essayent de m’aider à m’en sortir. Que ce
soit avec des réflexions, du temps, de l’argent, de la main-d’oeuvre....
il-le-s le font toujours, jusqu’à présent.

7. Après que Tukijo ait été condamné comme coupable par le tribunal
étatique de Wates, les habitant-e-s de Kulon Progo ont essayé de
prouver son innocence et sont allés en appel devant la première
cour, mais cette demande a échoué. La plus haute cour a confirmé
qu’elle considérait Tukijo comme coupable. Quel est ton point de vue
par rapport à la loi ?

Je suis vraiment touchée, parce que mon mari a été condamné pour
une très longue période. Alors que les officiers corrompus du
gouvernement n’ont que quelques mois. Mon mari est un paysan
ordinaire, pourquoi doit-il être condamné aussi longtemps ? S’il est
coupable, de quoi est-il coupable ? Son intention était seulement
d’aider une personne qui avait franchit la limite entre les terres
des paysan-ne-s et celle de la société (un travailleur du projet
pilote de JMI) pour éviter que cette personne se fasse frapper par
la foule (parce qu’il n’y a un d’accord de frontière entre les
personnes de la société minière et les paysan-ne-s). Mais finalement,
c’est mon mari qui est la seule victime, lui et sa famille. S’il était
emprisonné parce qu’il était en train de voler ou de frapper
quelqu’un, je pourrai comprendre. Mais dans ce cas, il est innocent,
il défendait une personne. Mais je crois qu’il a été emprisonné, pas
pour les raisons que la cour a dit, mais parce qu’il y a beaucoup de
gens de la société minière qui le détestent parce qu’il est franc,
ils n’aiment pas ce pour quoi il se bat. Ils n’aiment pas qu’il
résiste activement à l’extraction de minerai de fer.

8. Combien de temps Tukijo a été emprisonné ?

Plus d’un an. En mai (2012), ça a fait un an exactement... maintenant,
ça fait un an et deux mois.

9. A ta connaissance, quels sont les sentiments et opinions de Tukijo
maintenant qu’il est en prison ? Est ce qu’il a toujours les mêmes
idées ?

De ce que je sais, il a toujours le même esprit, il résiste toujours à
l’extraction de minerai de fer. Il est comme ça, même emprisonné, il
continue à penser à notre peuple qui se bat contre les mines.
Comment est leur état d’esprit, comment ils sont soutenus. Et il
espère que les paysan-ne-s du littoral vont continuer à résister à
l’oppression et toujours défendre leur terre.

10. Quelles sont tes attentes pour le futur ?

J’espère, et je prie, que le problème de mon mari puisse être résolu
bientôt. Et qu’il puisse sortir de prison. Et que tout puisse
redevenir normal, qu’on puisse travailler à nouveau normalement.
J’espère que la société minière va partir, et que les gens pourront
se sentir à nouveau en paix sur leur terre.

Note d’entretien : nous avons écourté l’entretien avec Ibu
Suratinem, parce qu’après quelques minutes, elle était très émue. Ça
a été une tragédie pour sa famille, et nous espérons, comme tous les
membres de PPLP et les habitant-e-s de Kulon Progo, que Tukijo
pourra rentrer dans sa famille le plus tôt possible.

Déclaration des paysan-ne-s de Java (FKMA)

Des paysan-ne-s de toute l’île de Java se sont rassemblées en
décembre dernier pour entendre les luttes des un-e-s et des autres
et partager leurs expériences. De nombreux groupes résistent
actuellement aux projets de différentes entreprises qui veulent
extraire le fer des sables le long de toute la côte sud de Java.
D’autres ont lutté contre des entreprises de ciment en Centre Java,
et le volcan de boue, qui est en « éruption » à l’Est de Java depuis 5
ans, depuis que l’entreprise Bakrie a commencé à forer pour extraire
du gaz dans cette région.
Cette rencontre était un événement important, car les paysan-ne-s
impliquées dans ces luttes sont en train de construire leurs
propres réseaux, sans l’aide ni la médiation d’aucune ONG.

Déclaration du Forum des Paysan-ne-s pour la Communication

Les paysan-ne-s de partout à Java qui sont victimes d’extraction
minière ou d’autres industries, ou de saisie de terres se sont
rencontré-e-s pour discuter et partager leurs expériences. La
rencontre a eu lieu du 20 au 21 décembre 2011 à Gerbong Revolusi,
dans le village de Garongan, Panjatan, région du Kulon Progo.

Le 22, les paysan-ne-s ont décidé de faire une déclaration au bureau
de rédaction de Resist Books, dans les bâtiments de Amal Insani, à
Yogyakarta. Avant d’y aller, les délégué-e-s de cette rencontre ont
cependant décidé de rendre visite à Tukijo, un paysan victime de la
cristallisation du mouvement de lutte, actuellement en prison pour
avoir résisté aux mines de sables ferreux à Kulon Progo.

Ci-dessous, la déclaration lue par les représentant-e-s de 10
régions qui ont participé à toute la rencontre et ont décidé à la
fin de former une réseau de travail informel sous le nom de Forum
des Paysan-ne-s pour la Communication (Forum Komunikasi
Masyarakat Agraris (FKMA)) :

Aujourd’hui, en tant que paysan-ne-s et membres de groupes de plus de
10 régions différentes de toute l’île de Java partageant des visions
et des buts communs, nous agissons pour défendre nos droits sur nos espaces vitaux. La position collective que nous avons formulé est
la suivante :

1. Nous sommes prêt-e-s à combattre l’injustice qui résulte des
politiques de l’État et des entreprises
2. Nous sommes prêt-e-s à défendre le droit du peuple à la terre,
car la terre représente notre espace vital, et la source de nos
moyens de subsistance, et ceci n’est pas remplaçable.
3. Nous sommes prêt-e-s à résister aux législateur-trice-s
criminelles qui utilisent la loi comme un outil pour légitimer
la destruction des bases sociales, économiques, culturelles et
environnementales des populations.
4. Nous appelons les forces de la loi et les forces de l’ordre à
mettre fin à toutes les formes d’intimidation, répression, et
cristallisation des paysan-ne-s et de tout personne qui
défendent leurs droits comme la forme la plus haute de
souveraineté dans la République d’Indonésie, car ces forces
doivent servir les intérêts du peuple, pas ceux du capital.
5. Nous appelons à la solidarité, au soutien moral et à l’esprit
de la lutte tou-te-s les frères et soeurs qui partagent le même
destin et les mêmes privations à Mesuji- Lampung, Takalar -
Sulawesi Sud, Persil IV -Sumatra Nord, la côte de Kulon Progo-Yogyakarta, la côte de Kebumen-Java centrale, les victimes de
la vague de boue de Lapindo à Porong- Java est, les paysan-ne-s
de Padangrincang à Banten- Java ouest, Sedulur SIKEP dans les
montagnes de Kendeng- Java est, la côte Wotgalih à Lumajang-Java est, les côtes de Kalipucang et Cimeral à Ciamis-Java
ouest, et partout ailleurs où les personnes doivent faire face
aux abus des entreprises.

Yogyakarta , 22 décembre 2011.

Groupes impliqués dans le FKMA :
1. JMPKK Pati
2. FOSWOT Lumajang
3. FPPKS Kebumen
4. Serikat Tani Merkada (SeTAM) Cilacap
5. PPLP Kulon Progo
6. SITAS DESA Blitar
7. LPMB Banten
8. Bale RUHAYAT Tasikmalaya dan Ciamis
9. Forum Warga Cilacap
10.Korban Lumpur Lapindo Sidoarjo

SG et PAG, passagers clandestins de l’acte du plan d’action spécial de l’État de Yogyarkarta

Ces derniers temps, les disputes au sujet des statuts de l’État
spécial de Yogyakarta se sont focalisées sur qui devrait être le
gouverneur et vice-gouverneur légitime. L’enjeu, à mon avis, est trop
restreint. Ce qui caractérise le mieux le féodalisme de la région
spéciale de Yogyakarta (Daerah Istimewa Yogyakarta /DIY), c’est
l’existence de millions d’hectares de terres impériales dans cette
province, connues comme le Terrain du Sultanat (Sultanat Gronden
/SG), et le terrain de Pakualamanaat (Pakuakamanaat Gronden / PAG).

Le SG et PAG dans le DIY sont vraiment de grandes surfaces de
terrain, parce que, en se basant sur les documents impériaux du
Sultanat (Rijksbald Kasultanan) N°16/1918 et N°18/1918, tout territoire
sur lequel une propriété (eigendom) n’est pas attestée comme
appartenant à un individu est automatiquement propriété du
sultanat et du gouverneur en fonction.

Des milliers d’hectares du SG dans le DIY sont maintenant
concentrés sur Yogyakarta, Bantul et Sleman (Kabare, juillet 2007,
pages 14-15). Au delà du SG, on trouve aussi le PAG, dont les terres
sont pour leur part concentrées sur Kulon Progo. Les deux
territoires sont la source de revenus des deux palais, à travers
leur actions à l’Hotel Ambarukmo, l’Ambarukmo Plaza, le Square
Saphir, et le cours de golf Merapi.

La gestion de ces terres est sous la juridiction du bureau Paniti
Kismo, dirigé par GBPH Hadiwinoto, le petit frère du sultan
Hamengkubuwono X, l’honorable Penghageng Kawedan Hageng Wahono
Sarto Kriyo [5].

La légalisation du SG et du PAG est menée à travers le plan d’action
spécial de l’État de Yogyakarta, et a été mise en avant de
nombreuses fois par le Sultan HB X [6].

Les actifs de la compagnie

Tout comme dans les familles impériales d’Europe, les parcelles de
terrain du SG et du PAG est devenu un capital d’investissement - et
aussi l’activité sociale- de la plupart des membres de la grande
famille du Sultan Hamengku Bowono X et Paku Alam X. Entre le petit
frère et la soeur du Sultan, celui qui ressort le plus est GBPH
Probukusumo. C’est le directeur général d PT Krka Adisatya Matarem,
une des plus grosses compagnies d’affichage publicitaire à
Yogyakarta, et le président général de Jogja TV [7].

La plus agée de filles du Sultan du Sri, Gusti Kanjeng Ratu /GKR (la
reine XX sainteXX pembayun, est la plus active pour profiter du
territoire impérial hérité par l’agrément Giyanti en 1755. En plus de
posséder une usine sucrière (Madukismo), elle dirige une usine de
cigarettes sous le label Inner Palace (Kraton Dalem), laquelle
dispose de sa propre ferme productrice de tabac a Ganjuran, Bantul.
Elle a aussi une culture de vers à soie PT Yarsilk Gora Mahottama
dansle village de Karantengah, district d’Imogiri, Bantul ; et enfin
une ferme de crevettes PT Indokor Banjun Desa dans le village de
Kuwaru, Bantul [8].

Mais le "diamant de la couronne" de l’empire financier de la famille
du palais est la compagnie de mine de fer sableux, PT Jogja Magasa
Iron (JMI), à Kulon Progo. Dans cette compagnie, Gusti Pembayun et
son oncle, GBPH Joyokusumo sont les présidents, tandis que la
position de directeur est tenue par BRM Hario Seno de Puri
Pakualaman [9].

La compagnie a fusionné avec Indo Mines Ltd de Perth, en Australie
de l’Ouest, pour devenir PT Jogja Magasa Iron (JMI). Ils prévoient
d’extraire le sable ferreux sur la côte de Kulon Progo, sur une aire
de 22km, puis de le transformer en XXpig IronXX, et l’exporter vers
l’Australie. Peu de temps après, le Sultan a formalisé sa
candidature à la présidence du pays, et PT JMI a signé un contrat
d’exploitation pour l’extraction du sable ferreux sur la côte de
Bugel, Kulon Progo, pour 30 ans.

Depuis, la lutte des habitant de la côte de Kuloon Progo, organiséevia le PPLP (Paguyuban Pateni Kulon Progo/Kulon Progo Seashore
Collective), a pris de l’intensité. Le 21 juin 2009, par exemple, 38
camions transportant 5000 fermiers de la côte de Kulon Progo ont
voyagé jusqu’à l’université de Gadjah Mada (UGM), pour protester
contre les chercheurs en sciences politiques et sociales et en
foresterie de l’UGM qui avaient siégé avec la compagnie minière et
recommandé la demande de réquisition des terres par la corporation
minière.

Plutôt que de mener des recherches au sujet des techniques
agricoles révolutionnaires développées par les fermiers de la
côte de Kulon Progo, qui on transformé avec succès la plage de
sable noir en terrain fertile pour y cultiver le piment et de
nombreuses autres espèces, ces chercheurs de l’UGM on accepté le
plan minier comme s’il était inévitable, malgré le fait que le projet
de fusion d’Indo-Australie est contre la loi environnementale et
d’aménagement de l’espace de la localité de Kulon Progo.

D’autre part, le plan minier à Kulon Progo montre aussi à quel
point est énorme la dépendance des investissements familliaux du
palais de Yogyakarta vis à vis de leurs terres féodales, supposées
ne plus être considérées comme leurs si les membres de la famille
royale respectaient l’UUPA 1960 (acte principal agraire) mis en place
par le Sultan Hamengku Bowono IX (le père du Sultan actuel), le 24
septembre 1984. Au lieu de lancer l’agenda de réforme agraire
planifié par l’UUPA 1960, les très controversées SG et PAG essaient
d’obtenir une légalisation en l’intégrant dans l’acte de
plannification spécial de l’État de Yogyakarta [10].

C’est pourquoi la totalité de la fraction de la maison de
représentants de la république d’Indonésie qui débattent de cet
acte spécial de l’État de Jogyakarta, passage par passage, feraient
bien mieux de ne pas prêter plus d’attention au mécanisme de
changement de gouverneur et de vice-gouverneur, mais plutôt
focaliser sur les implications qu’induiraient la légalisation de
millions d’hectares de ce Swapraja [11].

George Junus Aditjondro

[George Junus Aditjondro a mené des recherches à propos des
implications de la réforme agricole depuis qu’il s’est impliqué dans
l’installation du Sektretariat Bina Desa dans les années 1980. Cet
article et déjà été publié auparavant, dans le Sinar Harapan, 31
janvier 2011.]

Informations et contacts :

Site web du PPLP : http://petanimerdeka.tk/

Email du PPLP : petanimerdeka@@@yahoo.com

Vidéos : http://petanimerdeka.tk/blog/

Site web solidaire australien (en anglais) :
http://kpsolidarity.wordpress.com/

Site web d’info sur les luttes indonésiennes : http://hidupbiasa.blogspot.com/

Envoyez une lettre de protestation et solidarité aux adresses ci-dessous.
Faites leur savoir que la communauté internationale ne soutient
pas la domination des communautés locales.

L’entreprise minière australienne : http://www.indomines.com.au/

Ministère des affaires intérieures d’Indonésie (département Dalam
Negeri)
Adresse du bureau : JI. Merkada Utara No 7 Jakarta 10110 Indonésie
Téléphone : +62 (21) 345-0058, 384-2222
Fax : +62 (21) 383-&193

Ministère de l’Energie et des Ressources Minérales d’Indonésie
(Departemen Energi dan Sumberdaya Mineral)
Adresse du bureau : JI. Merdeka Selatan 18 Jakarta 10110 Indonésie
Téléphone : +62 (21) 380 4242, 381-3233
Fax : +62 (21) 384-7461

Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme (HAM) (Departemen
Kehakiman dan Hal Asasi Manusia)
Adresse du bureau : JI. H.R Rasuma Said Kav ? 6-7 Kuningan, Jakarta
12940 Indonésie
Téléphone : +62 (21) 525-3004 ex 258, 526-5989
Fax : +62 (21) 526 -3082

[1Document Founding Limited Company PT Jogja Magasa Minin No40. Buntario Tigirs
Darmawa NG, SH, SE

[2Interview du 12 mars 2009.

[3Demande de contrats de travaux du gouvernement de la république d’Indonésie.

[4Plan de travail 2009 JMI, Yogyakarta le 12 mars 2009.

[5Kabare, juillet 2006, pages 60-62.

[6Kabare, juillet 2007, page 13.

[7Kabare, juillet 2005, page 25.

[8Kompas, 11/08/2003 ; Kabare, juin 2006, page 24 ; Agrina, 14/04/2008 ; Bernas Cyber
News, 1/08/2008 ; Jawa Pos, 30/07/2009.

[9Akte Pendirian / Establishment Letter, PT JMM, 6 octobre 2005.

[10Voir l’Acte de plan spécial de l’État de Yogyakarta, article 12, chapitre VIII.

[11Région autonome.


)

Brochure traduite en français à partir d’une brochure de Unrest Collective / 2012.

Unrest Collective / Nous sommes un média collectif disséminant en anglais et indonésien
des informations sur les luttes de tou-te-s celleux dont la vie est
en train d’être détruite par la civilisation industrialisée,
capitaliste. Nous espérons offrir des perspectives alternatives et
des moyens de survivre dans un monde devenu fou.
Jusqu’à ce que nous soyons tou-te-s libres....
Tetap semangat.
Mail : unrest-collective@@@riseup.net



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